Culture

Reportage : la fièvre des riads saisit Asilah

© D.R

Bousselham, 76 ans, a perdu ses cheveux. Mais sa passion pour les vieilles pierres, moins encore pour le magnifique et «vieux» Café «Zrirek», n’a pas pris une seule ride de l’âge. Fils du fondateur défunt du célèbre café, Ahmed Messari, surnommé «Zrirek», il veille, soigneusement, sur ce legs historique devenu, au fil des jours, «un lieu incontournable pour les hommes de lettres, artistes et autres personnalités politiques». Edmond Amrane El Maleh, grand habitué de ce lieu mythique, y a consacré un excellent livre intitulé : «Café-Zrirek». Mohamed Benaïssa y est passé par là, en témoigne son livre «Les grains de la peau». D’autres illustres hommes de plume, et de pinceau, tels le poète Mehdi Akhrif, ou encore le plasticien Mohamed Melihi, ont donné la pleine mesure de leur fascination pour ce petit bijou de l’ancienne médina. Abdessalam Hodeïbi, ancien «raïss» de pêche, 67 ans, en garde un souvenir affectueux. Et une pensée particulière pour celui qui a eu le mérite de le construire, dans les années quarante du siècle précédent. «Ancien pêcheur, devenu moqaddem, Ahmed, issu de la tribu des Béni Messara, a bâti ce café avec le soutien du caporal Abdelkader Trabajo, alors soldat servant dans l’armée espagnole. Le café, baptisé du surnom qu’on prêtait à son fondateur, Zrirek, en raison de son teint bleu, fut le QG des pêcheurs, avant de devenir le lieu favori des intellectuels», certifie-t-il. «Ces gens viennent ici pour déguster, tranquillement, leur thé à la menthe, mais aussi et surtout pour admirer le beau cadre de ce haut-lieu historique, dépositaire de la mémoire d’une ville», renchérit Bousselham, l’héritier du café. En sirotant son thé (3 dirhams) sur la terrasse de ce café, on est, également, happé par une imposante tourelle qui vient flatter le regard : «Borj Al Qamra». «C’est là que le Roi Sebastian passa sa dernière nuit avant d’être tué à Ksar Lakbir, lors de la glorieuse Bataille des Trois Rois», lance Rachid, enseignant. Cet édifice, témoignage vivant de l’âge d’or lusitanien au Maroc, fut bâti pour repousser les vagues d’invasion en provenance des côtes atlantiques. Symbole de puissance, cet édifice, tel un vigile, continue de veiller jalousement sur une médina dont les façades, peintes en bleu et blanc, reflètent remarquablement le passé maritime de «Zilis». Un silence quasi-religieux y règne, il est trompé, de temps en temps, par le son des pas des piétons au contact du carrelage chaussant les belles ruelles de cette ancienne médina. Il faut vraiment se servir d’un fil d’Ariane pour trouver, enfin, l’une des trois portes de sortie que compte cette médina : «Bab Al Bahr», «Bab Al Qasba», ou encore «Bab Al Homr», fréquenté abondamment par le commun des piétons pour la simple raison que cette porte donne sur le principal boulevard d’Assilah : Bd Hassan II. A longueur de ce boulevard, l’odeur grisante du thé à la menthe, dégagée par une procession de cafés, aménagés en plein air, flattent fortement les narines. Plus loin, au fond de ce boulevard, une grande ceinture vient condamner l’accès à la Place Mohammed V.
Un grand écriteau annonce la construction d’un parc public, grâce au soutien financier de l’Agence andalouse de coopération internationale. Assilah est en train de se refaire une beauté. Au-delà de la Place Mohammed V, à Borj Abou Taïeb, un ambitieux plan de relogement des bidonvillois est, par ailleurs, en cours de réalisation. «Quatre cents familles bénéficieront de logements sociaux grâce à cette opération, financée par le Fonds Abou Dhabi pour le développement», se félicite un jeune bidonvillois. «Les efforts de la Fondation Assilah, par ailleurs initiatrice du Moussem culturel, pour booster l’activité touristique, sont considérables», souligne-t-il. Le tourisme, avec la culture des cacahuètes et l’élevage, reste l’unique et néanmoins grande richesse de la ville.
Le Moussem d’Assilah, l’un des plus vieux festivals culturels du Royaume, draine déjà plus de 150.000 visiteurs, nationaux et étrangers compris. «Ce rendez-vous estival nous permet, à chaque fois, de prendre du service. Pendant l’été, le phénomène de location des appartements prend de l’ampleur. Pour la majorité des familles, cette activité est devenue la principale source de revenus pour faire face à l’hiver», précise Larbi. S, un ancien employé de la municipalité. Azeddine. B, rifain d’origine, s’est lancé, lui, dans une autre activité florissante : la spéculation immobilière.
A l’instar de Marrakech, les riads d’Assilah sont devenus la cible privilégiée des étrangers. «Nos clients sont constitués principalement d’Espagnols, qui viennent acheter de vieilles maisons à des prix d’or», explique-t-il. Interrogé sur le montant, il affirme que la valeur de chaque maison varie proportionnellement de sa proximité de la mer.
Les vieilles demeures situées, par exemple, sur la corniche Ibn Khaldoun, sont vendues à des prix allant de 1 à 2 millions de dirhams. «Une véritable aubaine, commente un riverain, pour une ville qui, abstraction faite du tourisme, a peu d’atouts». Forte de son histoire, fascinante par ses paysages, Assilah est, avec d’autres villes, en train d’émerger comme un nouveau pôle touristique.

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