A la Comédie des Champs-Elysées, Jean Rochefort dira des textes de Fernand Raynaud (1926-1973) qui seront ponctués d’interventions du pianiste Bruno Fontaine dans des pièces du compositeur humoriste Erik Satie (1866-1925). « ll y avait, estime Jean Rochefort, dans le comportement de Satie, dans son humour qui l’éloigne de l’espèce humaine de son époque, une inadaptation que l’on pourrait mettre en parallèle avec celle de Fernand Raynaud: ils ont créé tous deux des personnages que le public accepte mais rejette en même temps car ils sont dérangeants… »
Jean Rochefort a connu, dès les années 50, Fernand Raynaud qui se produisait, comme lui -mais aussi Barbara, Raymond Devos, Guy Béart et Jacques Brel-, au cabaret-café parisien des Trois Baudets.
« Au fur et à mesure de son succès grandissant, comme Coluche plus tard, raconte le comédien, il est devenu très malheureux d’être pour tout le monde comme une poupée de son, condamnée à faire rire à la commande. A la fin, il a plongé dans tous les excès, conduisant notamment comme un fou et il est mort dans sa DS 23 qu’il conduisait à 200 à l’heure ». « Il était, ajoute-t-il, un homme angoissé, douloureux de la vie quotidienne et sa douleur de rigolo m’avait dès le début profondèment intrigué ». Jean Rochefort aime le « mariage » Satie-Fernand Raynaud qui ont en commun « un humour qui grandit et détruit ».
Il rappelle aussi qu’il appartient à une génération d’artistes qui a rêvé d’un théâtre pour le plus grand nombre, populaire, derrière Jean Vilar et les Renaud-Barrault. Une génération qui, selon lui, a fait des spectacles laboratoires et n’a pas su intéresser le plus grand nombre.
Il s’apprête à jouer « Heureux ? », car il croit en un théâtre destiné à tout le monde qui fait rire et rêver, qui enrichit, qui interpelle « à la compréhension immédiate, sans cérébralité mais sans abêtissement ». « C’est vraiment rejoindre le jeune homme que j’ai été et que j’ai voulu être ».