Culture

Une matinée avec Tibari Kantour

La gravure est la servante de la peinture. C’est l’instruction que l’on retire de la démarche très singulière de l’artiste Tibari Kantour. La gravure est assujettie à la peinture, parce que l’imprimé qui sort de la presse entre ensuite dans la composition de la toile.
L’oeuvre de Kantour, fondée sur une technique mixte, trouve dans l’empreinte que laisse sur une feuille de papier une plaque de métal, creusée et encrée, l’élan premier vers la création. Les contours accidentés, les éraflures présentes dans plusieurs endroits de son oeuvre, viennent du très fin papier imprimé. Ce papier est ensuite si bien marouflé sur la toile qu’il s’y incorpore complètement. On ne voit pas la trace d’une superposition, mais une oeuvre qui impose avec netteté sa présence. L’oeuvre, Kantour la construit dans la solitude de son atelier à Sidi Maâchou. «C’est une autre affaire», dit-il. Il en est autrement de la gravure qu’il considère comme «une étape dans la naissance de l’oeuvre, un travail artisanal». C’est pourtant ce qu’il se représente comme un artisanat qui constitue non seulement le préambule de la création, mais la marque qui dompte la surface blanche de la toile, lui ouvrant du même coup de nouvelles perspectives.
Cette façon de faire est si rare dans l’espace pictural de notre pays, d’une ingénuité souveraine dans l’abandon avec lequel l’artiste la livre au regard d’autrui, qu’elle mérite d’être retracée dans ses moindres détails.
Vêtu d’une salopette en jeans et d’un t-shirt blanc, Tibari Kantour ressemble plus à un ouvrier qu’à un artiste soucieux de mettre des manières dans la fabrication de son oeuvre. Il est là pour travailler, pour se salir les mains. La plaque en zinc dont il se sert a été taillée il y a quatre ans. Elle a servi au début à la fabrication d’estampes qui avaient le statut d’oeuvres souveraines. D’habitude, les artistes détruisent cette plaque après la réalisation des tirages. Tibari la garde pour l’exploiter en vue de réalisations futures. Kantour commence par enduire la plaque en zinc de couleurs : de l’orange, du pourpre et du transparent. Il les mélange à l’aide d’un pinceau fin. Il prend soin de remplir les creux taillés dans la plaque. Il la recouvre entièrement de peinture. Certaines parties présentent des touches fougueuses, d’autres sont uniformément colorées. Pour accentuer la gestualité dans les tracés de la peinture sur la plaque, Kantour se sert souvent de ses doigts. Rapport physique, sensuel avec son art. Il efface ensuite la surface de la plaque avec du papier journal. Cette opération est lente, répétitive. Dans cet estompage, l’artiste prend garde à ce que les creux restent remplis de peinture. Il ajoute ensuite du bleu pour « salir un peu ». L’adjonction du bleu crée des reflets sur la plaque. Kantour se sert à nouveau du papier journal. Il laisse en définitive très peu de peinture sur la plaque. À peine une très mince couche dont la couleur se confond avec celle du zinc. Après, il recouvre la plaque avec un papier très fin qu’il asperge d’eau. Il la couvre ensuite avec un feutre – un morceau épais de tissu synthétique. Et la pose sur le plateau de la presse. Puis, il tourne doucement une manivelle pour activer le rouleau. Les creux de la plaque et les couleurs s’impriment ainsi sur la feuille. Kantour la recueille, y jette un regard et la met de côté. C’est le premier jalon du prochain tableau. « J’imprime les papiers. Et c’est seulement dans mon atelier que je composerai le tableau. Il faut que je sois seul. Il me faut du calme ». Le calme dont a besoin Tibari pour construire son oeuvre, il le trouve dans son atelier à Sidi Maâchou. Mais il ne faudrait pas croire qu’il y vit enfermé. Il a conçu un projet ambitieux pour accueillir des artistes.
Une espèce de communauté d’artistes travaillant dans un environnement stimulant, à la campagne, loin du brouhaha de la ville. Les plans de l’édifice ont déjà été dessinés. Il reste à trouver les financements. Avis aux hommes de bonne volonté et aux amoureux de l’art.

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