Economie

Elle a trouvé chaussure à son pied

© D.R

Femme chef d’entreprise ! Plutôt rare au Maroc et dans le monde arabe. Pourtant Smahane Bousouita n’est nullement une privilégiée. Elle n’a pas fait le Lyautey. C’est la fille de monsieur tout le monde, qui a suivi un chemin des plus ordinaires jusqu’à son fauteuil de directeur d’une entreprise qui emploie aujourd’hui 160 personnes à Mohamedia.
Dans son parcours, aucune trace d’une université étrangère. Ni Sorbonne ni Oxford. C’est une marocaine tout court, qui a étudié au Maroc et qui est aujourd’hui, dans la ville des fleurs, une femme qui ne passe pas inaperçue.
Elle a récemment occupé l’actualité de la belle cité en intégrant la Chambre de Commerce locale. Fait d’armes anecdotique, c’est une première dans le monde arabo-musulman. Pourtant rien ne prédestinait cette jeune fille à une telle ascension. Quoique, avoue-t-elle, elle a toujours rêvé de «faire comme les garçons», de bien étudier et de réussir sa vie. Pas, comme le voulait la mentalité de l’époque (il en subsiste encore des réminiscences), en cherchant le providentiel mari parfait, riche, de bonne moralité etc. Mais en y arrivant elle même. Pari presque impossible dans une petite ville où généralement les traditions sont vivaces et où les jeunes filles passaient l’été dans l’attente stressante d’une demande de mariage. «Je suis fille d’un fonctionnaire et d’une femme de foyer», dit-elle avec fierté. Fille unique, mais pas hyper chouchoutée. Seulement studieuse. A la petite école de Jacques Hersent et au collège Ibn Yassin, elle ne passe pas inaperçue, collectionnant les tableaux d’honneur et les distinctions, en donnant du fil à retordre à de jeunes garçons de sa classe, notamment en mathématiques et en français. Son passage à la faculté de Mohammedia est marqué par une rencontre déterminante : celle de Aziza Benani, première femme doyenne de faculté au Maroc. Une dame réputée pour son goût de l’ordre et dont la réputation de dame de fer était bien établie. Pour Smahane Bousouita, c’était aussi la rencontre avec son modèle à elle, ce qu’elle voulait devenir.
Son bac littéraire en poche, elle poursuit sur la même lancée et décroche une licence en littérature française puis intègre une école de marketing.
Après les études, commence la dure bataille de l’emploi. L’ex petite élève de l’école Jacques Hersant travaille dans la confection, en accédant du coup à un poste de responsabilité. Occasion de constater de visu que la tâche n’est pas facile pour une femme. Donner des ordres à des ouvriers souvent convaincus que la place de la femme est à la maison, requiert certaines ressources. La jeune femme va au charbon, parle, explique.
Finalement, la greffe prend. Carrière sans histoires. Puis, un jour, l’ennui ! Répéter les mêmes tâches, rédiger les mêmes rapports…La jeune fille a envie de décoller. Voler de ses propres ailes. Voilà la nouvelle qu’elle annonce à ses parents en 2001. Le père est plutôt sceptique. «C’est difficile pour une femme! »
Habituée à prendre des décisions, elle passe à l’exécution. Sa fabrique de chaussures démarre avec cinq employés et des connaissances assez vagues du marché de la chaussure. Sa persévérance est à l’origine de 160 emplois dans sa ville, début 2004. Autant de familles et, au bout, une belle expérience, un objectif atteint. Mais aussi, une tunique de femme d’affaires, souvent pesante et difficile à porter.
Pour Smahane Bousouita, il faut avoir un calendrier dans la vie. Aimer les affaires ne l’a pas détournée pour autant des fourneaux. «J’aide ma mère», dit-elle. Son temps libre est consacré aussi à l’Association des femmes démunies, avec Mme Belkhayat. Mais, malgré son statut, Smahane Bousouita garde une attitude circonspecte vis-à-vis de certaines thèses ultra-féministes. : « Pour moi, clame-t-elle, un homme doit rester un homme et une femme, une femme. On construit une famille sur une base.
L’égalité c’est dans le domaine du travail». Bien sûr que, si elle décide de fonder famille un jour, elle laissera à son mari le choix de mettre ou non la main à la pâte dans les tâches ménagères. «Il ne faut pas faire du partage des rôles à ce niveau une fixation»
Bref, «nous avons nos valeurs»!, avance la femme chef d’entreprise, par ailleurs très franche sur le port du foulard (à chacun sa personnalité), hésitante sur l’attitude à prendre envers un mari qui lui imposerait des horaires, mais assez objective sur le nouveau code de la famille. «C’est une bonne chose.
Pour moi, le plus important c’est la clarification apportée sur le sort des enfants après le divorce. C’est là qu’il y a eu évolution». Et de conclure par ce proverbe marocain: «A chacun son métier et les vaches seront bien gardées» !

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