Entretien avec Majida Maârouf, directrice de l’Agence nationale pour le développement de l’aquaculture (ANDA)
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Le plan aquacole de Dakhla vient conforter l’ambition d’ériger la région en véritable pôle économique et à faire d’elle une destination de référence en matière de développement durable. |
ALM : Comment évaluez-vous la dynamique d’investissement et de développement du secteur aquacole au Maroc ?
Majida Maârouf : Depuis sa création en 2011, l’Agence nationale pour le développement de l’aquaculture (ANDA) a pu insuffler un vent nouveau dans ce secteur stratégique très porteur grâce notamment à la simplification des procédures administratives et à l’accompagnement personnalisé des porteurs de projets aquacoles. Ainsi, plusieurs projets ont vu le jour, notamment dans la région de Dakhla-Oued Eddahab, et d’autres sont aujourd’hui en cours d’installation. Cette dynamique est appelée à se renforcer avec le lancement des appels à manifestation d’intérêt pour la promotion des opportunités d’investissement identifiées dans le cadre des plans d’aménagement élaborés et ceux en cours de finalisation par l’ANDA.
Enfin, je vous informe que cette agence a renforcé son plan d’action et ce depuis le lancement de l’appel à manifestation d’intérêt pour le développement de l’aquaculture dans la région de Dakhla-Oued Eddahab en date du 23 novembre 2015 afin de promouvoir l’offre aquacole aussi bien auprès des investisseurs nationaux qu’internationaux. Ce que je peux vous dire à ce stade, c’est que nous avons un retour positif de la part des investisseurs ciblés et nous attendons de procéder à l’évaluation des projets après la date fatidique du 22 avril 2016 avant d’apprécier objectivement cette dynamique.
Quels sont les principaux chantiers engagés par l’Agence depuis sa création ?
Afin d’asseoir un développement durable du secteur aquacole marocain, l’ANDA en tant qu’institution dédiée à ce secteur a concentré son plan d’action sur trois chantiers majeurs. Il s’agit essentiellement de la planification à des fins aquacoles, de l’élaboration d’un code juridique dédié à l’aquaculture et de la promotion du secteur et de ses opportunités d’investissements. A cela s’ajoute un travail au quotidien pour actionner les leviers d’intégration de la filière aquacole, notamment en ce qui concerne l’accès au foncier et aux intrants aquacoles et ce à travers l’accompagnement du secteur privé à développer deux écloseries conchylicoles.
La première, qui fait partie d’un projet intégré de production d’huîtres, de palourdes et d’ormeaux ayant nécessité un investissement de 81 millions de dirhams, est opérationnelle et permettra dès 2016 la production de naissains marocains d’huître et de palourde au niveau de la région de Dakhla. Dans le même sens, l’ANDA finalise actuellement le montage d’un projet d’écloserie piscicole pour la production d’alevins de loup et de dorade et qui nécessitera un investissement prévisionnel de 25 millions de dirhams pour une production d’un million d’alevins par an.Par ailleurs, et afin de diversifier l’offre aquacole nationale, l’Agence a initié deux projets pilotes, le premier concerne l’élevage de moules au large de Ras Kebdana et le deuxième a trait à la culture des algues au niveau de la lagune de Marchica, au profit de deux coopératives de pêcheurs. Ces deux projets s’inscrivent dans le cadre du projet «Gestion intégrée des zones côtières» (GIZC) et sont actuellement en cours de mise en place. Des sessions de formation multidisciplinaires en faveur des membres de ces deux coopératives ont déjà démarré. Enfin, et en matière d’infrastructure d’appui au secteur, l’ANDA mène plusieurs actions afin de réserver des espaces terrestres pour les futurs producteurs aquacoles au niveau des points de débarquement aménagés et des villages de pêche au niveau de toutes les régions identifiées et potentielles pour cette activité.
L’ANDA a également initié une étude de faisabilité pour la réalisation d’une base à terre dans la région d’AMSA sur la Méditerranée et d’une infrastructure dédiée à l’activité aquacole au niveau de la zone de Cintra au sud de Dakhla.
