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Salah Dizane : «Dans notre domaine l’Etat a besoin d’un interlocuteur institutionnel»

© D.R

ALM : Vous êtes présent dans de nombreuses productions que ce soit à la télé, au cinéma ou au théâtre. Cependant, le public ne vous connaît pas de près. Comment vous présen-terez-vous? Salah Dizane :

Je suis né le 11 août 1949 à Casablanca, là où j’ai reçu mon éducation primaire, secondaire et uni-versitaire. J’ai forgé mes pre-miers talents artistiques dans le théâtre amateur en 1965. Quatre ans après, j’ai fondé une troupe de théâtre dans la ville d’Agadir où je me suis installé en 1969 pour y tra-vailler en tant que douanier. Dès ma première rencontre avec le réalisateur Mustapha Derkaoui en 1998, je me suis vu confier un premier rôle dans son film télévisé «La saveur de l’espoir». En 2001, j’ai rejoint la troupe «Masrah Ennass » dirigée par le doyen du théâtre marocain, Feu Tayeb Seddiki. A ses côtés, j’ai participé aux pièces «Bouktef», «L’inspecteur», « Abou Hayane Attawhidi» et « Azizi ». J’ai éga-lement participé à plusieurs films télévisés et cinématogra-phiques avec un grand nombre de réalisateurs dont Mohamed Ismael, Ahmed Boulane, Nou-reddine Lekhmari, Mohamed Mouftakir et bien d’autres. J’ai aussi pris part à plusieurs pro-ductions étrangères puisque je maîtrise la langue de Shake-speare.

Comment avez-vous pu allier votre métier de douanier au domaine artistique ?

Vous savez, contrairement aux fonctionnaires dans d’autres secteurs à l’instar de la sécu-rité, la justice, la santé, etc., le douanier se distingue par le fait de travailler au niveau des frontières du pays, qu’elles soient terrestres, maritimes ou aériennes. C’est un élé-ment qui permet de prendre connaissance de tout ce qui éduque le goût littéraire, scientifique et artistique. Bref, j’estime que j’étais chanceux lorsque j’ai d’abord assuré de quoi vivre. Après quoi, je me suis libéré pour travailler dans le domaine artistique. Si j’ai procédé ainsi, c’est pour ne pas être déçu sachant que l’art dramatique en tant que métier «ne permet pas de vivre dans notre pays».

Est-ce à dire que les artistes sont déçus ?

Indéniablement, ils le sont en majorité.

Pour quelle raison alors ?

Les artistes ne prêtent aucun intérêt à la formation cultu-relle, chose qui les empêche de défendre leurs droits. A son tour, l’Etat a besoin d’un interlocuteur en bonne et due forme. Pour leur part, les artistes devaient au moins, et c’est ce qui m’intéresse, reven-diquer leurs droits en cas de rediffusion de leurs produc-tions artistiques. Or, ils ne touchent aucun sou à cet effet.

Les producteurs seraient éga-lement responsables dans ce sens ?

Nous n’avons pas de produc-teurs au vrai sens du terme. Nous n’avons qu’une produc-tion exécutive (et des produc-teurs exécutifs) alimentée par l’argent des contribuables. Ces producteurs exécutifs ne sont que des «spoliateurs» à l’ex-ception de certaines sociétés professionnelles.

Et quel serait l’interlocuteur dont vous parlez ?

L’Etat a besoin d’un inter-locuteur institutionnel. Il a d’ailleurs exprimé sa bonne volonté à plus d’une occasion. Il a même accordé de nom-breuses facilités aux profes-sionnels pour emboîter le pas à ceux oeuvrant dans d’autres pays. Mais il semblerait que la grande majorité ait pris l’habi-tude de travailler dans «les eaux troubles» pour ne pas dire dans un environnement pourri. C’est une malédiction qui pèse sur eux comme c’est le cas dans les domaines poli-tique, économique, social et artistique.

Que répondez-vous à ceux qui estiment que les oeuvres ciné-matographiques ne sont pas réussies de par la mauvaise qualité du scénario ?

Je répondrais par une ques-tion : Disposons-nous d’ins-tituts publics et privés où de vrais encadrants enseignent les métiers du cinéma à commencer par l’écriture du scénario, en passant par la réalisation et la projection ? Ils sont rarissimes. De plus, ceux qui écrivent des scénarios au Maroc ne font pas la différence entre l’écriture romancière et celle du scénario cinémato-graphique. Celui-ci exige une conception approfondie de l’écriture, une écriture qui se fait par l’image et ne se limite-rait pas à un stylo et un papier. C’est là la nature du problème.

C’est quoi l’histoire de cette photo aux côtés de Feu SM Hassan II ? Quels en sont les faits ?

Comme dit le dicton marocain, «contrairement aux mon-tagnes, les hommes peuvent se rencontrer». (Rires). En fait, c’est du Photoshop. J’inter-prète, dans le film «Les larmes de sables» d’Aziz Essalmi, qui sera bientôt projeté dans les salles, le rôle d’un général retraité qui représente la raison d’Etat. Son fils, parle-mentaire et militant politique qui incarne, pour sa part, la raison politique, est marié à une star de cinéma (Saadia Ladib) qui représente la raison culturelle. Le père de celle-ci a survécu aux supplices de Tindouf. Il ne peut s’exprimer oralement puisque sa langue est amputée pour s’être abs-tenu de répondre à l’interro-gatoire des services de rensei-gnement de l’ennemi dans la zone caserne dans le sud-est du Royaume. Tout cela abonde dans le sens de la photo qui insinue le général connaisseur des secrets de l’Etat ayant fait l’objet de provocations par son fils, le jeune politique fougueux. Il est indéniable que le film, en termes du texte, de l’inter-prétation et des techniques professionnelles utilisées, res-suscitera le débat autour d’une production nationale avec de nouvelles caractéristiques dignes de respect.

Que recommandez-vous aux jeunes qui forgent une car-rière cinématographique ?

Je fais partie de la généra-tion du «motocycle». A cette époque-là, nous comptions sur l’autoformation au cours et après la formation sco-laire. Pour l’heure, les lau-réats marocains ont acquis des compétences énormes à travers des outils pratiques appris que ce soit de manière autonome ou par les instituts. Cela les qualifie à intégrer le milieu de l’expérimentation en tant qu’élément important pour faire leur entrée dans le marché de l’emploi.

Comment ça l’expérimenta-tion ? 

Oui, de l’expérimentation, voire de l’expérimentation continue. Autrement dit, il ne faut pas avoir peur de confronter les expériences des autres. Or il se trouve qu’il n’existe pas de volonté à réécrire le pre-mier texte ou en diversifier le contenu une fois prêt. C’est pour la simple raison que nous avons le droit de formuler les faits du présent comme l’ont fait nos prédécesseurs avec le passé. Donc, nous devons réa-liser une oeuvre susceptible de changement et d’innovation. Où la chercher ? Au-delà, là où se trouve l’autre moitié complémentaire. Et comment la chercher? Par l’expérimen-tation. Dans ce cas, le savant- expérimentateur est égale-ment censé être un ouvrier selon la conception d’Antonio Gramsi. Je ne prétendrais pas que cet expérimentateur est en balade parce qu’il se trouvera dans des méandres, il peut se heurter à un mur tout comme se fouler le pied dans un trou. S’il s’appuie sur des citations toutes prêtes, il sera perdu et personne ne viendra à son aide. Il sera plutôt une risée. C’est ce que je comprends d’ailleurs. Cependant, plusieurs exercent la pédagogie en tant qu’acte fatal. C’est pourquoi, le fossé se creuse davantage.

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