Economie

Contribution libératoire : Le rush après l’été

© D.R

ALM : Ces deux dernières années, les réserves en devises du Maroc ont plusieurs fois inquiété. Quelle est la situation actuellement?
 

Jaouad El Hamri : Actuellement, la situation des réserves de change n’est pas du tout critique. Nos réserves de changes sont maintenues à un niveau acceptable qui s’établit à plus de quatre mois et vingt jours au lieu de quatre mois et neuf jours au début de l’année. Un niveau qui évolue positivement grâce au bon comportement des activités exportatrices dont notamment les métiers mondiaux du Maroc qui continuent d’afficher de très bonnes performances.

L’Office des changes est au cœur de l’opération de la contribution libératoire. Est-ce qu’il y a une demande?

Les déclarations dans le cadre de la contribution libératoire sont encore à leur début. Il faut préciser que malgré les retards pris par certaines banques de la place pour la finalisation des préparatifs, l’adaptation des programmes informatiques et la formation des équipes chargées de cette opération, les chiffres enregistrés dépassent les prévisions, du moins pour la première partie de l’année.

Est-ce que l’objectif des 5 milliards DH fixé par le gouvernement sera atteint ?

Il est difficile de faire, dès aujourd’hui, des estimations sur les montants qui seront rapatriés dans le cadre de la contribution libératoire, mais nous sommes confiants dans l’approche pour laquelle nous avons opté et sa cohérence. La préservation de l’anonymat des déclarants et la confidentialité des opérations ainsi que la possibilité pour les déclarants de rester propriétaires de leurs biens déclarés, d’en disposer librement et détenir des comptes en devises et en dirhams convertibles sont autant d’arguments capables de garantir la réussite de cette opération.

Certains observateurs parlent d’un faible engouement pour l’opération. quel est votre sentiment ?

L’opération connaît aujourd’hui un intérêt certain de la part de beaucoup de Marocains. Les remontées du réseau d’agences bancaires, chargées d’informer, conseiller et recevoir les déclarations des citoyens concernés, le confirment. Il faut préciser que ces agences connaissent, de plus en plus, une grande affluence de personnes qui demandent des informations sur les documents nécessaires en vue de procéder à des déclarations, les démarches à suivre ainsi que les garanties et les avantages offerts. La majeure partie de ces déclarations n’interviendra certainement qu’au cours du dernier trimestre de l’année après le retour des vacances d’été.

Est-ce que l’Office des changes est capable d’identifier des personnes qui ont des avoirs à l’étranger ?

L’Office des changes a développé depuis plusieurs années déjà des techniques qui lui permettent de tracer efficacement les opérations à risque. Nous disposons actuellement de bases de données exhaustives pour les opérations commerciales et financières dont les dénouements font l’objet d’un suivi particulier. La traçabilité de ces opérations s’appuie également sur la possibilité d’accéder à plusieurs types d’informations dont les recoupements peuvent conclure à l’identification de certaines catégories de personnes (physiques ou morales) qui disposeraient de manière irrégulière d’avoirs à l’étranger. 

Cet accès est renforcé aujourd’hui grâce à des dispositifs de coopération bilatérale et multilatérale. Il faut préciser à cet égard que la signature par le Maroc de la convention de l’OCDE portant sur l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, les agences et les bureaux de renseignement financier font partie des instruments qui permettent de plus en plus de tracer ces types d’avoirs où qu’ils se trouvent.

Le régime de change est pointé du doigt. Pensez-vous que le dirham est surévalué ?

Cette question est très complexe. Il n’est pas aisé de dire si le dirham est surévalué ou sous-évalué, car le taux de change approprié diffère en fonction d’un agent économique à l’autre. Ainsi, un importateur cherchera toujours un taux de change qui lui permettra de payer le moins cher possible. Par contre, pour un exportateur, le taux de change approprié est celui qui lui permettra d’être encore plus compétitif en réduisant ses coûts par rapport à ses concurrents.  
Toutefois, la raison veut que le taux de change approprié soit celui qui permet une situation d’équilibre à l’économie nationale où croissance et équilibres extérieurs sont à des niveaux optimisés.

Est-ce que vous êtes pour une totale convertibilité du dirham?

Le Maroc a fait le choix d’aller vers une libéralisation de change progressive, pragmatique et irréversible. Un dosage judicieux entre la libéralisation et un contrôle des changes soucieux de préserver les équilibres extérieurs. Ce choix a permis la stabilité de l’économie nationale et sa résistance face aux crises qui sévissent un peu partout dans le monde.

