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Abderrahmane Lahlou: «L’expérience marocaine devrait conduire les banques participatives à prendre davantage de risques»

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Entretien avec Abderrahmane Lahlou, vice-président de l’Association marocaine d’économie islamique (Asmeci)

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Aujourd’hui, la profession s’entend sur un démarrage qui porte  sur le financement de l’acquisition immobilière et certains produits de consommation comme l’automobile, et ce par la Mourabaha,  et accessoirement par l’Ijara avec option d’achat.

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ALM : Tout d’abord quelle définition faites-vous de la finance participative? Et quels sont ses objectifs?

Abderrahmane Lahlou : La finance participative au Maroc, c’est simplement la finance islamique dans le monde. Le système de finance participative est constitué des banques participatives, qui sont des organismes commerciaux d’intermédiation bancaire, qui substituent des produits de participation et des produits transactionnels aux produits de crédit bancaire à intérêt. Il comprend aussi les compagnies d’assurance Takaful, qui offrent les mêmes produits d’assurance que les compagnies conventionnelles, mais sous une forme institutionnelle coopérative, tout en s’interdisant le placement des fonds à intérêt. Il comprend aussi les organismes du marché des capitaux, qui interviennent selon les normes et produits conformes à la charia, dont les sukuks et les fonds de placement communs islamiques. L’objectif de la finance participative est d’assurer le financement de l’activité économique tout en permettant une rémunération équitable de l’épargne, basée sur la participation aux profits et aux pertes des placements bancaires de leurs fonds.

Pourquoi le législateur marocain a-t-il opté pour la terminologie «participative» au lieu d’«islamique» ? Et quelle est la différence entre les deux terminologies ?

C’est un choix de neutralité idéologique par rapport aux affaires religieuses et à la sacralité de l’Islam. C’est aussi une façon de ne pas stigmatiser la finance conventionnelle, dans une place bancaire qui doit être diversifiée et stable. Cependant, la conformité à la charia, qui est stipulée par la loi 103-12, est garantie par l’intervention de plusieurs acteurs dont principalement le Conseil supérieur des ouléma, organe central de la fatwa bancaire et financière et du contrôle de conformité.

Le Maroc a pris du temps pour mettre en marche une finance participative. Quelle lecture faites-vous de la vision marocaine dans ce sens ?

C’est un choix de primauté juridique, comme le veut la tradition marocaine. C’est par conséquent un choix de prudence, d’uniformité, grâce à l’unicité de l’organe de conformité charia, et de fidélité aux principes islamiques. C’est aussi un choix de neutralité juridique, fiscale et prudentielle par rapport au financement conventionnel.

Quels sont les principaux enseignements à tirer des autres pays ayant déjà engagé ce modèle économique ?

L’arrivée tardive du Maroc sur le marché international de la finance participative doit lui permettre de tirer profit des expériences menées dans les autres pays musulmans, voire dans les pays occidentaux. Il s’agit notamment de la prédominance du financement de la consommation versus financement de l’activité économique. Cette configuration qui est prédominante dans le monde s’accompagne aussi d’une frilosité des banques à accorder des financements participatifs sous forme de Moucharaka et de Moudaraba, au profit des financements transactionnels comme la Mourabaha, l’Ijara avec option de vente, le Salam et l’Istisnaa. Il est vrai que ces produits de dette, s’ils financent l’investissement, sont plus adaptés à la philosophie d’intermédiation de la banque commerciale. Cependant, il est souhaitable que l’expérience marocaine conduise les banques participatives à prendre davantage de risques économiques, au-delà du risque crédit classique, pour permettre l’éclosion et l’extension de projets économiques, tout en les faisant profiter du professionnalisme et de l’accompagnement de la banque.

Le lancement de 5 banques participatives et de 3 autres fenêtres constituerait-il un risque ou un challenge pour les opérateurs ?

C’est un excellent choix du superviseur bancaire, car cela mettra en place une concurrence profitable au consommateur. C’est bien sûr un challenge pour les opérateurs, qui les incitera à mettre en place la meilleure pratique et à adopter une politique de pricing adaptée.

Comment peut-on créer à cet effet un marché diversifié et concurrentiel ? Et quels seront les principaux produits à mettre en avant ?

Aujourd’hui, la profession s’entend sur un démarrage qui porte sur le financement de l’acquisition immobilière et certains produits de consommation comme l’automobile, et ce par la Mourabaha, et accessoirement par l’Ijara avec option d’achat. Mais si l’on étend le financement à l’entreprise, ce qui est le plus souhaitable, il faudra étendre ces produits au Salam, qui est l’équivalent de l’avance marchandise, ainsi qu’aux produits de participation.

Outre la promotion de la bancarisation, comment la finance participative contribuerait-elle à dynamiser la sphère financière nationale ?

Certainement en stimulant les banques conventionnelles à diversifier leurs produits et se rapprocher davantage des PME car ce sera le secteur de prédilection de la banque participative.

En dehors du volet économique, quelle dimension sociale revêt la finance participative?

Certainement la bancarisation
élargie, non seulement par l’inclusion bancaire au financement, mais aussi par la facilitation de l’épargne pour les personnes qui observent
les règles religieuses de non pratique de l’intérêt.

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