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Ali Barrada, président du Salon Logismed : La logistique s’ouvre à de nouveaux défis

Ali Barrada, président du Salon Logismed

Tensions géopolitiques, crise pandémique et récession économique… Autant de facteurs qui impactent le secteur de la logistique. Pour commenter le contexte dans lequel évolue actuellement l’activité logistique, Ali Berrada, président du Salon Logismed, livre à ALM sa vision du secteur et ses perspectives de développement.

ALM : La logistique est un atout majeur pour l’économie, comment se porte le secteur au Maroc à la lumière des dernières données sur le plan international et les tensions géopolitiques ?

Ali Berrada : Depuis la crise Covid, il y a une prise de conscience générale quant à la dimension déterminante de la logistique dans la compétitivité de nos entreprises, l’attractivité de nos territoires et l’industrialisation de notre économie. Il faut bien comprendre et admettre que la performance de l’économie et de l’emploi au Maroc repose pour une très grande part sur l’efficacité de la logistique et de la supply chain.
Durant ces 3 dernières années, le secteur du transport et de la logistique au Maroc, comme ailleurs, est mis à rude épreuve à cause des tensions et des crises qui s’enchaînent et qui remettent en cause un certain nombre d’hypothèses sur lesquelles les modèles logistiques étaient jusqu’alors construits. Il n’a pas d’autres choix que de s’adapter constamment à un contexte international de plus en plus complexe et incertain. Ceci dit, comme tous les pays, le Maroc n’est pas à l’abri de l’impact des tensions géopolitiques et des fluctuations économiques mondiales sur les chaînes logistiques internationales et qui peut se manifester par des retards, des hausses de coûts et des interruptions de flux de marchandises. Les entreprises marocaines doivent souvent ajuster leurs stratégies d’approvisionnement pour faire face à ces défis, en recherchant des itinéraires alternatifs, en diversifiant leurs fournisseurs et en renforçant leur résilience opérationnelle pour atténuer les risques. Globalement, le Maroc s’en sort plutôt bien, aidé en cela par sa proximité de ses principaux partenaires commerciaux en Europe et surtout par son excellente connectivité maritime, notamment via le port Tanger Med. Je pense que les niveaux des trafics portuaires enregistrés ces dernières années, qui ont évolué positivement ces deux dernières années, sont un bon indicateur de la résilience du Royaume face aux différentes perturbations pouvant résulter de ce type de crises.

Quelles sont les tendances observées au Royaume pour le secteur logistique pour cette année 2024 ?

Il est difficile de parler de tendances à l’échelle d’une année. Je dirais plutôt que les quelques années à venir s’ouvrent sur de nouveaux défis, qui sont d’ailleurs les thématiques que nous abordons dans nos conférences pendant les trois jours du salon; à savoir les enjeux économiques, technologiques, réglementaires, énergétiques, environnementaux, etc. Tous ces paramètres vont redéfinir sans cesse les contours du secteur et révolutionner les métiers de la chaîne logistique. Nous constatons que le secteur du transport et de la logistique au Maroc fait de plus en plus appel aux nouvelles technologies, pour ne citer que cet aspect, compte tenu des avantages significatifs qu’elles offrent en termes de performance, d’efficacité et de prise de décision. Avec la modernisation du commerce, les opérateurs logistiques sont de plus en plus contraints à mettre en place des solutions de digitalisation et analysent avec un œil attentif les possibilités qui s’offrent en matière d’intelligence artificielle pour une meilleure gestion de la suply chain. Je voudrais également évoquer l’intérêt grandissant de la communauté logistique aux évolutions qui s’annoncent en matière de régulation du trafic des poids lourds dans les grandes villes du Royaume, particulièrement à Casablanca.

Comment les projets comme Nador West Med et Dakhla Atlantique peuvent impacter le domaine de la logistique au Maroc ?

