Le dogme d’une élimination à marche forcée des déficits a été brisé ce week-end dans la zone euro, ouvrant la voie à une interprétation plus souple du pacte de stabilité afin de stimuler la croissance. Les ministres des Finances des quinze ont dû se rendre à la réalité des chiffres lors de leur réunion informelle de Copenhague: l’activité économique, qui aurait dû reprendre du poil de la bête à partir de cet été, est anémique.
La croissance de la zone euro, que les prévisions de printemps de la Commission Européenne évaluaient à 1,4% en 2002 et à 2,9% en 2003, sera cette année inférieure à 10% et la reprise économique tant attendue est reportée à 2003.
Le scénario pour l’économie mondiale est moins rose que nous ne l’avions prédit au printemps, a soupiré Pedro Solbes, le commissaire européen aux affaires économiques et financières. Et le pire est peut-être à venir: la crise boursière et les bruits de botte en Irak ont incité les quinze à faire preuve d’une prudence extrême sur les possibilités de reprise et ce, d’autant plus que la Banque centrale européenne (BCE) n’entend pas baisser rapidement ses taux pour soutenir l’activité. Malgré ces mauvaises nouvelles, les huit pays de la zone euro qui ont profité des années de vaches grasses pour éliminer leurs déficits budgétaires ont continué à réciter le catéchisme de l’euro lors de la réunion informelle de Copenhague.
Il est à la fois réaliste et nécessaire d’atteindre une position budgétaire proche de l’équilibre en 2004, a insisté Nikolaos Christodoulakis, ministre grec des Finances et actuel président de l’Eurogroupe, le forum de la zone euro.
Mais quand la France, l’Allemagne, l’Italie et le Portugal, soit plus de 75% de la zone euro, frôlent, voire dépassent, en 2002 la barre fatidique de 3% du PIB pour le déficit, il y a une limite à ce que la méthode coué peut réaliser. Avec une croissance aussi molle, il n’y a pratiquement aucune chance que l’Allemagne et la France puissent éliminer ou réduire à presque rien leur déficit public dès 2004. «Le cap, tous les pays le partagent», mais «il y a des moments où c’est plus difficile que d’autres» et «peut-être qu’on arrivera à la conclusion que ce n’est pas 2004», a-t-il ajouté en prônant que l’on s’attache «à l’esprit», et non «à la lettre de l’accord sur les déficits. En février dernier, le ministre allemand des Finances, Hans Eichel, avait demandé un report de l’échéance à 2006.
Pour éviter un « avertissement » sur l’ampleur de son déficit, le grand argentier allemand avait accepté de réciter le credo de l’eurogroupe et de donner l’assurance qu’il y parviendrait en 2004 … si la croissance atteignait 2,5% en 2003 et 2004.