L’évolution du trafic aérien d’une part, la prévision d’acquisition du porteur Boeing 727 par la compagnie nationale d’autre part, et la pression de l’urbanisation par ailleurs, ont conduit l’Administration marocaine en 1965 à rechercher un nouveau site pour le transfert des activités de l’aéroport de Casablanca-Anfa ; celui-ci avait atteint les limites de sa capacité d’accueil, en raison de la modicité des infrastructures des installations terminales existantes, et de l’impossibilité de procéder in situ aux extensions qu’exigeaient l’activité et la modernisation de la flotte des compagnies aériennes.
La rétrocession en 1963 des bases militaires de Nouasser et de Benslimane offrait alors l’opportunité de réaliser des études en vue de choisir, parmi ces deux plate-formes aéroportuaires, la plus appropriée afin d’y édifier le futur aéroport de la capitale économique du Royaume.
Néanmoins, bien que ces platesformes pouvaient être exploitées immédiatement moyennant des ajustements opérationnels mineurs, l’Administration du moment avait jugé préférable de geler leurs activités et de les garder statiquement sous surveillance, jusqu’à connaissance des conclusions des études.
En effet, si de prime abord l’aéroport de Nouasser semblait avoir suffisamment d’atouts pour être le principal aéroport commercial du Royaume, eu égard à son capital foncier et à ses infrastructures aéronautiques, celui de Benslimane, bien que moins doté, retenait déjà l’attention des décideurs en raison de la préoccupation de ces derniers de satisfaire également le projet de transfert de l’aéroport de la capitale et ce, pour des raisons à la fois opérationnelles et de développement du trafic aérien.
Un aéroport, entre les deux capitales administrative et économique, desservi par une autoroute n’offrait-il pas le schéma idéal qui faisait de Benslimane l’aéroport commun, à moins de quarante minutes des deux villes de Rabat et de Casablanca ?
Sur un autre plan, en optant pour cette solution, l’économie d’échelle réalisable, tant sur le plan des investissements à moyen et long termes, que sur celui des coûts d’exploitations, était de nature à favoriser le choix de la plate-forme de Benslimane. Cependant, la vision à court terme , qui tenait compte des données du moment à savoir : l’enveloppe budgétaire, l’horizon de construction de l’autoroute et le niveau d’équipement en l’état de l’aéroport de Nouasser, avait privilégié de retenir la reconversion de la base de Nouasser pour y accueillir l’activité de l’aéroport de Casablanca-Anfa.
C’était sans compter avec les dégradations intervenues entre-temps, sur les installations, en l’absence d’actions d’entretien et de maintenance, et du fait des actes de piraterie et de vandalisme perpétrés durant la période de gardiennage des installations. Il a donc été nécessaire de rééquiper à neuf l’aéroport de Nouasser, en le dotant prioritairement, des équipements de radiocommunications air-sol et sol-sol, des systèmes de radionavigation et d’aides à l’atterrissage, des réseaux de distribution et de production d’énergie, du balisage lumineux des aires de mouvements d’avions, des liaisons de communications spécialisées et téléphoniques, des bâtiments d’exploitation, etc.
Le réaménagement sommaire d’un hangar avait permis d’y accomplir les formalités de voyage et de différer la construction d’une vraie aérogare « passagers » qui n’a vu le jour qu’en 1980.
Depuis, le secteur du transport aérien dans notre pays a enregistré un essor notoire et a subi des mutations diverses.
Dans ce contexte, la ville de Casablanca a connu une urbanisation galopante et son expansion, subordonnée à la disponibilité du capital foncier, n’autorise plus le maintien des activités aéronautiques secondaires maintenues jusqu’à aujourd’hui à l’aéroport de Casa-Anfa, ces dernières , du reste, pouvaient être transférées sur d’autres aéroports aujourd’hui en déficit d’activité. La réactivation du projet d’aéroport de Benslimane vient à point nommé, encore que, compte tenu de l’importance des investissements envisagés, il importe que les options retenues intègrent, outre les considérations économiques, la nécessité d’apporter des solutions aux préoccupations des autorités, en terme de gestion d’espace aérien terminal et de vision, à long terme, des dessertes aériennes de Casablanca et de Rabat, l’échéance de saturation des plates-formes actuelles étant statistiquement prévisibles.
La mise à niveau de l’aéroport de Benslimane nécessitera les mêmes équipements de bases que ceux qui ont été dédiés à la reconversion de l’ex-base de Nouasser et coûtera probablement aussi cher en dirhams constants. Sur un autre plan, l’urgence qui s’attache à la réalisation de l’opération n’est nullement en conformité avec les délais réalistes que nécessitent les études, l’acquisition des équipements et la réalisation des travaux sur le site.
Les trois mois impartis à l’exécution des différentes prestations du projet ne pourront être respectés à moins de contourner d’une manière ou d’une autre les procédures d’appels d’offres en faisant appel à des prestataires initiés à de telles situations. Sur le plan interne, ce même délai s’avère également contraignant eu égard au temps d’études nécessaires à l’élaboration des procédures d’exploitation de la nouvelle zone de contrôle (CTR) du futur aéroport de Benslimane et la zone terminale (TMA) de Casablanca ainsi que la diffusion des informations aéronautiques réglementaires. A la différence d’autres projets tels que ceux des aéroports d’Alhoceïma, Tetouan, ou Errachidia qui ont été crées dans le seul but de désenclaver certaines localités du Royaume, l’aéroport de Benslimane doit retenir l’attention toute particulière des responsables compte tenu des considérations économiques à court terme et, a priori, de son environnement et de ses capacités à satisfaire les exigences des développements futurs à l’échelon de la région. La spécificité de cette plate-forme aéroportuaire mérite que sa création et son développement soient vérifiés dans le cadre d’une étude de schéma-directeur aéroportuaire qui doit être rapprochée des autres schémas directeurs sectoriels disponibles (Transport, routes, énergies,télécommunications, hydraulique) en vue d’optimiser les orientations et les planifications des projets à venir.
L’aéroport s’identifie désormais à la région dont les infrastructures constituent le support principal de croissance et de pérennité.
L’exemple du bassin méditerranéen est pour le moins édifiant dans ce sens ; sinon comment expliquer que chez nos voisins du Nord, avec deux aéroports rattachés à un réseau routier approprié toute la côte et son arrière-pays connaissent une prospérité soutenue.
C’est le cas de la Costa del sol en Espagne avec Malaga et Barcelone et de la côte d’azur en France avec Marseille et Nice.
Ce n’est point le cas du Nord du Royaume bien que disposant de cinq aéroports entre Tanger et Oujda. Vivement donc que les instances compétentes se saisissent de ce dossier afin de valider avec le professionnalisme requis, les projections retenues, à la lumière des conclusions actualisées le cas échéant, du schéma-directeur aéroportuaire national.
• Par Ahmed Ennaji
Directeur technique de l’ONDA à la retraite