Le secteur de la conserve végétale au Maroc est en crise. Alors que la filière jouissait, il y a quelques années, d’une importante notoriété, les choses se présentent mal aujourd’hui : les marges s’amenuisent, les repères s’effritent et les contextes nationaux et internationaux n’arrangent en rien la situation. Comment en est-on arrivé là? Une étude commanditée par la Fédération des industries de la conserve des produits agricoles du Maroc (FICOPAM) et réalisée par Euro Maroc-Entreprise ( EME) a tenté d’apporter quelques éléments de réponse à cette problématique. Ainsi, l’étude note que la stagnation de la branche s’explique plus par les insuffisances de l’offre que par un manque de dynamique de la demande. Car les opportunités de développement des marchés ne manquent pas. Au niveau national, la nature du marché est plus que favorable : extension des modes de vie urbains, développement de la distribution moderne, des activités de restauration et du tourisme ainsi que l’amélioration des équipements de stockage et de réfrigération… Sur l’international, le terrain est également favorable, notamment avec l’amélioration des conditions d’accès sur l’UE et sur les USA et la croissance du marché des travailleurs émigrés. Globalement, l’intérêt des consommateurs pour les fruits et légumes ne faiblit pas avec l’amélioration des revenus, contrairement aux autres produits alimentaires. Où se situe donc le blocage ? Pour les analystes de l’EME, le problème réside dans l’organisation interne de l’entreprise ainsi qu’au niveau de son environnement. Au niveau de l’amont de la filière, les blocages sont devenus patents et quasi structurels. Ainsi, l’organisation actuelle de la branche présente des insuffisances qui limitent ses possibilités de saisir les opportunités de croissance.
Alors que le regroupement des entreprises en «grappes» se présente comme le schéma idéal afin d’acquérir des avantages concurrentiels, sur le terrain, hormis quelques exceptions, il n’en est rien. Cette situation est d’autant plus incohérente si l’on sait que le nombre des entreprises ayant atteint un niveau technologique et organisationnel fiable est très limité. Mais c’est bien la dépendance vis-à-vis de l’amont agricole qui plombe tout effort de développement de la filière. L’enquête du terrain à révélé plusieurs problèmes chroniques et transversaux. En premier lieu : la dépendance vis-à-vis des fluctuations climatiques, notamment en ce qui concerne les productions arboricoles (olives et abricots). Une dépendance qui a pour résultat des variations excessives de rendements et de calibres d’une année à l’autre, à cause de la sécheresse et du phénomène d’alternance propre aux espèces considérées. Cette dépendance s’aggrave avec la stagnation de la production, qui dépend plus de la politique agricole poursuivie par le pays que des fluctuations climatiques.
L’étude note à cet égard que plusieurs plans de développement sont prévus pour presque toutes les espèces végétales produites au Maroc, mais aucun d’entre eux ne fait l’objet de suivi.
Conséquence : l’offre des entreprises du secteur ne peut se développer au moment où leur approvisionnement fait défaut, que ce soit en quantité ou en qualité. Reste que les tares du secteur ne s’arrêtent pas là. L’étude met en relief les insuffisances constatées au niveau des ressources humaines : une main-d’oeuvre peu productive et peu motivée et mal formée. Devant ce tableau pas très réjouissant, les analystes de l’EME proposent des alternatives à mettre en oeuvre en urgence. Il s’agit en premier lieu de la mobilisation des ressources du secteur privé et public autour d’un programme d’investissement. Les investissements devraient se concentrer sur l’amont agricole pour lequel les solutions envisagées en matière de location à long terme des terres, de partenariat sont à mettre en oeuvre. Dans ce cadre, une politique de recherche de complémentarités entre produits et marchés s’avère plus que nécessaire.
Un effort qui suppose des préalables : une politique économique favorable ainsi qu’un cadre réglementaire assaini et le renforcement des capacités des organisations professionnelles. Le volet financement n’est pas en reste. L’étude recommande l’amélioration des conditions d’accès au financement de nouveaux projets et l’adaptation des outils de financement aux risques spécifiques du secteur.