Le débat s’est articulé autour de plusieurs axes dont la mobilisation de l’eau ainsi que sa gestion et sa rationalisation. L’occasion étant également d’établir un état des lieux de la situation hydrique au niveau national.
Stress hydrique : La problématique de l’eau était au cœur de la conférence-débat organisée par Aujourd’hui Le Maroc. L’occasion d’impliquer l’ensemble des opérateurs dans la quête de solutions innovantes en vue de contourner les effets de la raréfaction de l’eau.
L’équation de l’eau s’avère complexe à l’heure actuelle. Les déficits successifs et la surexploitation des nappes souterraines placent le Maroc dans le rouge. Le Royaume, qui fait face ces 5 dernières années à une très forte vague de sécheresse, se dirige droit vers une pénurie d’eau. Une situation qui menace les différentes stratégies sectorielles mises en place et par conséquent la souveraineté hydrique et alimentaire du pays. Ce constat a été établi lors de la récente conférence-débat organisée par Aujourd’hui Le Maroc.
La filiale du Groupe Caractères a choisi de débattre de cette problématique inhérente au développement économique et social du Maroc en impliquant l’ensemble des opérateurs dans la quête de solutions innovantes en vue de contourner les effets de la raréfaction de cette ressource vitale. Le débat s’est ainsi articulé autour de plusieurs axes dont la mobilisation de l’eau ainsi que sa gestion et sa rationalisation. L’occasion étant également d’établir un état des lieux de la situation hydrique au niveau national et de lister les chantiers prioritaires engagés par l’Exécutif et ce sous Hautes orientations royales.
Une situation qui ne cesse de s’aggraver
Intervenant dans ce sens, Nizar Baraka, ministre de l’équipement et de l’eau, a tiré la sonnette d’alarme quant à une pénurie d’eau à l’horizon 2030. «Le stress hydrique s’accélère ces dernières années. Les barrages n’ont pas dépassé le seuil maximum de 35% alors qu’il y a 4 ans on était à 50%». Et de poursuivre : «Nous nous orientons vers la pénurie hydrique puisque nous allons atteindre à l’horizon 2030 l’équivalent de 500 mètres cubes par habitant par an».
En effet, la moyenne de la dotation en eau ne cesse de reculer. Chronologiquement, le Maroc est passé d’une dotation de 2.560 m³ par an par habitant en 1960 à 731 m³ en 2005 pour revenir à 645 m³ en 2015. Actuellement, la dotation par habitant est estimée à 606 m³ par an.
«Il est à souligner que ces chiffres correspondent à une moyenne et chaque moyenne cache beaucoup d’inégalités. Dans ce cadre, il faut rappeler déjà au niveau du Sud de notre pays que nous sommes à 100 m3 par habitant au moment où dans le Nord nous nous situons à plus de 1.000 m3 par habitant», indique le ministre.
Autre chiffre éloquent, celui de la réduction conséquente du potentiel de mobilisation. Il est passé de 22 milliards m3 à 14 milliards m3. Ces chiffres démontrent la gravité de la situation qui s’accentue davantage avec les aléas du changement climatique auxquels est exposé le pays. «Nous vivons actuellement 5 années de sécheresse. L’année la plus difficile a été celle de 2021-2022. Nous avons vécu un véritable choc l’année dernière durant laquelle nous avons eu un recul important des précipitations et encore plus grave, une baisse de 85% de l’enneigement, ce qui a engendré une baisse importante des apports en eau», peut-on retenir du ministre.
Et de préciser que «l’apport en eau enregistré l’année dernière n’a pas dépassé les 1.989.000 m3. Pour donner un ordre de grandeur, cette année nous sommes autour de 3,4 milliards m3, soit un déficit de 83% par rapport à l’apport moyen et de 62% comparé à 2020-2021».
Les défis liés à l’eau
Tenant compte de cette situation alarmante, Nizar Baraka a énuméré les défis à relever à l’avenir.
