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Achraf Dahbi : «La rémunération variable sera le sujet de 2021»

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Entretien avec Achraf Dahbi, directeur d’activité au sein de LMS ORH

LMS ORH et Willis Towers Watson viennent de livrer les principales tendances salariales en cette période de crise sanitaire. Une enquête a été menée auprès de 104 entreprises opérant dans les logiciels et services et la fabrication de biens durables et non durables permettant de donner un aperçu des dernières pratiques salariales appliquées sur le marché dans ce contexte particulier. Dans ce sens, Achraf Dahbi, directeur d’activité au sein de LMS ORH, détaille à ALM les principales conclusions tirées de cette étude ainsi que les orientations futures du marché de l’emploi.

ALM : Quel a été l’impact de la Covid-19 sur le niveau des rémunérations ?

Achraf Dahbi : Il faut dire que cette année est un peu particulière du fait de la crise que nous continuons à vivre. L’exercice classique qu’on a l’habitude de faire pour expliquer les augmentations salariales des entreprises est biaisé. Comme il existe deux fenêtres d’augmentation, celles qui normalement s’opèrent vers fin mars ont été arrêtées après le déclenchement de la Covid-19. Finalement, tout le monde a stoppé cet exercice. Cela a créé un environnement assez mitigé.

Est-ce que cet arrêt est général ?
Certaines entreprises ont poursuivi leur élan tandis que d’autres ont choisi de le suspendre du moins pour cette année. D’après l’étude, la moyenne générale des augmentations est située autour de 4%. On imagine très bien qu’en 2021 cela va être encore plus brutal, notamment avec des annonces très fortes en termes de gel de salaire.

Qu’en est-il des bonus et primes ?

Toute entreprise structurée dispose d’un plan de rémunération variable conditionné par des critères de performance. Tout cela est discuté en amont. Avec la crise, tous les objectifs qui ont été fixés vont finalement devenir obsolètes. En réalité, la majorité des entreprises ne vont pas se risquer à distribuer des primes pour la simple raison de maintenir le même niveau de trésorerie qui leur permettra de faire face à leurs engagements vis-à-vis des personnes tierces.

Quels sont les constats relevés en cette période ?

L’effort actuel est totalement orienté vers la préservation des équilibres économiques et des emplois. Vous imaginez bien qu’il serait assez bizarre de voir des entreprises accorder des augmentations d’un côté et de l’autre se séparer des collaborateurs. Afin de gagner en résilience, il faut être très prudent en termes de dépenses, notamment celles liées aux personnels. C’est la réalité de ces six derniers mois. Cette crise a également créé un élan de solidarité entre l’employeur et l’employé dans la mesure où tout le monde est conscient des difficultés et est prêt à faire des efforts. Il y a même des entreprises qui ont fait des coupes au niveau des salaires sur un à trois mois voire plus, et ce pour pouvoir au moins répondre aux autres contraintes et faire face à des dépenses imprévues.

Selon vous, quels sont les enseignements à tirer de cette conjoncture ?

Au-delà des chiffres qui vont alimenter les orientations relatives aux éventuelles augmentations, il existe aussi des choses qui sont réalisées par rapport aux dispositifs de rémunération. Beaucoup d’entreprises ont basculé vers des modes de travail différents, en l’occurrence le télétravail. Certes, cela pose beaucoup de questions, notamment sur le plan juridique, mais aussi des aspects très pratiques. Le package salarial classique du collaborateur au Maroc est composé de certaines indemnités telles que celles des transports et de paniers. Ces éléments sont devenus obsolètes avec le confinement. En parallèle, d’autres types de dépenses ont émergé lorsqu’on travaille de chez soi (une bonne connexion internet, des ordinateurs portables, etc.). On est tous convaincus que cette modalité-là n’est pas juste un effet de mode et qu’elle va s’installer durablement. Ce sont des questions réelles qu’il faut résoudre rapidement.

Comment s’annonce l’exercice 2021 ?

Comme il est connu de tous, 2021 va être une année de relance. Cependant, il faudra mettre le paquet sur des dispositifs qui ne vont pas impliquer les entreprises dans des engagements immuables. L’augmentation de salaire ne va pas revenir de suite, par contre les primes ont cette flexibilité naturelle qui favorise leur distribution et ce en fonction des résultats de l’entreprise. La rémunération variable sera le sujet de 2021 compte tenu de sa flexibilité. Il faut tenir en compte cette dépendance directe entre ce que l’on distribue et la santé économique et financière de l’entreprise. La tendance lourde va ainsi être l’optimisation à travers un pilotage précis des collaborateurs et aussi à travers la mise en place d’outils de gestion digitale qui sont finalement dans l’air du temps. Cela veut dire aussi que certains métiers vont prendre du galon, notamment les métiers d’excellence opérationnelle, de conception et de marketing digitaux. Le métier des ressources humaines va aussi évoluer. Cela va pousser le marché à muscler ses fonctions et à renforcer l’accompagnement en termes de dispositifs de motivation. Qui dit motivation dit également progression des salaires.

Un dernier mot…

Il est clair que cette crise a créé une volatilité incertaine mais il faut garder espoir. Les chiffres macroéconomiques sont plutôt positifs pour 2021. On table sur une croissance de 4,5% qui est un taux satisfaisant par rapport au niveau mondial. Il faut que cela se confirme et cela va se faire par le biais d’un vaccin qui va justement soulager les craintes, notamment dans les secteurs touchés tels que le tourisme et le transport aérien. Je suis convaincu que les entreprises vont rapidement réagir pour rattraper le retard de cette année et mettre en place des choses qui vont aller vers la motivation des collaborateurs.

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