Culture

Un passionné de l’art rural

© D.R

Très peu de personnes au Maroc le connaissent. Et pourtant, Bert Flint, a mené une grande recherche ethnographique sur l’art rural au Maroc. Il a même été l’une des rares personnes à mener une recherche approfondie sur cet art qui est très diversifié. Venu au Maroc dans les années 40, il a débuté comme enseignant de langues espagnole et anglaise au Lycée Mohammed V à Marrakech. Qui aurait dit à l’époque que Flint allait devenir l’un des plus grands collectionneurs de l’art traditionnel et rural. Ses ambitions étaient plus grandes.
Au cours de ses multiples voyages au Maroc pour découvrir le pays, Bert Flint fut comme pris par un coup de foudre. Il était impressionné par toute la beauté que recèle le patrimoine rural comme bijoux, poterie et aussi tissages. Au fur et à mesure qu’il trouvait un objet, Bert Flint l’achetait et en devenait l’acquéreur. Mais Flint ne se contentait pas uniquement d’acheter l’objet, il était soucieux également de comprendre tous les motifs et les signes qui l’entouraient. C’est à ce moment même que Bert Flint se transformait en véritable chercheur même s’il n’était guère scientifique. Il se mit à enquêter et à questionner tous les habitants des villages qu’il visitait. Des explications par ci, d’autres par là, Bert Flint a rassemblé toutes sortes de termes et de significations. Il en concoctait une sorte d’analyse freudienne et s’inspirait également des recherches du philosophe et psychanalyste Carl Yung. Mais Bert Flint avait besoin à l’époque de demander l’avis de certains artistes marocains. Nous sommes dans les années 1960-1970. Le monde était petit à l’époque et Bert Flint fit la connaissance des artistes-peintres du groupe de Casablanca ainsi que des intellectuels du cercle de Souffles. Mohamed Melehi, parle de cette époque comme étant une période très prospère et durant laquelle les littéraires et les artistes –peintres formaient un bloc en parfaite cohésion. Bert Flint fréquentait ce groupe. Il était comme interessé par les discussions et les débats qui circulaient à l’époque.
Bert Flint s’est imprégné des discussions avec les artistes de ce cercle et allait jusqu’à demander leur avis concernant telle ou telle explication. Par moment ces analyses et ses recherches pouvaient êtres arbitraires. Alors pour ne pas tomber justement dans ce piège de l’arbitraire et du faux jugement, il trouvait nécessaire de demander l’avis des artistes marocains. C’est ainsi qu’il deviendra très ami au groupe de Casablanca et dans les années 60, il dispensera des cours d’Histoire de l’art à l’Ecole des Beaux-arts de Casablanca. Farid Belkahia était à l’époque à la tête de cette institution, Mohamed Melehi enseignait des cours de peinture et Mohamed Chabâa des cours de décoration.
«Flint a pendant un an et demi donné des cours d’initiation à l’histoire de l’art qui étaient complémentaires à mon cours de peinture et de décoration», déclare l’artiste-peintre Mohamed Melehi.
A cette époque, même la scène artistique et culturelle était en pleine ébullition. Les artistes et intellectuels fusionnaient d’idées et souhaiter les partager à travers des revues comme Souffles et Maghrebarts. Bert Flint contribuait également de son côté à nourrir et à alimenter cette revue qui traitait surtout des thèmes comme l’art traditionnel marocain et l’art rural. Les textes qu’il écrivait étaient pour lui une manière d’exorciser sa passion et de contribuer à la recherche de manière concrète. Toutefois, Bert Flint n’en oublia pas pour autant sa fervente passion pour la collection des objets. Il continua en parallèle à ses cours de voyager. Il traversera tout le Maroc, investira tous les villages de l’Atlas. « Flint usait de tous les moyens possibles et imaginables pour aller à la recherche de nouvelles acquisitions, il était comme hypnotisé», souligne Mohamed Chabâa. Et d’ajouter : «parfois même, il se déplaçait à dos de mulet dans les endroits les plus reculés et les plus inaccessibles à la recherche de nouveaux bijoux».
Aujourd’hui encore, ce collectionneur, et ethnographe ne s’arrête pas. Il est animé d’une passion que personne ne saurait nier. « Il est comme obsédé, fanatique de ses recherches, il est sans arrêt à la recherche du neuf ». Cependant, pour pouvoir acheter tous les objets qu’il trouvait sur son chemin, Bert Flint devait se sacrifier. « Il économisait dans sa nourriture, tout ce qu’il y a de plus essentiel, pour ramasser des sous et assouvir sa soif pour les objets », nous déclare un de ses proches.
Bert Flint a collecté l’essentiel de ce que recèle le patrimoine artistique rural. En véritable passionné de bijoux berbères et de poterie rurale, Bert Flint a trouvé au Maroc un terrain propice pour assouvir sa soif et sa passion pour l’art rural. Bert Flint expose la plus grande partie de sa collection dans son Ryad à Marrakech. Une collection que les intéressés peuvent visiter chez lui.
Bert Flint se tourne aujourd’hui vers l’Afrique du Sud. « Aujourd’hui, il a commencé à saturer au niveau du Maroc, il a épuisé sa recherche au Maroc, donc il continue sa recherche sur d’autres terres ».
Ce colectionneur hollandais qui a voué sa vie entière à sa recherche, en sacrifiant semble avoir le mérite d’être le seul à avoir mené ce travail de longue haleine. Bert Flint n’a pas besoin de reconnaissance, mais le problème, c’est que selon ses proches les autorités marocaines ne lui ont jamais accordé l’intérêt qu’il fallait. Ceci tout en sachant que ces objets, multiples, divers, riches, beaux, peuvent meubler les musées d’archéologie marocains. Mais il semble que ces musées ont pour vocation d’être vides plutôt que de se voir remplis.

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