Le changement climatique arrive en première position suivi de la demande croissante en matière d’utilisation de l’eau suite à la dynamique d’urbanisation ou encore l’augmentation des surfaces irriguées et le développement industriel. A cela s’ajoute la surexploitation des ressources en eau souterraine. «Aujourd’hui, nous n’avions pas de réserves comme par le passé, notamment les années 80 qui ont été également marquées par la sécheresse. Nous avons fait des forages mais nous n’avons pas réussi à trouver de l’eau pour répondre aux besoins. C’est une situation qui complique encore plus la tâche», estime M. Baraka. Parmi les défis listés on cite également la problématique de la pollution de l’eau sans parler de l’envasement des retenues des barrages.
Une ère de rupture
Il est à noter que le Maroc, selon les prévisions d’institutions mondiales, est appelé à perdre à l’avenir environ 50% de ses ressources en eau. «Ceci montre que nous nous inscrivons dans une logique nouvelle. Il faut une véritable rupture si l’on veut être au rendez-vous avec l’histoire pour faire face à cette situation», souligne le ministre lors de son intervention.
La rupture, selon Nizar Baraka, est incarnée par la mise en place d’un processus qui consiste en la mobilisation de l’eau en mettant l’accent davantage sur les eaux non conventionnelles, l’économie d’eau, l’efficience hydrique et le changement climatique. La rupture est également illustrée dans le fait de dédier toute une politique pour la préservation des eaux, notamment au niveau des nappes souterraines, ainsi que de passer d’une logique centrale à une logique territoriale.
Vers une vision intégrée et coordonnée
Dans sa gestion de la problématique de l’eau, le Maroc s’est montré proactif. Un travail d’anticipation a été initié et ce sous Hautes directives royales. Le Souverain fait, en effet, de cette question une priorité nationale traçant la voie à une vision intégrée et coordonnée. «Le modèle sur lequel était basée la stratégie de l’eau par le passé s’appuyait sur des chiffres qui sont largement en dessous de la réalité d’aujourd’hui. C’est ce qui rend les choses plus complexes», peut-on relever de M. Baraka.
La complexité réside, selon le ministre, dans le fait que 51% des apports en eau sont focalisés dans 7,4% du territoire essentiellement dans le Loukkos et le Sebou. «Cette répartition rend les inégalités assez importantes. D’où la nécessité d’introduire la territorialité dans la vision stratégique dédiée à l’eau. C’est l’axe fondamental dans lequel nous nous inscrivons», précise le ministre.
La feuille de route tracée par le Souverain insiste sur l’accélération de la réalisation du programme national prioritaire de l’eau 2022-2027. Il s’agit également d’accélérer la mise en place des barrages programmés et surtout de mettre en place l’interconnexion entre les bassins qui se veut un élément clé de cette vision. Les Hautes orientations royales en matière de lutte contre le stress hydrique font également du dessalement de l’eau un pilier et ce au même titre que la réutilisation des eaux usées et de développer tout ce qui peut favoriser l’économie d’eau aussi bien en termes d’irrigation que d’efficacité hydrique. L’accent est, aussi, mis sur la réduction de la surexploitation des eaux souterraines et la préservation des nappes phréatiques.
L’heure est à l’action
Pour Nizar Baraka, l’heure est à l action. «Nous avons besoin d’agir. Pour ce faire, nous avons besoin de décrets d’application pour que cette feuille de route soit implémentée. Il s’agit de faire les amendements nécessaires pour répondre aux problématiques soulevées dans la pratique et encourager l’innovation pour que la population soit sensibilisée», peut-on retenir de M. Baraka.
Le ministre a annoncé, à cette occasion, le lancement d’une nouvelle plate forme qui appelle les associations, les entreprises et les jeunes porteurs de projets, notamment les start-up, à venir participer et montrer comment l’on peut économiser de l’eau et la produire autrement pour pouvoir répondre aux besoins des populations.
