Culture

Sylvie Belhassan : «C’est le flou total»

© D.R

Comment s’organise le secteur du marché de l’art au Maroc ?
Cela fait maintenant une trentaine d’années que les professionnels du secteur essaient de comprendre comment fonctionne le marché de l’art au Maroc. Mais les résultats sont toujours les mêmes, il y a un flou total qui s’avère imminent dans le secteur du marché de l’art. L’année dernière, lorsque j’étais directrice de la Villa des Arts de Casablanca, nous avions organisé une journée d’études et de réflexion sur le marché de l’art au Maroc. Nous avions invité les gens concernés, à savoir, entre autres, les galeristes et les brocanteurs. Cependant plusieurs personnes ne sont pas venues à cette rencontre. Nous sommes sortis avec très peu de résultats. Aujourd’hui encore rien n’est clair.
Quels sont les différents circuits du marché de l’art au Maroc ?
Le seul circuit qui existe aujourd’hui au Maroc est celui des galeries, des antiquaires, des brocanteurs et aussi des souks et des collections privées d’artistes. Aujourdhui, la Compagnie marocaine des oeuvres et objets d’art vient s’ajouter à ce circuit. Un circuit encore qui n’est ni réglementé, ni institutionnalisé au Maroc. En outre, il existe des peintres qui vivent très bien de leur peinture. Ils s’arrangent eux-mêmes à vendre leurs toiles. Ils sont peintres et commerçants. Ceci nuit aux affaires des galeries. A l’époque de l’Atelier, on était confronté à ce genre de situation. On avait du mal à couvrir nos frais et certains peintres, qui avaient de grandes villas, organisaient des expositions et vendaient des tableaux. Tout cela crée une situation illogique. Les galéries gagnent très peu. Pour ne pas fermer boutique, un galeriste doit systématiquement s’entraider par d’autres boulots. C’est l’exemple d’une galerie à Marrakech qui s’est lancée dans l’encadrement des tableaux pour couvrir ses nombreux et interminables frais.
En parlant des frais d’une galerie, quels sont les pourcentages qui lui sont attribués sur la vente de tableaux ?
Globalement, une galerie prend 30 à 40 % des ventes de l’artiste. Ce pourcentage est à la limite dérisoire, puisque tout est à la charge de la galerie. Le gérant doit s’occuper des cartons d’invitations, du cocktail du vernissage, sans parler des frais des factures d’eau et d’électricité. Dans l’atelier, on ne vendait presque rien du tout. Ceci est dû au fait qu’on exposait de la peinture de choix et on évitait le plus possible la peinture figurative et orientaliste. Malheureusement, ce style de peinture se vend le plus. Toutes les galeries qui fonctionnent actuellement sont celles qui exposent les figuratifs.
Comment expliquez-vous, justement, l’engouement pour la peinture figurative et orientaliste?
Personnellement, je pense que les gens ne connaissent pas grand-chose à la peinture et à l’art de manière générale. Il n’y a pas de véritable connaissance de l’art pictural au Maroc. Je donne l’exemple des peintures de Fquih Regragui; elles se vendent à des prix incroyables. Les gens achètent ce genre de peintures qui se vendent énormément dans les ventes aux enchères. Il n’y a pas d’autres personnes pour dire que la peinture orientaliste n’a pas une grande valeur et que, par conséquent,tout le monde s’acharne sur ce genre de peinture. Tout le monde cherche l’exotisme, et croit que cette peinture a de la valeur. C’est le manque de connaissance qui crée cette situation. En Europe, on va dans les musées pour avoir une idée sur ce qu’est une bonne et une mauvaise peinture. Au Maroc nous sommes encore loin de cela. Il n’a y a pas de musées et les gens n’ont pas la curiosité de se rendre dans les galeries pour visiter les expositions.
Qu’est-ce qu’il faudrait faire pour lutter contre cet état de fait, et pour instaurer un véritable marché de l’art au Maroc ?
Il faudrait qu’il y ait plus des professionnels qui s’occupent de ce secteur du marché de l’art. Il y a très peu de gens qui sont formés dans ce domaine, et même ceux qui le sont effectivement sont mis à l’écart. Ce secteur ne peut pas fonctionner au hasard et au gré des aléas. Mais malheureusement, ce secteur n’obéit à aucune logique, c’est le flou total.

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