Economie

Artisanat : 83 milliards DH de recettes en 2013

© D.R

ALM : L’artisanat est un secteur qui touche une large partie de la société. Pourtant, votre département qui s’en occupe ne semble pas avoir la visibilité ni le poids qu’il devrait avoir. Par quoi l’expliquez-vous ?    
 

Fatima Marouane : La question que vous posez concerne la visibilité du secteur. Depuis que je suis arrivée, je me rends compte, en effet, qu’il s’agit d’un département extrêmement important mais qui n’a pas la place qu’il mérite. Ce dont on parle le plus est l’artisanat à fort contenu culturel, notamment les plafonds en bois, le zellige, etc. En fait, il y a deux grands pôles d’artisanat, en l’occurrence l’artisanat de production et l’artisanat de service. Dans le premier, on retrouve l’artisanat d’art ainsi que l’artisanat utilitaire, notamment la poterie qui peut mêler les deux. Un potier peut ainsi produire des objets décoratifs et utilitaires. Dans l’artisanat de services, il y a environ 16 métiers, à savoir les coiffeurs, les électriciens, les plombiers… D’un point de vue global, le secteur de l’artisanat a réalisé à fin 2013 un chiffre d’affaires de 83 milliards de dirhams dont 36 milliards pour l’artisanat de service, 20 milliards pour l’artisanat à fort contenu culturel et 26 milliards pour l’artisanat utilitaire.

Mais est-il logique que des coiffeurs par exemple soient considérés comme des artisans ?

Au Maroc, nous avons des Chambres professionnelles qui sont essentiellement destinées à l’artisanat à fort contenu culturel. Dans d’autres pays notamment en France, il y a les Chambres des arts et métiers qui regroupent par exemple les artisans du bâtiment. Dans ce sens, nous allons présenter un projet de loi sur l’organisation des métiers de l’artisanat parce qu’il y avait un vide législatif sur ce plan.

Mais ne pensez-vous pas qu’il y aurait un sérieux problème au niveau de la démarche du ministère qui ne peut pas avoir le même argumentaire pour des artisans comme les menuisiers et les autres professionnels qui n’ont rien à voir avec l’artisanat ?

Vous avez parlé des menuisiers, il faut savoir qu’il y a la menuiserie d’art et celle utilitaire. Mais les deux catégories font de l’artisanat puisque les professionnels dans les deux catégories travaillent avec leurs mains. Et tous les métiers qui se basent essentiellement sur un travail manuel font partie de l’artisanat. Mais cela peut s’appliquer aussi à des métiers qui combinent travail manuel et utilisation de machines comme dans la couture.
 
Cela ne représente-t-il pas un champ d’action trop large pour un seul ministère surtout que les enjeux pour le développement et la labellisation sont énormes?

Sur le plan de la labellisation et la certification, nous avons notamment le label «Madmoun» au niveau de la poterie culinaire.

Pour revenir à l’organisation des métiers, comment comptez-vous mettre de l’ordre dans le secteur ?

Dans le projet de loi, nous avons défini ce que c’est l’artisan, le maître artisan et l’apprenti. Ceci nous amène à parler de la formation. Auparavant, le métier était transmis par compagnonnage en quelque sorte. Aujourd’hui, nous avons des centres de formation relevant non pas de l’OFPPT (Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail), mais du ministère de l’artisanat. Depuis ma prise de fonction, j’en ai visité plusieurs. Je me rappelle particulièrement d’un centre dans une région reculée où nous avons eu 112 inscrits et une liste d’attente de 150 personnes et tout autour, les gens demandaient la création d’autres centres pour l’insertion des jeunes. 

Vous êtes également en charge de l’économie sociale et solidaire. Comment définissez-vous le secteur ?

La définition de l’économie sociale et solidaire n’est pas uniforme partout. Au Maroc, le secteur concerne essentiellement les coopératives mais il comprend également les associations, les fondations et les entreprises sociales. L’économie sociale regroupe d’une manière générale toutes les entreprises qui mettent l’être humain au centre des préoccupations et non pas le profit comme dans les coopératives qui seront bientôt encadrées par un nouveau texte de loi. Le projet de loi qui se trouve actuellement au stade de l’examen par la première Chambre parlementaire, a été élaboré dans le but de la simplification de la création des coopératives.

