Aller à Sefrou ne relève pas du miracle. A 28 kilomètres de Fès, il suffit d’une vingtaine de minutes pour quitter la capitale spirituelle vers sa «grande sœur». Car, à en croire les historiens, Sefrou serait plus ancienne que Fès alors que plusieurs autres sources en font remonter l’existence à l’époque romaine.
Laissons les historiens s’entre-déchirer et passons à ce qui est plus intéressant, plus concret ! Sefrou est l’une de ces villes du Maroc qui auraient pu être d’un grand secours pour le tourisme de montagne. Avec ses près de 750 mètres d’altitude et située sur la route menant aussi bien à Midelt, Errachidia qu’à Boulemane, Missour et Outat Lhaj, Sefrou offre encore ce dépaysement total qu’on retrouve rarement et qui allie montagnes, forêts, cours d’eau et une multitude de lacs dans les environs. Une virée à travers Sefrou serait incomplète sans un saut vers ses cascades sur le fleuve Aggay qui traverse d’ailleurs la ville et qui a été à l’origine de gros dégâts en 1950. Depuis qu’il s’est résolu à de meilleurs sentiments, Aggay apporte plutôt de la fraîcheur aux journées caniculaires de Sefrou malgré l’état déplorable où il se trouve à cause d’une pression démographique sur ses bords.
Que voir d’autre à Sefrou ? On a en fait l’embarras du choix, mais un bon début passerait par aller du côté de Sidi Ali Bousserghine, l’un des plus célèbres marabouts de la région dont déjà la première vertu est de surplomber la ville. Pour des prises de photos, avis aux accros des panoramiques, c’est le lieu le plus indiqué. Et il y a évidemment la vieille médina avec l’ancienne muraille entourant le noyau de la ville, ses marchés populaires et surtout son Mellah malheureusement en ruine actuellement et qui atteste de l’esprit de tolérance qui régnait à Sefrou. Les vieilles personnes sefriouies vous raconteront que la ville doit un ensemble de métiers aux juifs marocains partis vers d’autres contrées et notamment vers Ashdod en Israël où a été érigée une réplique de Bab Lemrabbaâ, l’une des portes d’accès à la médina.
Ville de verdure, il serait un peu abusif de réduire Sefrou à son Festival des cerises. D’abord, elle en offre de moins en moins vu que le béton est venu à bout des bigarreaux (les meilleures cerises) et autres cerisettes pour céder la place à des quartiers monstres comme Ben Seffar. Et puis vu qu’il y a d’autres aspects non moins intéressants à savoir, entre autres, les multiples grottes de la région et dont beaucoup témoignent d’une présence humaine dans les parages bien avant l’avènement de l’Islam.
Sefrou aussi est une ville riche par sa région. A cinq kilomètres, c’est Bhalil avec ses populations à vieilles coutumes. En plus de ses innombrables vestiges qu’on fait remonter à l’époque romaine, Bhalil peut, sans conteste, prétendre au titre de la localité marocaine à produire le meilleur petit-lait. Pas moins. Sinon, ce sont d’autres localités non moins attrayantes pour les amateurs de la nature : Azzaba, Louata, Elmenzel ou Imouzzer Kandar, Tazouta, Skoura et Adrej. Pour toutes ces destinations, le visiteur n’aura à parcourir qu’une distance n’allant jamais au-delà de 40 kilomètres. Seul et gros problème, la ville et sa région ne présentent pas de véritable offre pour l’hébergement. Pour d’ «obscures» raisons, les principaux hôtels de Sefrou sont devenus inhabitables car dans un état lamentable ou carrément fermés depuis des années. Reste alors le camping international, sinon quelques petites auberges potables et à petits prix. Pour manger, la tâche est moins rude malgré l’absence de restaurants proprement dits. Multiples snacks feront l’affaire surtout avec des produits frais et une qualité qui ne fait jamais défaut. Le caractère agricole de la région y est pour beaucoup et c’est tant mieux dans cette ville qui change du tumulte des grandes villes et de la succession des groupes de touristes.La ville et sa région, en plus, offre une grande diversité linguistique. A Sefrou, l’on parle le dialecte marocain à la manière de Fès, mais moins «châtié». Une grande majorité de la population, du fait d’un exode rural accentué, parle tamazight, l’une des trois variantes de la langue amazighe.
Les meilleurs moments pour y aller sont le printemps, saison qui a son propre charme dans ces contrées. Mais aussi en automne, saison où la ville prend d’autres atours et qui se laisse bercer par un calme qu’on ne retrouve nulle part ailleurs.
Les Sefriouis se rappellent encore le contenu de l’un des discours adressés par Sa Majesté Feu Hassan II aux architectes marocains et où le défunt Roi se désolait de voir Sefrou, naguère l’une des plus villes du Maroc, devenir symbole de mocheté urbanistique.
Depuis, rien ou presque n’a changé même si la ville aurait pu mieux bénéficier du statut de préfecture depuis la fin des années 80. Les responsables successifs de la ville en ont décidé autrement. Résultat : c’est une autre ville de paradoxes. Des plus criards.