Parmi ses fournisseurs figurent l’Ukraine (25%), la Russie (11%), la France (40%)
Une étude de Policy Center for the New South qui vient d’être publiée analyse les conséquences de la guerre en Ukraine pour l’approvisionnement de l’Afrique en blé. Le continent africain est particulièrement dépendant des exportations de blé russe et ukrainien qui, ensemble, représentent 29% des exportations mondiales de blé. L’étude révèle que le Maroc, l’Algérie et le Nigeria importent plus de 17 Ms de tonnes de blé, majoritairement ni russe ni ukrainien. Ainsi, le Maroc, troisième importateur de blé du continent, produit du blé en quantité variable selon les conditions climatiques. Selon le document, en 2021, de bonnes conditions climatiques ont permis au Royaume de réduire les importations de blé de 0,7 Mt, passant sous la barre des 5 Mt, estimées à 4,5 Mt. Ce qui caractérise les importations marocaines, c’est la diversité des fournisseurs.
Ainsi, parmi les fournisseurs du Maroc figurent l’Ukraine (25%), la Russie (11%), la France (40%) et le Canada pour la quasi-totalité de l’importation du blé dur. Pour sa part, le Nigeria, pays le plus peuplé du continent, voit ses importations de blé augmenter régulièrement depuis deux ans, dépassant désormais les 5 Mt, avec des estimations de 5,5 Mt pour la campagne 2020/2021. Comme pour le Maroc, le Nigeria a fait le choix de diversifier ses fournisseurs. Sur les 5,5 Mt importées,1 Mt viendront de l’UE, 0,8 Mt de la Russie, 0,7 Mt du Canada et seulement 0,6 Mt des Etats-Unis.
L’Algérie est le second importateur africain de blé, derrière l’Egypte, avec des exportations estimées sur la campagne 2021/2022 à 7,7 M, qui s’ajoutent aux 3,6 Mt produites sur le sol algérien. A noter que la production algérienne est en retrait de 1 Mt par rapport à la campagne de 2020/2021, du fait de conditions climatiques très défavorables. L’étude met ainsi en exergue la diversification d’approvisionnement, dont ont fait preuve le Maroc, le Nigeria et l’Algérie. Ce qui est loin d’être le cas pour les autres pays africains qui se sont limités à la Russie et l’Ukraine. L’étude fait remarquer que globalement, près de 700 millions de personnes en Afrique vont être directement impactées pour leur consommation de blé par leur dépendance du blé russe et/ou ukrainien. Concernant les pays d’Afrique du Nord, deux sont particulièrement menacés par cette crise, à savoir la Libye et la Tunisie. L’étude de Policy Brief signale que la Libye qui dépend pour ses approvisionnements de l’Ukraine à 60% et de la Russie à 15%, doit trouver au plus vite des alternatives, étant au bord de la rupture de stock de blé, estimé à un mois.
A cela s’ajoute la crise de liquidités à laquelle est confronté le pays. Du côté tunisien, du fait d’une importante contreperformance agricole de la dernière campagne agricole, les importations de blé devraient progresser de 33%, atteignant un niveau record de 2,5 Mt. «Dans ce pays, les importations de blé représentent 50% des importations alimentaires du pays, les stocks sont de quatre mois, mais la crise de liquidités du pays complique, comme pour la Libye, le financement de ce marché», note l’étude. Au final, cette crise a mis en évidence la nécessité de diversifier ses approvisionnements. «Diversifier ses approvisionnements, c’est ce qu’ont su faire le Maroc et le Nigeria, par exemple. C’est malheureusement ce que n’a pas su faire l’Egypte. Quelle que soit la qualité des alliances au moment où on confie à d’autres pays sa souveraineté alimentaire, ne jamais oublier qu’elles peuvent évoluer, se détériorer», conclut l’étude.
[box type= »custom » bg= »#fddeef » radius= »5″]La crise ukrainienne n’est pas à l’origine de la flambée des cours
Entre avril 2021 et fin mars, le cours du blé tendre est passé de 230 euros à un niveau record de 376 euros. Le document de Policy Center signale que cette envolée des cours du blé a commencé dès août 2021, avec des cours atteignant 270 euros, dépassant les 300 euros en décembre 2021, pour ensuite retomber aux alentours de 270/280 euros, jusqu’à février 2022, pour s’accélérer ensuite. L’étude insiste sur le fait que la crise ukrainienne n’est pas à l’origine de cette flambée des cours mais l’a amplifiée. Comme cela a été déjà constaté lors de la crise financière de mars 2008, la tonne de blé atteignant alors 292 euros, ou lors du printemps arabe, la tonne de blé rebondissant à 277 euros.
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