Justement, tous les regards sont portés sur la région de Dakhla-Oued Eddahab. En quoi se distingue ce pôle des autres ciblés par la Stratégie Halieutis ?
De par la richesse de son milieu naturel, la diversité de ses ressources halieutiques, la région de Dakhla-Oued Eddahab profite d’un positionnement géographique stratégique qui lui confère la stature d’une plate-forme économique importante. La présence des études préliminaires encourageantes des deux principales baies du Maroc et d’une activité conchylicole intéressante depuis les années 2000 a poussé l’ANDA à prioriser cette région pour le lancement du premier plan aquacole de nouvelle génération. Cette riche région est à vocations multiples, notamment en termes de pêche, d’agroalimentaire et de tourisme. Elle connaît un grand attrait auprès des investisseurs, d’autant plus que la région revêt une importance particulière de par les projets ambitieux du nouveau modèle de développement pour les provinces du sud du Royaume (NMDPS). Le plan aquacole de Dakhla-Oued Eddahab vient conforter cette ambition d’ériger la région en véritable pôle économique et à faire d’elle une destination de référence en matière de développement durable. L’aquaculture est considérée comme une activité prometteuse qui complétera l’offre halieutique régionale par des produits ne faisant pas l’objet de pêche actuellement et/ou pour lesquels la production demeure faible au regard des potentialités. Bien que l’algoculture soit également ciblée, l’offre aquacole au niveau de la région de Dakhla-Oued Eddahab porte essentiellement sur la conchyliculture et la pisciculture.
Quelles sont les autres régions sur lesquelles vous capitalisez le plus ?
L’appel à manifestation d’intérêt du plan aquacole de Dakhla-Oued Eddahab n’est que le premier d’une série d’autres opérations prévues de 2016 à 2018, proposant des offres multiples et diversifiées pour amorcer un développement rapide et durable de l’aquaculture nationale. Outre le plan d’aménagement de Dakhla-Oued Eddahab, je tiens à vous rappeler que les régions visées par l’ANDA sont la zone s’étendant d’Imessouane à Sidi Ifni, la Méditerranée de Oued Laou à Saidia, la zone délimitée entre El Jadida et Imessouane et également la zone s’étalant de Guelmim à Boujdour, y compris les Sebkhas. Par ailleurs, deux autres plans d’aménagement seront lancés entre 2016 et 2017 dont le premier concerne la lagune de la Marchica et le deuxième la zone allant de Kénitra à Cap Spartel à Tanger. Il est à souligner que les résultats des trois premiers plans d’aménagement lancés en 2013 (Dakhla, Agadir et la Méditerranée) sont très encourageants et affichent une production cible possible supérieure à 300.000 tonnes. Ces projets ambitionnent de donner un grand élan à l’aquaculture marocaine dans les années à venir et viennent conforter la vision du Plan Halieutis qui a pour ambition de porter à 21,9 milliards de dirhams le PIB du secteur halieutique à l’horizon 2020, et de générer quelque 115.000 emplois directs.
Quelles sont vos prévisions à court et moyen termes ?
Considérée comme un secteur stratégique par le Plan Halieutis et un véritable moteur de croissance pour l’économie marocaine eu égard au potentiel qu’il recèle en matière de création de richesses, l’aquaculture présente aujourd’hui des avantages concurrentiels hautement compétitifs. L’ANDA vise la finalisation de l’offre aquacole nationale et l’adoption d’un cadre juridique propre à cette activité et le renforcement de la promotion et du démarchage des investisseurs potentiels. Notre intérêt en tant qu’agence de développement du secteur sera axé à moyen terme sur le développement de l’investissement privé via l’adoption d’une démarche proactive pour aller chercher les investisseurs potentiels et surtout de les convaincre d’investir. Ceci dit, tous les moyens seront déployés pour réussir les appels à manifestation d’intérêt de l’ensemble des plans aquacoles afin d’atteindre à terme les objectifs de la Stratégie Halieutis. Enfin, l’ANDA continuera son plan d’action global qui permettra aussi de travailler sur tous les leviers nécessaires au décollage du secteur aquacole national par l’implication de l‘ensemble des acteurs nationaux afin de hisser notre pays au rang des grands producteurs aquacoles.