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Développement de l’amont, un gage de compétitivité pour le textile national

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Entretien avec Karim Tazi, président de l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (Amith)

ALM : L’industrie textile marocaine souffre de l’absence de l’amont. Pourquoi le Maroc n’arrive-t-il pas encore à se doter d’une filière d’amont à même d’alimenter l’industrie de l’habillement en matière première ou encore de filières pour les accessoires ?

Karim Tazi : Historiquement l’amont textile ne s’est développé que dans les pays où il y a eu un investissement massif des pouvoirs publics. C’était le cas en Europe au début du siècle dernier, c’est le cas plus récemment en Corée du Sud, en Chine, en Inde et en Turquie. Il faut savoir que l’investissement dans l’amont reste très capitalistique et très vorace en énergie et en foncier. Les pays dont les coûts de facteurs en plus de l’amortissement sont élevés ont peu de chance de développer leur secteur amont ou de capter des investisseurs internationaux. L’autre variable primordiale est le taux d’utilisation des capacités. Un pays comme le Maroc qui utilise ses capacités d’amont entre 60 et 65% a très peu de chance d’être compétitif avec ceux qui tournent 365 jours sur 365 à plein régime, c’est logique. Si l’on s’accorde aujourd’hui sur les vertus d’avoir un amont national étant donné ses effets bénéfiques sur l’ensemble des écosystèmes textiles, l’unique moyen pour le développer est tributaire de la volonté des pouvoirs publics d’amorcer sa création et d’accompagner sa montée en charge.

Pourquoi les entreprises marocaines tardent-elles à saisir les opportunités que leur offre le marché américain aujourd’hui à leur portée en vertu de l’accord de libre-échange ?

Cette question est intimement liée à la première question. Pour bénéficier de l’exonération des droits de douane sur le marché américain avec lequel nous sommes liés par un accord de libre-échange, un produit fini marocain devrait être fabriqué à partir de fils marocain et subit un tissage au Maroc en plus d’être confectionné au Maroc. A de très rares exceptions (ex : denim), la règle du yarn forward dite règle de triple transformation constitue un seuil infranchissable pour l’exportateur marocain du secteur. Sur les marchés de l’Union européenne où les règles d’origine sont réputées contraignantes pour nos exportateurs, ils ne sont soumis qu’à la double transformation c’est dire toute l’ampleur de la difficulté. La seule alternative c’est de développer au Maroc des unités d’amont comme évoqué précédemment ainsi qu’un nouveau type d’acteurs les locomotives grande vitesse qui, en prescrivant le tissu et les modèles, constituent véritablement le maillon manquant de la chaîne avec les distributeurs de n’importe quel marché. Le développement de LGV est un modèle qui a fait ses preuves en Turquie et en Chine et a constitué le véritable booster de toute la filière industrielle dans ces pays.

Si les produits de contrebande arrivent à se placer sur le marché domestique c’est peut-être aussi parce que c’est un marché de prix et que les entreprises marocaines ne sont pas suffisamment outillées pour proposer des prix bas ou qu’elles préfèrent l’export plus rémunérateur ?

Ce n’est pas une histoire de marché de prix uniquement, la preuve est donnée chaque jour par certains acteurs de produits dits traditionnels type pyjamas ou djellabas qui ont su développer un véritable écosystème autour de ces produits et arrivent à proposer aux consommateurs marocains une grande variété de produits à des prix plus compétitifs que les produits de contrebande. À partir de cet exemple, quel enseignement peut-on en tirer ? Le facteur déterminant n’est pas tellement l’offre, les acteurs marocains ont les savoir-faire nécessaires, le problème qui se pose en termes d’absence de fiscalité pour les produits de contrebande. Si les acteurs marocains bénéficiaient des mêmes conditions (même fiscalité), comme pour Les pyjamas et les djellabas, ils seraient en mesure d’avoir une position dominante sur le marché local.

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