ALM : Que vous inspire la ville d’Asilah ? Et pourquoi cette cité compte-t-elle un nombre important d’artistes- peintres ?
Younès El Kherraz : Je considère Asilah comme un tableau aux couleurs naturelles. Ses paysages, sa nature et son calme m’ont permis de développer mon sens artistique dès ma tendre jeunesse. La mer, le ciel et les couleurs de cette charmante cité ont été les sujets de mes premiers dessins. Ils dominent actuellement les sujets de mes toiles.
Personnellement, je pense que le festival d’Asilah a permis à beaucoup d’enfants de s’initier aux techniques élémentaires de l’art plastique. Je me rappelle qu’en 1978 onze artistes qui faisaient partie de l’Association marocaine des arts plastiques (AMAP) avaient été invités à peindre des fresques murales. C’est à cette époque qu’il y a eu la création des ateliers pour enfants. Je faisais partie de la génération d’enfants qui ont bénéficié de cette formation sous la direction la critique italienne de Toni Maraini. Grâce à cette initiative, il y a eu émergence de toute une vague de jeunes peintres ; entre autres Hakim Ghaïlane, Abdelkader Melehi, Mouad Jebari, Mohamed Anzaoui, Anass Bounani, Abderrahmane Mellouk, Souhaïl Benazouz, Narjiss Jbari…
Comment avez-vous vécu cette proximité avec de grands artistes de renommée internationale ?
Nous étions encore des enfants lorsque les responsables du Festival d’Asilah ont créé les ateliers pour enfants dont je vous ai déjà parlé. Nous étions impressionnés par les travaux des artistes. Beaucoup d’entre eux ont établi leur deuxième résidence à Asilah. Ainsi les avions-nous côtoyés tout au long des années. Parmi ces artistes qui ont été fascinés par la ville d’Asilah, il y a Farid Belkahia, Mohamed Melehi, Saâd Lhassani et bien d’autres.
Pouvez-vous nous parler de la génération d’artistes qui ont précédé la vague à laquelle vous appartenez ?
Plusieurs peintres zaïlachis ont marqué la vie artistique de la ville. Parmi ceux-ci, figurent, entre autres, les regrettés Abdelilah Bououd et Brahim Jbari, Mme Elina Atencio, la famille Mesnani au sein de laquelle la peinture se transmettait de père en fils et Mohamed Lhaloui.
Y a -t-il un échange d’expériences et d’idées entre les artistes zaïlachis ? Envisagez-vous de créer une manifestation annuelle d’arts plastiques ?
Puisque nous faisons partie de la même génération et que nous sommes pratiquement des amis d’enfance, nous avons l’habitude de nous rencontrer. Nous organisons des expositions collectives au Maroc et à l’étranger.
Je crois que le Festival d’Asilah consacre une grande partie de son programme aux arts plastiques. Il est généralement précédé par la réalisation de fresques murales par des peintres venus des quatre coins du monde. Durant le festival, plusieurs ateliers sont organisés, notamment ceux d’arts plastiques. Il y a également un atelier consacré à l’initiation des enfants à la peinture et au dessin. Il faut aussi préciser que la ville d’Asilah dispose de plusieurs ateliers et galeries autres que ceux du Palais Raïssouni.
Il s’agit notamment de galerie Aplanos, de l’atelier Hakim, de l’atelier Madraba et du Centre Hassan II des rencontres internationales …
Khalil El Ghrib est un peintre zaïlachi de renom international dont les œuvres appartiennent à ce courant particulier qu’est l’«artepovera». Qu’en pensez-vous ?
L’artiste Khalil El Ghrib représente le courant «artepovera». C’est le seul artiste au monde qui ne signe pas ses œuvres et ne vend pas ses travaux, mais il les offre. Ses œuvres ne durent pas longtemps parce qu’elles sont faites généralement de ficelles, de cartons, de petits cailloux, de clous rouillés, etc…
Bien qu’il n’ait pas fait beaucoup d’expositions, son style est connu tant au niveau national qu’international. L’écrivain Edmond Amran El Maleh lui a d’ailleurs consacré l’un de ses écrits.
Est-ce que l’atelier pour enfants bénéficie toujours de l’intérêt des responsables et du public ?
L’atelier pour enfants fait partie, depuis 1978, du programme du Festival d’Asilah. Il est encadré par l’artiste-peintre zaïlachie Badr Saoud Hassani et connaît chaque année une forte affluence. Les enfants s’initient aux techniques élémentaires du dessein et découvrent le monde de la peinture et l’on ne peut qu’être émerveillé par leurs travaux.