Quelles sont aujourd’hui vos priorités Madame la ministre ?

Nous sommes face à un secteur plutôt économique que social. Il faut rappeler que l’artisanat fait vivre le tiers de la population marocaine. C’est tout simplement énorme alors qu’il y a un problème au niveau de la visibilité. A cela s’ajoute l’économie sociale et solidaire où l’INDH joue un rôle important avec le soutien aux activités génératrices de revenus. Notre rôle au ministère est de coordonner et d’accompagner toutes les structures. Dans ce sens, nous sommes en train de préparer une stratégie d’économie solidaire sachant que nous avons déjà une stratégie pour l’artisanat que nous sommes en train d’évaluer.
 
Comment coordonnez-vous votre action avec d’autres ministères, notamment au niveau de la formation ?

Nous avons des partenariats avec d’autres secteurs. Dans nos centres de formation par exemple, nous faisons intervenir l’OFPPT surtout pour l’artisanat de service. Par ailleurs, nous faisons également de l’alphabétisation fonctionnelle. Beaucoup d’artisans et d’artisanes sont analphabètes au départ. Nous avons donc un programme qui a permis la formation de 30.000 bénéficiaires. Au-delà des résultats, le plus important c’est plutôt la soif d’apprendre, notamment chez ces femmes dont les yeux brillaient lors de la remise des diplômes. Certaines à Fès qui ont appris à compter, lire et écrire en arabe, ont demandé d’apprendre le français et l’anglais. A Marrakech, des jeunes avec un niveau de qualification technicien ont demandé des solutions afin de poursuivre leur formation. Il y a donc une réelle volonté d’apprendre.

Qu’en est-il des Chambres d’artisanat?

Les membres des Chambres d’artisanat sont des élus. Nous travaillons dans un cadre de partenariat. Nous accompagnons donc les Chambres d’artisanat en les subventionnant à travers la Maison de l’artisanat qui est notre organe de promotion. Nous soutenons, notamment les foires régionales et nous exigeons que la participation des artisans et artisanes ruraux soit d’au moins 20% et que 30% soient réservés pour les femmes.

Auparavant, c’était respectivement 20 et 10% pour les femmes et les ruraux. Cette année nous avons également exigé que la participation des coopératives soit à hauteur de 20% au minimum. En effet, les coopératives regroupent souvent des personnes qui ont de faibles moyens. Les foires leur permettent donc de vendre directement leurs produits et de profiter de l’expérience des autres.

Dans le milieu rural, nous avons des expériences intéressantes avec «Dar Sanaâ» qui permettent à des femmes travaillant dans des conditions pas toujours confortables chez elles de travailler collectivement dans un espace équipé et de pouvoir exposer leurs produits dans un espace exposition-vente.

Des espaces formations sont également disponibles. Dans les zones montagneuses et reculées, nous avons mis en place un dispositif de formation par unité mobile. Aujourd’hui, nous avons trois unités mobiles spécialisées chacune dans les domaines du tissage, de la poterie et de la bijouterie.

Comment préserver les métiers qui se perdent ?

Nous avons au niveau du ministère une direction de la préservation des métiers. Nous avons dénombré 40 métiers. Actuellement, 14 activités sont traitées, notamment l’armurerie. Concrètement, nous travaillons à former des jeunes dans ces domaines en s’appuyant sur des programmes développés sur la base de l’expérience et l’expertise des «Maâllem» encore en vie ainsi que des experts étrangers. Cette année nous avons défini quatre nouveaux métiers, à savoir le pisé, le «tataoui», le brocard et le tannage végétal.

Parlons un peu politique. Comment les ministres RNI travaillent au sein du gouvernement ?

Nous nous concertons continuellement et nous venons d’avoir notre conseil national. Les choses se déroulent normalement.

Sur le plan budgétaire, comment se présentent les choses pour votre ministère ?

Nous avions eu une bonne coupe mais je pense que nous allons nous rattraper en 2015 d’autant plus que nous avons récupéré l’économie sociale et solidaire. D’ailleurs, on est en train de réétudier le budget.

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