Débat organisé par La Vie Eco
Décryptage.»
Le débat sur les perspectives de croissance de l’économie marocaine -sous fond d’inflation et de multiples contraintes liées aux différentes crises qui ont secoué le monde entier organisé par La Vie Eco (Groupe Caractères)- a permis de maintenir le débat sur des priorités fondamentales à la reprise. Pendant plus de deux heures, Nadia Fettah, ministre de l’économie et des finances s’est prêtée au jeu des questions réponses non seulement des intervenants représentant le monde de l’entreprise mais aussi d’une salle bien attentive. Car les enjeux sont réels. Les détails d’un débat ouvert et spontané.
Le Groupe Caractères, à travers son média historique, La Vie Eco, vient d’ouvrir le bal de son cycle de conférence avec le sujet qui tient en haleine tous les décideurs privés et nationaux.
«Inflation, croissance, contraintes sociales 2023» est en effet la première thématique retenue et qui a été marquée par la présence de la ministre, chargée du portefeuille économique et financier. « Comment sera l’année 2023 ? ». La question est sur toutes les bouches. Et Fadel Agoumi, DG du Groupe Caractères, introduira la thématique en rappelant le contexte difficile que traverse le monde -et le Maroc également-. Baisse du pouvoir d’achat, sécheresse d’un côté, baisse de l’IS et augmentation du budget de l’État, de l’autre … Les solutions envisagées et votées dans la nouvelle loi de Finances viendront-elles pallier le gap et compenser le déficit commercial (creusé par la crise de la pandémie suivie de celle causée par les envolées du carburant impactant directement la logistique et donc les coûts de revient des différentes marchandises) ?
La question a été tournée et retournée sous tous les angles en Conseil de gouvernement -et à plusieurs reprises, il faut dire depuis les prémices d’une relance économique-… mais le débat demeure et les zones d’ombre aussi quant aux bienfaits directs de la nouvelle loi de Finances 2023. « L’année 2023 est déjà là, nous l’avons démarrée, nous l’avons préparée… notre salut est d’agir ». La ministre rassure. Un retour sur tous les indicateurs économiques par son département des études lors du débat le confirmera… Si en effet le Maroc a perdu des points à cause de la crise en Ukraine avec une croissance de l’année dernière, estimée à 1, voire 1,5%, la reprise du secteur touristique et les exportations qui ont fini avec une croissance à deux chiffres l’an dernier devraient contrebalancer l’envolée de la facture énergétique et celle liée aux produits alimentaires. L’économie marocaine a clôturé l’année 2022 avec une inflation de 7% mais certains pays, notamment d’Amérique latine, ont vu cet indicateur atteindre dangereusement les 100 %. Tout est relatif… Et le Maroc a choisi la carte de l’État providence qui a contenu cette inflation. Nadia Fettah le précisera. Et à la question de savoir «si les dépenses en investissements ne sont pas excessives », elle répondra avec la même clarté qu’il s’agit d’une volonté de l’État d’actionner un tel niveau ; le but étant de relancer déjà la croissance. Ce niveau se justifie aussi par l’obligation de répondre aux différentes contraintes sociales. La ministre placera en haut de la liste des priorités la généralisation de l’AMO qui sous-entend la construction de nouveaux établissements de santé. La réforme de la santé détaille cet aspect mais la ministre annonce, déjà, la réussite de ce chantier qui permettra la couverture sanitaire à tous les citoyens marocains. La réforme de l’éducation justifie aussi le niveau des dépenses de l’État, en termes d’investissements, liées notamment à un programme de réhabilitation des établissements scolaires.
Les chantiers sont ouverts. La croissance prévue cette année a été estimée à 4 %. Elle devra être soutenue par la production des céréales évaluée à 75 millions de quintaux. Elle sous-entend une politique de l’eau évidente… Autre priorité de l’année 2023. Même son de cloche du côté du patronat en phase avec le discours du gouvernement… Mehdi Tazi, vice-président de la CGEM, est revenu, en effet, sur le contexte actuel venant perturber la croissance nationale puisque le Maroc dépend de la zone euro. Il saluera le rôle de l’État pour les séries de subventions mises en place de telle sorte à contenir le niveau d’inflation. Et à la question posée ouvertement par le directeur général du Groupe Caractères sur l’augmentation des salaires, le porte-parole de la Confédération affirmera qu’ « elle est conditionnée par la modification du Code du travail »… Un chantier ouvert depuis des années.
La masse de la recette fiscale collectée a été rappelée dans le discours de l’expert-comptable Abdelkader Boukhriss -qui n’est plus à présenter dans le monde de la finance- dans le sens où l’évolution des recettes pourrait à terme être pénalisante pour le développement des entreprises marocaines. L’année 2020 a enregistré 206 milliards de dirhams de recettes fiscales. A fin novembre dernier, cette grandeur a atteint les 264 milliards de dirhams !
Il ne s’agira pas de tirer au maximum sur la fiscalité pour solutionner le problème du déficit budgétaire. El Mehdi Fakir, économiste en finances publiques, le rappellera dans son intervention.
Bref, la politique nationale est claire et a ciblé les secteurs à développer en s’appuyant sur d’autres leviers de rentabilité. Les équilibres ne seront peut-être pas atteints. La fracture sociale persistera encore. Mais l’État misera encore pour lisser les écarts. Son accompagnement est nécessaire dans un contexte aussi volatil et incertain. Cela mérite d’être clair.