Les nouveaux ports de Nador West Med et Dakhla Atlantique se profilent comme des leviers de transformation du paysage logistique du Maroc et du continent africain, en redéfinissant les dynamiques des échanges maritimes.
Ces deux ports ne se limitent pas à être de simples points de transit, ils sont envisagés comme des centres névralgiques pour l’industrie et la logistique, des moteurs de création d’emplois, et des accélérateurs de développement pour leurs régions respectives. En effet, le complexe portuaire de Nador West Med dispose de zones industrielles et logistiques qui s’étalent sur plus de 1.500 hectares, et il est un hub énergétique et logistique de premier plan. De même, le nouveau port de Dakhla Atlantique émerge comme un projet stratégique avec une zone industrialo-logistique sur 1.650 hectares. Avec ces projets ambitieux, le Maroc affirme sa volonté de se positionner comme un acteur logistique de premier plan sur l’échiquier mondial, prêt à influencer les échanges commerciaux du 21ème siècle. Ainsi, de tels projets peuvent, comme cela a été constaté pour le complexe de Tanger Med, être les dynamos d’un développement économique territorial qui drainerait de nouveaux besoins en activités, en services et en compétences logistiques.

Quels avantages offrent-ils ?

Ce type de projets, conçus pour devenir des Gateways de flux de marchandises de dimension continentale, constitue une opportunité pour l’essor du secteur logistique, car il crée des opportunités d’emploi dans tous les métiers de la chaîne de valeur, y compris le stockage et la manutention des marchandises. Ensuite, il stimule le développement d’infrastructures connexes telles que les entrepôts, les zones de distribution et les réseaux de transport terrestre pour faciliter le mouvement des marchandises vers et depuis le port. Un grand port peut attirer des investissements dans la technologie de pointe pour optimiser les opérations de manutention et de transport, améliorant ainsi l’efficacité et la compétitivité du secteur logistique dans son ensemble.

Le Maroc doit organiser des événements sportifs majeurs comme la Coupe du monde, la logistique peut-elle être déterminante dans la réussite de ce genre d’événements ?

C’est incontestable. La logistique de tels événements nécessite la mise en place d’un dispositif adapté sur lequel il faudrait travailler plusieurs mois à l’avance. Il s’agit d’organiser le transport, interne et international, de marchandises et d’équipements nécessaires à la réalisation de ces événements mais aussi des bagages des joueurs. Il s’agit de gérer les opérations douanières, des prestations de stockage dans les entrepôts dédiés, de la logistique et de la manutention sur les lieux d’hébergement, assurer l’intégration informatique…Tout cela suppose un travail important de préparation et la mise en place d’une tour de contrôle pour tout coordonner. L’organisation de tels événements représente un grand défi en termes de ressources humaines, qu’il va falloir recruter et former pour une grande partie pour des durées déterminées, et ce en collaboration avec les organismes concernés. Quoi qu’il en soit, soyez assurés que les logisticiens et leurs équipes qui vont avoir l’occasion de travailler pour ces événements sportifs connaîtront une formidable expérience et en tireront une grande fierté. Ils seront aussi pour eux riches en enseignements sur lesquels ils pourront capitaliser.

Face au défi climatique et les enjeux environnementaux, comment la logistique et les logisticiens peuvent-ils s’adapter aux nouvelles normes ?

Aujourd’hui, le défi climatique occupe une place centrale parmi les préoccupations mondiales en matière d’environnement et de développement durable. Dans ce cadre, la transition vers une économie bas carbone est devenue une priorité pour toutes les entreprises, aussi bien des secteurs économiques que du transport et de la logistique. Les logisticiens doivent être innovants sur le plan organisationnel en changeant les aspects de la manière dont ils transportent, stockent et livrent les marchandises. Ils sont aussi obligés d’investir dans les technologies plus propres et les processus d’exploitation plus durables pour réduire leurs émissions de carbone. Le transport et la logistique occupent aujourd’hui une position centrale dans cette évolution en adoptant des solutions de mutualisation des transports, de transport à faible teneur en carbone, de traçabilité, de gestion des déchets, de la logistique des retours… mais aussi la mise en place des équipements qui consomment moins d’énergie, des plaques photovoltaïques…
Les professionnels du secteur devraient également accompagner leurs clients, particulièrement les exportateurs, pour être compétitifs sur le marché international et en conformité notamment avec le mécanisme mis en place l’année dernière par l’Union européenne, à savoir le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF).

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