Ce samedi 6 août, on se doutait fort si le public pouvait faire le déplacement au Théâtre national Mohammed V, à Rabat. La chaleur de cette journée devait entraîner les gens plutôt vers la corniche, en quête d’un bol d’air frais. Or voilà, à 20 heures, la salle grouillait déjà de spectateurs. Aux premières rangées, les membres de la Commission nationale du Fonds d’aide au théâtre avaient pris place. Il s’agissait de superviser le dernier spectacle subventionné pour le compte de la saison 2004-2005 : «La Femme du Pacha». Mais pour nombre de spectateurs, le déplacement avait un autre motif : avec « La Femme du Pacha », Hamid Basket devait signer un retour distingué au théâtre. En effet, ce jeune comédien n’a pas fait de théâtre depuis 1994. A défaut de moyens, il dut tourner dans plusieurs films étrangers, réalisés ici et ailleurs. Plus tard, changement de registre : l’artiste se convertira à la réalisation. Des documentaires, pour commencer. Sollicité par la chaîne de télévision italienne « La Rai », il réalisera 7 films documentaires dont un consacré au globe-trotteur «Ibn Battouta». Puis, retour au Maroc.
En mars et juin derniers, il a présenté deux téléfilms : «Fettouma» et « Al mataha» (Le Dévoiement). En 2005 toujours, l’artiste a réussi à décrocher, auprès du Fonds d’aide au théâtre, une subvention pour sa pièce « La Femme du Pacha », la première après une absence qui aurait duré plus de 10 ans ! Qu’à cela ne tienne, puisque Hamid Basket a tenu promesse. S’agissant de distribution, l’artiste a fait appel à trois comédiens de talent : Saïda Baâdi, Bouchra Ahrich et Mohamed Khamouli. Rodés et érodés par tant d’années d’exercice théâtral, ces comédiens ont donné la pleine mesure de leur professionnalisme. Les trois coups donnés, ce fut à Bouchra Ahrich de faire apparition. Présupposée au service de la femme du « Pacha », « Jamila », elle offrit une belle démonstration de danse sur les rythmes enfiévrés de musique chaâbi.
Au parterre, on se tordait de… rire. « Ahrich n’aurait rien à envier à la plus talentueuse des chikhates», lança un spectateur. La seule différence : ce n’était pas pour cette tâche qu’elle était payée par le « Pacha ». Pas plus que son fiancé «Boubker», lui aussi serviteur du «Pacha», dûment interprété par M. Khamouli. Le voici qui rejoint sa princesse de rêve, après une équipée du côté de «Twin center», à Casablanca. Bichonné, pommadé, il n’en revenait pas. En Don Juan, il aurait fait craquer les plus belles filles de la mégalopole, au grand malheur du Pacha qui serait passé inaperçu. Et de « Zineb», sa future épouse, à qui le séducteur eut l’imprudence de raconter ses aventures amoureuses. «Zineb» n’était pas au bout de ses peines. «Jamila» risque elle aussi de lui «voler» son fiancé, usant de son statut d’épouse de « Pacha» pour soumettre «Boubker» à des caprices frôlant la pathologie. Avec sa cravache, elle traite ce dernier comme on traite une bête. Le despotisme légendaire des gens de l’autorité à l’égard de leurs serviteurs est ici pleinement dénoncé. Les «khamassa» n’avaient pas le droit d’aimer, ce qui revient à les ravaler au rang de bétail ni plus ni moins. En tout cas, c’est l’idée qui se dégage à travers le comportement de la femme du « Pacha ». Guidée par un sentiment féroce de vengeance sur son époux, absent pendant tout le déroulement du spectacle, elle n’hésite pas à humilier «Zineb» en se livrant à des attouchements sur son fiancé. Ce qui porta la bonne à quitter sa maîtresse, et, coup de théâtre, son fiancé à se tirer une balle dans la gorge, après que « Zineb » apprit son adultère avec « Jamila ». Sur le plan de la mise en scène, on peut saluer une maîtrise remarquable de la construction dramatique. Si on peut regretter quelques redondances au début du spectacle, notamment les scènes de harcèlement commis par « Jamila» sur «Boubker», le metteur en scène se rattrapera sur le registre de l’intrigue et du dénouement d’une histoire à rebondissements. Au niveau de la scénographie, on peut trouver à redire. Le décor n’était pas totalement fonctionnel, il y avait quelques accessoires de trop qu’il convient de supprimer.
La bonne direction des comédiens, à mettre sur le compte du metteur en scène, ne saurait faire oublier les lacunes enregistrées sur le plan de la scénographie. N’empêche, pour une première représentation, « La Femme du Pacha » a réussi à passer l’épreuve.