L’inflation et la crise des agriculteurs en Argentine ont coûté sa place au ministre de l’Economie, Martin Lousteau, remplacé vendredi par un proche de la présidente Cristina Kirchner. «La présidente argentine a réclamé la démission de M. Lousteau au nom de différends sur la mise en oeuvre de la politique économique», a déclaré vendredi à l’AFP une source du gouvernement. Martin Lousteau, 36 ans, avait été nommé à ce poste à la suite de l’élection de Mme Kirchner à la présidence, le 10 décembre dernier, où elle a succédé à son mari Nestor Kirchner, président depuis 2003. Le patron de la direction des impôts Carlos Fernandez a été désigné pour le remplacer et prendra ses fonctions dès vendredi après une cérémonie au palais présidentiel, a annoncé l’agence de presse officielle argentine Telam. Secrétaire de l’Administration fédérale des revenus publics (AFIP), M. Fernandez, présenté comme un expert en finances publiques, fut l’un des proches conseillers de M. Kirchner durant son mandat. Ce remaniement apparaît comme une nouvelle reprise en main des rênes de l’économie par le couple présidentiel, issu du mouvement péroniste, qui aura épuisé au total quatre ministres de l’Economie depuis son accession aux affaires. Vendredi, les grands quotidiens argentins soulignaient que le dossier de l’inflation avait causé la perte de M. Lousteau. «La démission a eu lieu après la présentation d’un plan anti-inflationniste rejeté par la présidente», affirme La Nacion, tandis que Clarin attribue son renvoi aux «divergences sur la façon de lutter contre l’inflation». Le départ du ministre intervient alors qu’un violent conflit a opposé le gouvernement à des milliers d’agriculteurs qui protestent contre une hausse d’impôts sur les exportations et une inflation croissante. Suspendu au début du mois après 21 jours de grève, ce mouvement de colère, l’un des plus durs dans l’histoire de l’Argentine, avait entamé la crédibilité du gouvernement. Malgré les blocages routiers, qui avaient provoqué des difficultés de ravitaillement entaînant pénuries et hausses des prix, ce conflit avait reçu un soutien populaire non négligeable, à l’image des manifestations dans plusieurs villes du pays.
Mais la démission du ministre, tenu éloigné des négociations avec les agriculteurs, sonne surtout comme un désaveu du gouvernement face à ses craintes d’une surchauffe de l’économie, la présidente argentine refusant de prendre le risque d’interrompre une croissance cumulée de 45% en cinq ans. M. Lousteau avait notamment proposé une augmentation des prix du gaz et de l’électricité sauf pour les secteurs populaires, ainsi qu’un plan de réduction des dépenses publiques, dont le gouvernement ne voulait pas entendre parler. Nestor Kirchner avait implicitement critiqué l’action du ministre cette semaine, en fustigeant les partisans d’un «refroidissement de l’économie» lors d’un discours public jeudi dernier. «S’ils refroidissent l’économie, les Argentins ne consomment pas, ils ne mangent pas», avait lancé l’ancien président, considéré comme le véritable inspirateur du gouvernement. Selon les experts, l’inflation a atteint 25 % en un an en Argentine. Un chiffre nié par le gouvernement qui estime que cette inflation ne dépasse pas les 10 %. Ces chiffres officiels, récemment publiés par l’Institut national des statistiques (INDEC), avaient soulevé la polémique auprès des associations de consommateurs, inquiets de la perte de leur pouvoir d’achat.