ALM : Qu’avez-vous ressenti lors de l’hommage qui vous a été rendu par le Festival international du film de Marrakech ?
Taoufik Salah : Ce moment a été très émouvant. C’est la première fois que je visite ce pays et je suis très content de rencontrer le peuple marocain. Dès mon arrivée à Marrakech, j’ai reçu plusieurs témoignages d’amour et cela m’a énormément touché.
Quelle est votre réaction suite aux propos du comédien Izatt Abou Aouf qui a déclaré devant le Festival du Caire que le Festival de Marrakech était un village ?
Tout d’abord, Izat Abou Aouf qui est le directeur du Festival du Caire n’est qu’un comédien. Il peut dire ce qu’il veut, cela n’a aucune importance. Le Festival international du film de Marrakech est l’un des meilleurs festivals du monde arabe. Au cours de cette grand-messe du septième art, il y a un véritable amour pour le cinéma. En ce qui me concerne, je ne peux pas oublier l’initiative très louable d’avoir rendu hommage au cinéma italien lors de cette sixième édition. C’est une occasion pour le public jeune de découvrir les chefs-d’œuvre du cinéma italien.
Etes-vous influencé par le néoréalisme italien comme l’est cet autre pionnier du cinéma égyptien qu’est Youssef Chahine ?
On m’accuse à tort d’être influencé par le cinéma italien. Je suis certes impressionné par lui, mais dans le style, mes films ne sont en aucune manière une copie des chefs-d’œuvre des grands réalisateurs italiens. La plupart de mes films sont des adaptations de romans littéraires.
Au cours de votre carrière de cinéaste, vous avez réalisé très peu de films. Pourquoi êtes-vous resté à l’écart de la production cinématographique ?
Si j’ai réalisé très peu de films dans ma vie, c’est parce que je souhaitais rester fidèle à mes convictions artistiques. Pour moi, le cinéma doit être fait avec amour. La technicité ne vaut rien face à l’amour du cinéma. C’est ce même amour qui transmet des émotions. Dans les années 60-70, ce genre de cinéma était encore très apprécié, mais il a fini par ne plus l’être. Aujourd’hui, les cinéastes ont énormément de métier, ils savent utiliser toutes les techniques, mais ils n’ont pas cet amour du cinéma. Compte tenu de mes principes et de mes idées, les producteurs ne voulaient pas de moi. L’Etat n’a jamais voulu me donner de subventions pour réaliser mes films. Du coup, j’ai eu d’énormes difficultés financières et j’avais eu du mal à trouver de l’argent pour produire mes films.
La plupart de vos films sont des adaptations. Etes-vous un inconditionnel de l’adaptation cinématographique ?
Pas du tout. Je suis contre l’adaptation. Je préfère avoir une idée originale pour réaliser mes films. Mais malheureusement, l’adaptation était le seul le moyen pour moi de marquer ma présence en tant que cinéaste et de réaliser des films de bonne facture. En l’absence de scénarios bien ficelés, je préférais recourir aux romans et aux autres œuvres littéraires.
Vous semblez être désenchanté par la nouvelle génération de cinéastes égyptiens. Pourquoi une telle déception ?
La vérité, ce n’est pas que je suis déçu, mais je plaçais beaucoup d’espoir dans la génération actuelle de réalisateurs. J’étais optimiste et je me disais que le cinéma égyptien allait évoluer et vivre une véritable révolution. Mais il y a une misère intellectuelle. Cette même misère se reflète dans le produit artistique. Nous avons l’impression que cette génération est abrutie. Cela est dû, en quelque sorte, à l’éducation actuelle.
Vous étiez enseignant dans une école du cinéma au Caire. Pour quelle raison avez-vous arrêté d’y enseigner ?
Je n’enseigne plus depuis le mois d’octobre 2006. J’ai perdu l’envie de faire. J’ai l’impression que cette génération veut uniquement trouver des réponses à ses problèmes. Apprendre devrait se faire avec passion et amour. Cette même passion n’existe plus. J’ai aussi décidé d’arrêter parce que j’ai vieilli et je ne possède plus ma patience d’antan.