Culture

Zine : l’homme contre le peintre

© D.R

Abdellatif Zine pose problème. Il y a le personnage de Zine et il y a sa peinture. Le personnage est sympathique, vigoureux ; sa peinture est atone. Serait-il possible de parler des oeuvres plastiques sans s’intéresser à leur auteur ? De nombreux écrivains ont loué des tableaux, après avoir sympathisé avec leurs créateurs. Robert Desnos écrit : « Je ne crois pas que l’on comprenne vraiment une oeuvre sans connaître l’auteur. Les oeuvres du passé se corrompent en même temps que les cadavres ». Cette réalité opère surtout pour des artistes dont les peintures sont plastiquement valables, mais elle se complique avec Zine. L’homme rend certes sympathique son oeuvre, mais dès qu’on essaie de l’arracher à ses tableaux, sa peinture s’effondre comme un château de carte. Elle n’a pas résisté à cette épreuve lors du vernissage du lundi, en dépit d’une foule enthousiaste qui a fait un triomphe à Zine et ses tableaux. Il y avait trois caméras de télévision, des amateurs d’art, des officiels, des amis, un cortège de zélateurs, des étudiants à l’école des Beaux-Arts. Et au milieu de cette foule : Zine, rayonnant dans un smoking parfaitement noir, dispensait des accolades et interpellait par leurs prénoms les intimes. Ceux qui ont essayé de regarder ses tableaux en ont gardé un arrière-goût insipide. La peinture de Zine est sirupeuse comme le mauvais vin gris qui a été servi à la place du champagne. À l’instar de ce vin, elle flatte le bout du palais et tourne mal plus loin. Peinture qui sent le procédé avec l’usage forcené d’un couteau, censé suggérer le mouvement. Les sujets sont de surcroît consommés : gnawas, la place Jemaâ El Fna, étalage d’épices, hammam… Zine peint depuis des années les mêmes jolis tableaux rétiniens qui flattent l’oeil avec des couleurs pastel. Mais qu’on fasse subir à l’une de ses oeuvres l’épreuve de la regarder pendant une minute. Alors que l’on sort giflé, fouetté, changé – des fois en sueur – du face-à-face avec certains tableaux, ceux de Zine nous laissent une gentille impression de creux. Une ivresse inaccomplie, fausse et pour tout dire artificielle, comme le mauvais vin gris du vernissage. Voilà pour ce qui est des tableaux, mais il en est autrement de leur auteur. Cela fait trois décennies qu’il anime comme un trublion infatigable la vie artistique au Maroc. Il communique de l’énergie même à ceux qui ne l’aiment pas. Son syndicat des plasticiens marocains a insufflé un sang neuf à l’Association marocaine des arts plastiques (AMAP). Par la haine de Zine, certains membres de cette association ont pu se maintenir dans cette association et se renouveler. Lors du vote du Bureau de l’AMAP, un peintre a crié : “Si nous sommes là, c’est grâce à Zine !“ Quel meilleur hommage pouvait espérer Zine de ses pires ennemis ! Ce peintre travaille d’ailleurs dans tous les sens. Il se saisit du moindre événement pour montrer qu’il est là. Quand les artistes protestent contre la guerre de l’Irak, il est au premier rang de ceux qui peignent pour dénoncer la politique belliciste de Bush. Comédiens, dramaturges, musiciens, humoristes et chanteurs se réunissent pour dénoncer les attentats de Casablanca, et Zine introduit le bout de son nez pour leur voler la vedette. Il demande aux manifestants de tremper leur main dans un seau de peinture rouge et de l’appliquer sur un panneau blanc. Alors que les autres ont crié leur indignation, Zine a réalisé une oeuvre qu’il a diffusée dans tous les journaux ! Et puis, il dénonce les travers des autres. Dès qu’une personne abuse d’un pouvoir, sans associer Zine, notre homme crie au scandale. Il a écrit de nombreuses lettres pour protester contre le directeur de cabinet du ministre de la Culture qui a eu le malheur d’organiser des expositions à l’étranger sans Zine. Ce dernier cultive de grands projets. Il se bat pour qu’une Académie Royale des Arts voie le jour. Il répète à qui veut l’entendre que la mort l’a privé de ses amis : Jilali Gharbaoui, Ahmed Cherkaoui et Demnati. Il s’est retrouvé seul contre les autres peintres qui se sont constitués en bloc contre lui. À dix contre un, Zine n’est pas pourtant le moins acharné dans la lutte. D’autre part, Zine convainc mieux avec ses prestations spectaculaires qu’avec ses peintures. Il peut être brillant avec le trans’art ou le sport’art. Créateur d’événements depuis des décennies, il est l’un des acteurs indispensables à la vie artistique au Maroc. Que l’on rie du ridicule de ses entreprises ou de son opportunisme, peut-on imaginer les arts plastiques au Maroc sans Zine ?

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