Heureux armateurs européens. Ils ont eu le beurre et l’argent du beurre. Ils ont vu pleuvoir sur leurs comptes en banque des fonds issus de la Commission européenne de Bruxelles dans le cadre du programme de reconversion de la flotte. En échange d’arguments sonnants et trébuchants, ils ont promis et accepté de retirer leurs vieux bateaux de la mer. Ils ont béni des deux mains la subvention et les plans d’indemnisation des marins pêcheurs victimes de cette réduction de l’effort de pêche. Où en sont-ils aujourd’hui ?
Au lieu de conduire leurs vieux navires dans les chantiers navals, certains, pour ne pas dire la plupart, ont poussé un peu plus vers le Sud, dans les eaux marocaines. Juste le temps d’un détour par un chantier naval, un toilettage rapide des structures supérieures, une couche de peinture et un bouchonnage de la coque, et voilà qu’un bateau, promis à la casse, part pêcher à Laâyoune dans le cadre des sociétés mixtes.
Le procédé est simple. Pour un «armateur» marocain, il suffit d’obtenir une licence en bonne et due forme pour signer avec un propriétaire d’un bateau étranger. Des transactions qui font que certains investissements dans la pêche ressemblent à tout, sauf à un apport de fonds. Au rythme suivant lequel ils sont introduits au Maroc, ces ex-bateaux communautaires mettent en péril les chantiers navals marocains.
Combien de navires pêchent ainsi en eaux troubles dira-t-on ? L’association Celuster parle de 81 bateaux espagnols retirés de la pêche dans le cadre des subventions de l’UE et introduits au Maroc. Ces deux dernières années une trentaine de palangriers portugais ont suivi leurs voisins espagnols pour venir pêcher au Maroc.
Mais, il faut le dire, les Espagnols ne font que suivre la tactique des Chinois, les premiers à exploiter ce filon au Maroc. L’état des bateaux qui peuplent en période d’arrêt biologique le port et la rade d’Agadir permet de dire, sans grands risques de se tromper, qu’une bonne proportion de ces navires ne pourront guère naviguer dans les eaux communautaires.
Le renforcement des lois sur la protection de l’environnement impose en effet des conditions strictes. Au Maroc aussi, ces lois existent. En particulier, un bateau ne peut être importé s’il a plus de quatre ans d’âge. Sauf dérogation s’entend. Combien sont passés entre les mailles du filet législatif?
Une question qui n’intéresse pas les armateurs marocains de la pêche côtière, confrontés à des coûts de fuel en pleine ébullition et obligé économiquement à limiter leurs sorties en mer.
Dans l’état actuel de la flotte de pêche, l’on a du mal à croire à toutes ces matrices promues par le ministère, et à tous ces plans de pêcheries destinés à sauver le secteur.