Economie

Enjeux stratégiques pour la marque marocaine

De ma place de cadre en marketing j’observe un certain retard dans la prise de conscience de nos patrons de PME/PMI en matière de gestion et développement de leurs marques. Sur la base de ce constat, je fais l’hypothèse qu’une modification du modèle de gestion de la marque marocaine, via l’introduction des méthodes et moyens du marketing, peut entraîner un changement significatif dans sa relation avec son marché. Mon souci est de saisir ce phénomène incontournable de « la globalisation des marques » comme une opportunité de re-questionner les pratiques de gestion de la marque marocaine du XXIème siècle. C’est essentiellement sur la dynamique de changement que peut provoquer un concept marketing pour la marque marocaine dans toute sa globalité, que je focalise mon attention: Repérage médiatique (publicité), repérage physique visuel (packaging), acquisition (merchandising), appropriation (valeur ajoutée produit), authentification et service après vente (garantie de qualité), fidélisation (satisfaction au produit).
La marque est devenue l’une des principales armes dans la lutte commerciale pour la domination des marchés. Désormais dans le système économique actuel, les marques prennent une valeur considérable. Selon une étude récente publiée par Financial World la marque «Coca-Cola» par exemple est évaluée à 50 milliards $.
Aujourd’hui tout le monde s’accorde à dire que la marque est «le moteur de la compétitivité des entreprises». Et comme le souligne si bien S. King (WPP Group) «A product can be copied by a competitor, a brand is unique». Au niveau macro-économique, les marques fortes font les économies fortes. La concurrence internationale favorise les pays dont l’industrie et les services s’ancrent sur des marques établies qui deviennent des atouts pour la compétition internationale. En effet tous les grands groupes multinationaux donnent priorité à la globalisation des marques. Cette globalisation est génératrice de valeur : réduction des coûts, exploitation d’opportunités (ex. : sponsoring d’événements mondiaux tels que Jeux olympiques, Coupe du monde de football, etc.).
Toutefois, selon J. N. Kapferer (expert international de la marque), il est faux de penser que les marques locales sont sans intérêt. Au contraire, il est pertinent de les exploiter à condition de les rajeunir (design, logo, nouveaux formats de produits, messages publicitaires…) tout en respectant leur identité profonde. Quand elles sont leaders sur leur marché, les marques locales génèrent de la valeur.
Analyser les enjeux stratégiques pour la marque marocaine est d’autant plus urgent aujourd’hui, car le centre de gravité économique se déplace des pays développés vers les pays en développement. Le marché marocain -comme dans tous les pays émergents- se distingue par la phase de croissance de son économie et l’abondance des marques internationales qui y sont présentes. On constate malgré tout que durant ces cinq dernières années de plus en plus de marques locales (Jaouda, Ice, Wash, Top’s, Maxy’s…) ont fait leur apparition sur le marché et tentent de devenir des compétiteurs aux marques internationales dans leur segments respectifs. Leur expérience sur le marché est certes encore trop courte pour confirmer leur réussite, car bâtir une marque forte est conditionnée par deux variables le temps et l’investissement qui lui est accordé.
Partant du fait que la marque reste souvent le seul repère auquel le consommateur peut se rattacher. Ce repère que pourra créer une marque -grâce à un design adapté (logo, chartre graphique, couleurs…)- dans l’esprit des consommateurs est encore plus important dans le contexte du marché marocain, où l’analphabétisme touche 48% de la population (12 millions de personnes dont 62% des femmes et 34% d’hommes et 52% de la population active est analphabète) avec une différence significative entre le rural et l’urbain. Les marques qui ont réussi à percer dans cette frange importante de consommateurs sont celles dont le repérage visuel, sonore, et phonétique est le plus pertinent et en phase avec leurs émotions. Ce phénomène d’analphabétisme couplé au poids de la distribution traditionnelle -avec toutes ses contraintes pour la visibilité de la marque en magasin- confirme que le chantier de création de marques nationales sans stratégies orientées vers cette catégorie de consommateurs et distributeurs ne peut à terme que conduire son créateur vers une inertie dangereuse pour l’avenir de son entreprise. L’autre variable qui doit être prise en compte dans la compétition des marques au niveau du marché marocain, c’est le poids du jeune consommateur. En effet les enfants et les jeunes représentent plus de 30% de la population totale soit plus de neuf millions de consommateurs ou prescripteurs. Sachant pertinemment que les études portant sur le comportement des jeunes et des enfants face à la marque confirment que l’enfant est capable de façon très précoce de mémoriser des informations non verbales sur les marques qui permettront son identification au point de vente. Il est pertinent de rappeler à nos industriels que les mêmes études concluent qu’aujourd’hui qu’achats et prescriptions enfantines sont formulées de façon très précise en termes de marque.

• Jawad Ouaziz
Master en Marketing, Management & Communication ESC Toulouse

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