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Amine Diouri : «J’invite l’État à mettre en place une cellule de crise sur les délais de paiement»

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Entretien avec Amine Diouri, responsable du programme Inforisk Dun Trade, directeur Etudes et Communication chez Inforisk

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Dans ce contexte exceptionnel de crise sanitaire, l’activité économique se trouve grandement impactée par les effets des restrictions imposées pour limiter la propagation du Covid-19. Pour un bon nombre d’entreprises la gestion de cette période de crise s’avère difficile. Amine Diouri, directeur Etudes et Communication chez Inforisk, responsable du programme Inforisk Dun Trade, nous livre son analyse.

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ALM : Selon vous, quels sont les impacts de cette crise sur l’économie nationale et particulièrement sur les entreprises ?

Amine Diouri : Je me réfère à l’analyse de la Banque mondiale qui nous dit que la crise économique en 2020 liée au Covid-19 sera pire que la crise financière de 2008, qui était marquée à l’époque par un recul de 0,6% de la croissance mondiale. Les investisseurs internationaux se sont déjà désengagés des pays émergents, pour un montant de l’ordre de 80 milliards de dollars. L’impact sur le Maroc ? Le CMC pronostique une croissance cette année de 0,8%. Nous sommes passés en quelques semaines d’une crise de l’offre (difficulté d’approvisionnement des entreprises marocaines par la Chine) à une crise de la demande, où la consommation de nombreux secteurs d’activité est fortement impactée par le confinement : tourisme, hôtellerie, restauration, commerces non alimentaires… Nos principaux partenaires commerciaux (France, Espagne) sont dans une situation sanitaire critique, et il leur faudra de nombreux mois encore avant un retour à la normale.

Nos TPME  sont, elles, actuellement confrontées à la fois à une baisse drastique d’activité faute de demande et à des problèmes de trésorerie. Cette dernière existait déjà avant le commencement de la crise. Je rappelle les chiffres sur les délais de paiement qu’Inforisk avait publiés il y a quelques semaines : les TPE avaient vu en 2018 leurs délais clients s’établir à 212 jours, en hausse de plus de 20 jours.

Les scenarii qui se présentent sont-ils totalement pessimistes ou est-ce qu’on peut au contraire tirer des enseignements de cette crise pour repartir sur de bons fondamentaux ?

A court terme (c’est-à-dire 2020), les scenarii de sortie de crise sont plutôt pessimistes. A moyen et à long termes, on se doit de retenir les leçons de cette crise, en termes d’anticipation (des besoins hospitaliers notamment). D’un point de vue économique, la solidarité que nous invoquons maintenant en cas de crise doit être permanente. Nous aurions pu éviter d’avoir des TPME fragilisées en début de crise, si les grands donneurs, notamment privés, avaient joué le jeu en matière de délais de paiement.

Le prolongement des délais de paiement, voire les défauts de paiement, peuvent malheureusement être récurrents pendant cette période. Pouvez-vous nous donner votre lecture là-dessus?

On a malheureusement sous-estimé pendant de nombreuses années le problème des délais de paiement. J’étais le seul à en parler de manière continue. Aujourd’hui, on voit des entreprises marocaines qui sont confrontées à une crise économique majeure, avec un système immunitaire déjà très faible. La dégradation continue des délais de paiement ces dernières années n’a fait qu’affaiblir progressivement la santé financière des sociétés les plus fragiles, à savoir les TPE et les PME de moins de 50 MDH de CA. Et nous le vivons actuellement, une entreprise meurt parce qu’elle n’a pas le cash nécessaire pour continuer son activité, payer ses salariés, ses fournisseurs… Il faut s’attendre dans les prochains mois à une hausse inhabituelle du nombre d’entreprises en difficulté avec une augmentation d’ouvertures de procédures de sauvegarde, redressement ou liquidation.

Pensez-vous que les mesures en préparation par l’Etat pour aider les entreprises à s’en sortir sont suffisantes ? Quelles sont vos propositions pour limiter les dégâts de cette crise sur les délais de paiement ?

Le report des échéances fiscales et sociales est une bonne chose mais ne permettra que d’atténuer les problèmes de trésorerie dont souffrent les entreprises. Plus que jamais, la solidarité doit être également économique : les grandes entreprises qui ont la trésorerie nécessaire doivent régler en temps et en heure leurs dettes commerciales vis-à-vis de leurs partenaires TPME. Pour éviter in fine une hécatombe de petites entreprises.

Par ailleurs, et à l’instar de ce qui se passe en France, j’invite l’État à mettre en place une cellule de crise sur les délais de paiement, réunissant le ministère de l’économie, Bank Al-Maghrib, la CGEM… Cette cellule serait chargée d’analyser en temps réel la criticité de l’allongement des délais de paiement et de prendre les mesures les plus urgentes face à cette problématique.

En tant qu’expert, quels sont les conseils que vous donneriez à un chef d’entreprise pour gérer les semaines à venir ?

Malheureusement, quand on en arrive à se demander ce qu’il faut faire, alors que nous sommes en pleine tempête, c’est que c’est déjà trop tard. Une surveillance constante et continue sur la trésorerie est nécessaire : en particulier, il faut essayer d’éliminer toutes les charges fixes non essentielles à la survie de l’entreprise. D’un autre côté, l’accélération du recouvrement des créances dehors devient un enjeu stratégique pour les sociétés. Par ailleurs, en cette période difficile, il est nécessaire de suivre ses clients à risque, ceux pour lesquels vous avez de forts encours et un doute sur leur pérennité économique. Le programme Dun Trade que je supervise pour le Maroc vise justement à identifier les clients à risque et à mesurer chaque mois l’évolution de leurs comportements de paiement.

Plus que jamais, en pleine tempête, les dirigeants d’entreprises doivent avoir une boussole, des outils qui leur permettent de suivre leurs partenaires commerciaux. C’est particulièrement le rôle de la Data. Nos services permettent notamment le suivi quotidien des événements juridiques et judiciaires de l’ensemble des entreprises marocaines.

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