Tenu à Dakar le week end dernier, le premier Forum international visant à réduire la fracture entre paysans du Nord et ceux du Sud a réuni 500 représentants des milieux politique, économique, scientifique du monde entier. Une assemblée nombreuse de paysans, d’associations et de représentants de la société civile ont participé aux travaux deux jours durant.
Outre le président sénégalais, Abdoulaye Wade, hôte de l’événement, et son homologue français Jacques Chirac, le Mauritanien, Mouaouya Ould Sidi Ahmed Taya, ainsi que quatre autre chefs d’Etat de la sous-région étaient aussi présents à Dakar.
Le discours de SM le Roi Mohammed VI dont lecture a été faite par SAR Moulay Rachid devant les participants a insisté sur «un ordre international agricole équilibré et viable». Le Souverain a rappelé le défi lancé, en 1967 par le Maroc, en matière de l’eau avec la politique des grands bassins hydrauliques du pays et la construction de plus d’une centaine de barrages et autres ouvrages hydrauliques. Le Royaume a ainsi mis plus de 1,2 million d’hectares sous irrigation, ce qui sécurise 45% de la valeur ajoutée agricole et contribue pour les trois quarts de ses exportations agricoles.
L’exemple de l’agriculture marocaine, et, entre autres, la révolution verte de l’Inde ont servi de plat de résistance aux participants venus de nombreux pays. L’intervention de Jacques Chirac était particulièrement attendue. Celui qui dirige l’un des pays où la subvention publique à l’agriculture est particulièrement visible, a promis une fin progressive de ce système pernicieux pour les agriculteurs du Sud. Mais sans préciser un mode d’emploi.
Sans aller jusqu’à prôner, comme l’a fait Wade, une «diplomatie agricole au service des agriculteurs», le président français a rappelé que l’absence des données agronomiques, démographiques, logistiques ajoutées aux problèmes d’accès à l’eau, constituent l’un des obstacles majeurs au développement de ce secteur socio-économique en Afrique. Un engagement français moindre, estime la presse sénégalaise qui titre «Chirac fracture l’espoir», mais rattrapé par la volonté du représentant de la Grande-Bretagne, la baronne Valérie Amos, qui a déclaré qu’il faut éliminer les subventions élevées aux USA et en Europe pour arriver au commerce équitable et juste. En tout cas, avec 85% de ses échanges agricoles réalisés avec l’UE, l’Afrique ne peut se passer de cet ensemble, son premier client.
Pour sa part,le président mauritanien est revenu sur l’urgence du moment, à savoir le péril acridien : «Il n’existe pas de structures efficientes d’alerte rapide pour faire face aux effets dévastateurs des criquets sur le potentiel agropastoral qui reste une menace latente», a-t-il déclaré.
Bref, entre constats et promesses, le sommet s’est attaché à dénoncer le fonctionnement et l’ inéquation des règles du marché. La plupart des chef d’Etat africains qui se sont exprimés ont posé le problème de la mondialisation des échanges, destructeur de patrimoine agricole pour l’Afrique. Pour le Prince Moulay Rachid, «la solution ne saurait être d’importer à bas prix les productions des pays riches. La mondialisation doit offrir des opportunités de développement des productions par l’amélioration des techniques d’exploitation des pays du Sud».
Au bout du compte, après deux jours de débats, la rencontre s’est achevée sur la présentation de six orientations-clés, pour une équité et un développement durable dans le monde. Ces recommandations en faveur des «actions concrètes», pour reprendre les termes de l’intervention de Mohand Laenser, publiées par l’agence Map, concernent la recherche, le financement du développement agricole, la gestion du foncier, le commerce et la souveraineté alimentaire.
En fait, les thèmes développés lors du Dakar Agricole rejoignent les recommandations du cycle de Doha, devenu porte-parole des pays défavorisés à l’OMC, notamment sur le sujet des règles du commerce agricole international. Les participants se sont donnés, rendez-vous dans deux ans, lors du prochain Dakar Agricole en 2007, pour plancher sur l’évolution des six orientations-clés. En espérant que d’ici-là, le Dakar Agricole ne se transforme en Nepad, un projet qui peine encore à trouver le chemin de la concrétisation.