La présidente du Conseil national du commerce extérieur (CNCE) ne croyait pas si bien dire en déclarant, vendredi à Rabat, à l’ouverture de la 1ère assemblée générale du nouveau conseil d’administration, que cette réunion n’est pas fortuite. Non plus que quand elle a a jouté que c’est le moment opportun pour prendre les grandes décisions qui permettront aux exportateurs marocains de rester en lice.
Le monde évolue si vite qu’il faut changer soi-même pour y conserver sa place, a-t-elle expliqué devant un auditoire tout acquis à sa cause, mais dans les rangs duquel, ici et là, sourdaient parfois des commentaires sur la récente visite des hommes d’affaires turcs.
D’ailleurs, tous ceux qui ont pris la parole devant ce conseil d’administration actualisé la veille par l’accueil de 13 nouveaux membres– dont la présidente de la CGEM – en ont convenu expressément : la balance commerciale du Maroc est déficitaire avec quasiment tous les pays avec lesquels il est lié par des accords de libre- échange. Cependant, ce n’est pas le libre-échange qui est en cause, mais la manière de l’appréhender.
La 1ère assemblée générale du nouveau conseil d’administration a donc estimé que deux questions sont à régler d’urgence : la transformation de l’institution en observatoire de veille et d’intelligence économique et, la résorption du déficit commercial qui s’aggrave de jour en jour réduisant d’autant le compte courant de la balance des paiements. En sorte que l’affaire peut être globalement entendue ainsi : pour tirer bénéfice du commerce avec le reste du monde, il faut du savoir-faire et de l’anticipation, et celles-ci ne peuvent provenir que d’un CNCE qui pratique l’intelligence économique plus que le marketing international.
Et c’est sans doute pourquoi il a été beaucoup question de coefficient d’intégration au cours de cette réunion. Vieille notion que ce coefficient d’intégration. Il avait fait florès dans les années 80 et mesurait la part de valeur ajoutée locale dans un produit final à base d’intrants importés. Sous son nouveau nom de contenu d’intégration, le CNCE le tient pour une des clés de la résolution du problème du déficit commercial chronique. Il en fait également un objectif de la nouvelle stratégie dont il a tenu à énoncer les grandes lignes devant le ministre de l’économie et des finances et celui du commerce, de l’industrie et des nouvelles technologies, qui est venu assister aux travaux non pas en ministre de tutelle, mais en chef du département accompagnateur ; les uns et les autres ayant pris soin de préciser que le CNCE est un «organisme paritaire indépendant».
Au départ du 1er chantier, celui de la transformation du CNCE donc, cette évidence que la plupart des intervenants n’ont pas manqué de relever : l’efficacité de l’action dans le nouvel ordre économique mondial exige de nouveaux outils, «plus pertinents et plus complexes que le marketing classique qui a tendance à trop mettre en avant l’avantage comparatif du coût». Car conviendra t-on au cours de l’assemblée, «nous n’avons plus cet avantage ou plutôt, ce n’en est plus un».
L’atout coût n’étant plus de circonstance dans un monde où s’installe «l’éclatement de la chaîne de valeur» – qui commande de débiter le cycle de production et d’en réaliser les séquences dans le pays qui offre le plus d’avantages-, il faut donc s’en forger d’autres. Mais avant cela, il faut veiller à se transformer et à se doter des qualités qui permettent de rapidement et de mieux appréhender la réalité et partant, de perfectionner l’action, a jugé Nezha Lahrichi, présidente du CNCE. Elle a donc parlé de la triple vocation du nouveau CNCE. La 1ère le voue à être le catalyseur de la veille sur le commerce extérieur. La 2ème le destine à être un centre d’analyse concertée des performances du commerce extérieur mise au service des pouvoirs publics et des opérateurs privés. La 3ème en fait le consultant sur mesure pour les exportateurs.
Pour le ministre du commerce, de l’industrie et des nouvelles technologies cependant, le grand apport du CNCE, c’est d’être «un organe paritaire ou acteurs publics et privés se rencontrent pour réfléchir ensemble et échanger». Il a donc estimé que le CNCE est appelé à se transformer en observatoire capable de produire des analyses à forte valeur ajoutée qui aideront les PME à se forger des stratégies efficaces de conquête de parts de marchés extérieurs.
Partant du principe que l’accumulation est la clé du développement, il a jugé qu’on devrait capitaliser sur ce qui a été entrepris par le CNCE dans le passé «au moyen de la mise en œuvre et de l’opérationnalisation d’un dispositif de veille et d’intelligence économique». Abdelkader Aâmara qui a réaffirmé la volonté de l’Etat de promouvoir le partenariat avec les opérateurs du secteur privé, a assuré l’assistance de ce que son ministère n’a pas l’intention de se poser en donneur d’ordre et qu’au contraire, il ne conçoit son partenariat avec le CNCE que dans le cadre d’une approche participative susceptible de réaliser l’objectif en faisant appel au libre concours de tous. Il a, en outre, estimé que la vocation africaine du Maroc ouvre de nouvelles perspectives devant le PPP (Partenariat public-privé). Renchérissant sur ces idées, Nizar Baraka a, pour sa part, affirmé la volonté de son département de s’associer à l’élaboration et à la mise en œuvre de la nouvelle stratégie du commerce extérieur.
Il en a exposé les enjeux en réaffirmant la vocation africaine du Maroc – accords avec l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest- africaine) et perspectives d’accord avec la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale). Il a déclaré sa conviction que la «crise» est rémissible et que preuve en est que presque tous les fonds arabes exerçant au Maroc ont augmenté leur capital social, ce qui, à son sens, dénote une grande confiance et prélude à un surcroît d’investissement.
Et, prenant appui sur la signature prochaine d’un accord de libre- échange avec le Canada, il a jugé que la veille et l’anticipation sont essentielles au commerce extérieur qui donne de l’air aux PME. Et il faut croire qu’il prêchait des convertis car les premiers débats ont porté sur l’art et la manière d’entreprendre dans ce nouveau contexte. Tous sont convaincus qu’exporter plus est une nécessité, que pour ce faire il faut de nouvelles méthodes de connaissance et d’approche des marchés, mais rares sont ceux qui ont, en même temps que ce point de vue commercial, évoqué la question de la nature et de la qualité du produit.