Nizar Baraka a, dans ce sens, invité les ministères et les grandes entreprises à travers leurs actions à donner des modèles de réussite. «La question de l’eau est l’affaire de tous. On y arrivera ensemble lorsqu’on s’inscrit dans une logique de bonne volonté et de mobilisation partagée», conclut le ministre.
Pour Nizar baraka, «nous nous orientons vers la pénurie hydrique puisque nous allons atteindre à l’horizon 2030 l’équivalent de 500 mètres cubes par habitant par an». (CHAFIK ARICH)
Infrastructures hydrauliques et usages : Les principales réalisations
Acquis
Le Maroc capitalise dans sa gestion de la problématique de l’eau sur les acquis du passé. En effet, plusieurs réalisations ont été accomplies aussi bien en infrastructures hydrauliques qu’en usages. Pour la partie infrastructures hydrauliques, 152 grands barrages ont été réalisés d’une capacité totale de 19,9 milliards m3. De même, 18 grands barrages sont en cours de construction, soit l’équivalent de 6 milliards m3. On retient également la réalisation de 136 petits barrages en vue de soutenir et d’accompagner le développement local, la recherche des nappes ainsi que la protection contre les inondations. Parmi les réalisations, on note 16 systèmes de dérivation et de transfert d’eau depuis des forages pour exploiter les eaux souterraines ainsi que 158 stations d’épuration des eaux. Notons que le Maroc dispose de 12 usines de dessalement de l’eau de mer portant sur une capacité de 179,3 m3 par an sans oublier le cadre réglementaire adapté à la gestion intégrée des ressources en eau. Pour ce qui est des usagers, il a été procédé à la généralisation de l’accès à l’eau potable et l’accompagnement du développement industriel et touristique. De même, plus de 2 millions d’hectares ont été irrigués dont 705.000 hectares par irrigation localisée. La puissance hydraulique installée s’élève quant à elle à 2.120 mégawatts. On relève également le traitement de plus de 250 points inondables. Cette mesure s’inscrit dans le cadre des actions engagées pour la protection contre les inondations.
Stress hydrique et eau potable : Les mesures d’urgence
2,3 MMDHt
Ce montant est mobilisé pour faire face à la raréfaction de l’eau au niveau des bassins de Moulouya, Oum Rabii, Tensift et la région du Drâa-Tafilalet.
4,27 MMDH
Cette enveloppe servira à réaliser les 129 petits barrages programmés
4,31 MMDH
Il s’agit du montant alloué pour renforcer l’accès à l’eau potable dans le monde rural
1,57 MMDH
Ce montant s’inscrit dans le cadre du programme complémentaire signé en avril 2022 pour l’achat de monoblocs de dessalement et de déminéralisation des eaux saumâtres et de camions-citernes.
ALM a choisi de débattre de cette problématique inhérente au développement économique et social du Maroc en impliquant l’ensemble des opérateurs dans la quête de solutions innovantes en vue de contourner les effets de la raréfaction de cette ressource vitale. (CHAFIK ARICH)
Zoom sur la situation hydrique actuelle
Bilan
Les précipitations moyennes enregistrées durant la période du 1-9-2022 au 24-5-2023 sur l’ensemble du Royaume ont varié de 31,5 mm à 372 mm avec un maximum cumulé de 2.038 mm au niveau du poste de Jbel Oudka dans le bassin de Sebou. Le volume global des apports d’eau enregistré au niveau de l’ensemble des grands barrages du Royaume est évalué à 3,16 milliards m3. Ces apports sont excédentaires de 92% par rapport aux apports de l’année précédente. Par ailleurs les réserves disponibles au niveau des retenues des barrages au 24 mai 2023 sont de l’ordre de 5,2 milliards m3, soit un taux de remplissage de 32,3% contre 33,5 % l’année dernière.