Le Bangladais Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix et pionnier de la microfinance, intéresse de plus en plus les autorités judiciaires de son propre pays, des difficultés directement liées à ses divergences avec la puissante chef du gouvernement, selon des observateurs. Salué partout ailleurs dans le monde pour son travail permettant à de modestes entrepreneurs d’avoir un accès au crédit, le «banquier des pauvres» est traîné en justice pour diffamation tandis que le gouvernement a demandé l’ouverture d’une enquête sur la Grameen Bank qu’il a fondé en 1976. Ces deux affaires, annoncées coup sur coup ont fait naître des soupçons, fermement démentis par le gouvernement, selon lesquels ses problèmes seraient liés à un différend avec la Première ministre Sheikh Hasina. Selon M.M Akash, professeur d’économie à l’université de Dacca, M. Yunus est en disgrâce depuis l’année 2007, une période troublée dans l’histoire de ce petit pays défavorisé d’Asie du sud. «Hasina et Yunus semblaient en bons termes avant qu’il n’émette l’idée de lancer un parti politique. C’était une énorme bourde politique et il est aujourd’hui en train d’en payer le prix», résume-t-il. La plupart des Bangladais pensent que les problèmes judiciaires de M. Yunus sont les signes d’un «vieux règlement de compte de la part de Mme Hasina, 63 ans», souligne Salauddin Aminuzzaman, professeur de sciences politiques à l’université de Dacca. Le premier signe est apparu en novembre dernier lorsqu’un documentaire norvégien a accusé M. Yunus, 70 ans, d’avoir mal utilisé des fonds norvégiens apportés à la Grameen Bank en 1996. L’enquête, menée par Oslo, a blanchi Muhammad Yunus mais le gouvernement du Bangladesh s’est emparé de l’affaire et annoncé voici quelques jours l’ouverture d’une enquête sur les pratiques financières de la banque. Mme Hasina accuse notamment son compatriote d’évasion fiscale et d’avoir fait de la Grameen Bank son fief personnel. M. Yunus a reçu le prix Nobel de la paix en 2006 en même temps que la Grameen Bank. Dans le même temps, une affaire de plainte pour diffamation déposée en 2007 contre M. Yunus par un membre d’un petit parti de gauche allié à l’Awami League a soudainement resurgi, obligeant le financier à brièvement comparaître en justice mardi. La plainte avait été déposée à la suite de propos tenus en janvier 2007 lors d’un entretien à l’AFP au cours duquel il avait déclaré que la politique au Bangladesh était simplement une affaire de «pouvoir pour faire de l’argent».