Aujourd’hui le dirham est partiellement convertible dans le sens où il est convertible pour toutes les opérations courantes, il l’est pour les opérations en capital des non-résidents et il l’est également pour une partie des opérations en capital des résidents. Parler aujourd’hui d’une convertibilité totale du dirham serait encore tôt, car, rappelons-le, cette convertibilité totale signifie la levée des restrictions sur les exportations de capitaux, ce qui se traduirait par une sortie massive de capitaux, et l’abandon de l’obligation de rapatriement des avoirs obligatoirement cessibles et des recettes des exportations de biens et de services, principale ressource en matière de reconstitution des réserves de change.
 

Quel bilan faites-vous de votre mission à la tête de l’Office et quelles sont vos principales priorités pour l’avenir?

L’Office des changes s’est engagé à mener des actions structurantes pour accompagner le Royaume dans son ouverture sur le monde. Ainsi, nous remplissons pleinement notre rôle de force de proposition au service de l’Etat. À cet égard, nous veillons à rendre la réglementation encore plus transparente, à mettre en place un contrôle plus simple et à institutionnaliser les relations avec les opérateurs. L’Office dispose actuellement d’une organisation orientée opérateurs où la Division information opérateurs constitue l’interlocuteur unique qui se charge de toutes les requêtes des opérateurs. Le département juridique et contentieux consacre les règles de bonne gouvernance, après la séparation de l’inspection du contentieux et nous disposons également d’une charte en matière de contrôle et de contentieux. Nous avons créé un département entièrement dédié aux intermédiaires agréés qui a pour principal objectif de fluidifier la réglementation des changes en permettant à ces entités de jouer convenablement le rôle de relais qui leur est dévolu.

Avez-vous d’autres priorités ?

Oui, il y a la refonte des textes qui datent de la période de colonisation qui constitue également un axe prioritaire. Ces textes qui regorgent de termes inadaptés, en parfait déphasage avec l’environnement économique, constituent un système répressif, lourd et anachronique. Pour remédier à cette situation, nous avons introduit un projet de loi sur les opérations de change qui est actuellement au niveau du Secrétariat général du gouvernement. L’adoption de cette loi permettra le regroupement, en un seul texte, des dispositions législatives réglementant les opérations de change, la définition de façon claire et précise des termes utilisés : résidents, non-résidents, étrangers, opérations en capital, opérations courantes, moyens de paiement, intermédiaires de change, etc.

Quel sera le poids de ce texte de loi ?

Ce texte permettra de mettre en place un cadre bien défini en matière d’infractions (catégorisation des infractions) et d’alléger les sanctions et pénalités au titre des infractions aux dispositions de la réglementation des changes selon qu’il s’agisse d’infractions de premier degré ou de second degré. Une fois adopté, le texte de loi consacrera le principe de liberté des transactions financières des opérations de change avec l’étranger avec une liste claire des opérations soumises à autorisation.

On passera donc du principe de la «prohibition» au principe de la liberté. En attendant l’adoption de ce texte, nous travaillons toujours sur notre instruction générale des opérations de change qui est publiée chaque année en vue de l’alléger davantage dans l’objectif de la rendre encore plus lisible et plus accessible aux opérateurs et aux intermédiaires agréés.

Gouvernance

Il paraît qu’il y a un deuxième texte sur la gouvernance de l’Office…

Tout à fait. En parallèle au premier texte, un deuxième texte sur la gouvernance de l’Office est également déposé auprès du SGG. Ce texte permettra à l’Office des changes de disposer d’un conseil d’administration dont les pouvoirs et la composition seront conçus sur la base de critères de pertinence, d’efficacité et de collégialité en matière de prise de décisions stratégiques.

Ces réformes sont nécessaires compte tenu du caractère libéral de l’économie marocaine et de la nécessité de doter l’Office des changes d’organes de bonne gouvernance. Des organes pouvant servir à approfondir la réflexion sur la mise en place d’un cadre règlementaire adéquat, compatible avec les orientations générales du Maroc en matière de politique macroéconomique et favorable à la gestion des équilibres extérieurs du Maroc dans l’objectif de contribuer à l’amélioration du climat général des affaires et d’attrait de l’épargne des MRE et des investissements étrangers.

 

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