Le Salon du livre de Tanger trace sûrement son chemin. Ses organisateurs ne font pas la sourde-oreille aux doléances et suggestions des mécontents. Ils élargissent les horizons de la manifestation sans dénaturer son concept fondateur. Le concept original de cette manifestation surprend en effet de prime abord. Alors que dans les salons du livre, au sens communément admis de l’expression, les stands des exposants constituent la principale attraction, celui de Tanger repose sur le débat d’idées. Et cela plaît apparemment à de nombreux écrivains et intellectuels. À preuve, la liste impressionnante des invités de cette édition. On y compte des intellectuels, écrivains, philosophes, romanciers et poètes, mais également un cinéaste et un chanteur. Parmi les invités de marque : Laure Adler historienne, sociologue, directrice de France Culture; Olivier Roy, islamologue, auteur de plusieurs livres de référence sur l’Islam; Jean Christophe Rufin, romancier et essayiste, auteur de livres sur le Tiers-monde; Omar Sayed chanteur et musicien de Nass El Ghiwane; Hubert Reeves, l’astrophysicien canadien, auteur de bouquins à succès; Yasmina Khadara le militaire algérien défroqué, qui publie ses romans sous un pseudonyme féminin; Abdellatif Laâbi le poète et écrivain marocain; Rita El Khayat, le médecin psychiatre et écrivain; le cinéaste Jilali Ferhati; le romancier chinois Dai Sije, Prix Fémina 2003; Jean Baudrillard, sociologue et philosophe auteur d’un livre culte : “La société de consommation“, et d’autres noms encore. Ils s’exprimeront sur le thème “La responsabilité des intellectuels“. “Ce thème s’inscrit dans la continuité des précédentes éditions du salon qui s’intéressaient à la place que les intellectuels occupent dans la vie sociale et politique des sociétés occidentales et celles du monde arabe“, explique Jean-Luc Larguier, directeur de l’Institut français du Nord, organisateur de la manifestation. En effet, après “Écritures et résistance“ en 2002 et “Écrire l’avenir à la lumière de l’histoire“ en 2003, l’intitulé de la troisième édition clôt une trilogie qui place les intellectuels devant leur rôle dans une société. Par ailleurs, si le SILT repose sur un forum d’idées, les éditeurs ne sont pas pour autant marginalisés. À côté d’éditeurs étrangers comme Fata Morgana et l’Harmattan, les principales maisons d’édition francophones, établies au Maroc, seront présentes. Elles ont invité des écrivains, dont Sonia Ouajjou, Jean-Pierre Koffel et Nabila Guennouni. Au reste, on reprochait au SILT, lors des éditions précédentes, de recruter très largement son public parmi les invités du salon. Les organisateurs s’orientent cette année vers les étudiants. Des bus sont mis en place à cet effet pour les acheminer de Tanger et Tétouan vers le site du salon. Les frais de séjour de cinquante étudiants de l’université de Tétouan sont de surcroît intégralement pris en charge par le SILT. Autre innovation de l’édition 2004 : la volonté d’implantation du salon dans la région du Nord. En plus de Tanger, l’édition de cette année concerne Tétouan, Chefchaouen, Larache et Ksar El Kébir. La volonté de s’implanter durablement dans le Nord se traduit aussi par l’évolution vers une co-organisation de la manifestation. Une association de la société civile est en passe de partager la gestion de l’événement avec l’IFN. Il s’agit de Tanger-région action culturelle. Cette volonté de cogestion est une chose rare, au Maroc, et reflète un vrai souci de durabilité de l’événement. Plusieurs manifestations culturelles disparaissent avec leur fondateur. Le SILT est bien parti pour rester longtemps le phare le plus lumineux du Tanger littéraire.