Economie

Entrepreneuriat féminin: Leila Myara, militante jusqu’au bout de son mandat

© D.R

Les résultats sont en effet satisfaisants. Le nombre d’adhérentes à l’AFEM s’établit au terme du mandat 2012-2015 à 600. 250 nouveaux membres ont été recensés. Le plan d’action laisse présager des développements certains pour renforcer la position de l’AFEM tant sur l’échiquier national qu’international. Reste que les difficultés rencontrées par les femmes chefs d’entreprises sont encore de taille. Les contraintes et les difficultés freinant l’entrepreneuriat féminin demeurent importantes et sont essentiellement liées aux mentalités, à l’accès au marché et à la vie familiale. Les résultats de la dernière enquête commandée au cabinet d’études LMS-CSA ont révèlé la teneur et détaillent le profil de la femme chef d’entreprise.

Leila Myara, présidente sortante de l’AFEM.

Le mandat de Leila Myara à la tête de l’AFEM vient de s’achever en avril. Et c’est Asmaa Morine Azzouzi, membre de cette ONG depuis 10 ans, qui va prendre la relève.
Pour rappel, Leila Myara est ingénieur des ponts et chaussées et directrice de publication d’un magazine d’architecture. Elle milite depuis plusieurs années pour la cause de la femme et sa présidence a été l’occasion de mettre en action non seulement des idées nouvelles mais aussi développer ce que ses précurseurs ont bâti.

Toujours est-il que trois années de mandat demeurent courtes et Leila Myara aurait souhaité que le rythme de création estimé aujourd’hui à 100 entreprises par année passe à 300 !
L’heure était au bilan des actions de l’Association mais aussi à la présentation de la dernière étude sur l’entrepreneuriat au féminin élaborée par le cabinet LMS-CSA. Cette étude effectuée sur un échantillon de 400 femmes- pas forcément membres de l’AFEM et évoluant sur tout le territoire national- a permis d’établir un benchmarking avec l’étude effectuée, en 2004, par le même cabinet d’études marketing. «Cette étude a eu comme finalité de prendre une seconde photo pour mettre en exergue l’évolution de l’entrepreneuriat au féminin», confirme, à juste titre, M.Abdendi Louirti, administrateur et consultant à LMS-CSA.

Les principaux résultats

Les premières investigations ont permis de conclure que l’âge de l’entrepreneuriat chez la femme varie toujours entre 35 et 54 ans, à l’instar des résultats de l’étude de 2004. Dans les 75%, ces femmes chefs d’entreprises sont mariées. Elles étaient 71% en 2004… Pour 86% d’entre elles, elles ont au moins un enfant. En 2014, elles étaient 78% à être chef d’entreprise et mère.

Concernant le niveau d’éducation, 9 femmes sur 10 ont effectué un niveau d’études supérieures. Ce critère a évolué favorablement de 25 points par rapport à 2004. La grande diversité dans le parcours de formation et le passage au salariat avant l’entrepreneuriat ; ceux sont également deux tendances qui ont découlé de l’étude. «Concernant les facteurs déclencheurs, pour une majorité des femmes, le déclic s’est effectué après avoir eu un enfant ou avoir subi un conflit avec son ancien employé», explique le consultant. Les motivations qui ressortent, par ailleurs, sont le désir d’indépendance, le goût du risque et du défi et la volonté de développer un métier.

«Le salariat est parfois considéré comme un tremplin, un moyen de faire ses armes et de capitaliser une expérience avec dès le départ la finalité de s’installer à son compte. Pour d’autres, le salariat était le premier objectif et l’option de création d’entreprise est apparue par la suite». L’étude a révélé aussi que les femmes chefs d’entreprises sont installées le plus souvent sur l’axe Casa/Rabat. De gros efforts restant à faire dans les autres régions surtout dans le cadre du processus de régionalisation avancée. Le profil des entreprises a été aussi identifié. «Les femmes chefs d’entreprises créent surtout des SARL, évoluant dans les services sur l’axe Casa/Rabat. Leur effectif ne dépasse par les 10 salariés et le chiffre d’affaires les 4 MDH».

Dans la plupart des cas, les initiatives de création d’entreprises sont individuelles. 3 fois sur 4, elles sont associées au capital, précise le porteur de l’étude. Les moyens mis en œuvres ont également été identifiés à l’issue de l’étude. «Les femmes chefs d’entreprises comptent soit sur elles- même, soit sur la famille, soit sur les réseaux sociaux ou bien sur le soutien associatif».
Les contraintes et les difficultés freinant l’entrepreneuriat féminin demeurent importantes et sont essentiellement liées aux mentalités, à l’accès au marché et à la vie familiale. La femme souffre encore de manque du crédibilité dans le business. Les mentalités restent, par ailleurs, en décalage total avec le développement de l’entrepreneuriat féminin. En revanche, les procédures administratives et l’accès au financement sont deux paramètres qui se sont améliorés, qu’il s’agisse de la gent féminine que masculine.

Les détails de l’étude permettront également à la prochaine équipe de bâtir sur la base des séries de recommandations recensées par le cabinet une stratégie claire et précise. Les attentes sont, en tout cas, à ce niveau car il s’agira d’apporter du conseil en gestion pour aider les femmes dirigeantes, mais aussi les accompagner en matière de ressources humaines et marketing. La facilitation de l’accès au financement est un critère qui a, toutefois, baissé par rapport à 2004. Ce trend laisse présager que la nouvelle équipe œvrera dans ce sens pour apporter le soutien nécessaire aux femmes chefs d’entreprises qui souhaitent un concours bancaire.

L’heure est au bilan…

Les chantiers futurs sont vastes. La présidente sortante a tenu à faire le bilan de son mandat à la tête de l’AFEM car les actions étaient nombreuses et les avancées grandes. Leila Myara ne se gardera pas de cacher son amertume par rapport à la politique genre menée par le gouvernement qui ne permet pas du tout de conférer à la femme la place de choix qu’elle mérite sur l’échiquier économique. Le lobbying à faire dans ce sens est essentiel. La business-woman le fera remarquer à plusieurs reprises lors de son discours. «Le Conseil consultatif de la parité n’a rien changé à la condition de la femme.

Nous avons besoin de mobiliser pour mettre en œuvre une stratégie du genre dans l’entrepreneuriat de la manière la plus efficace. Imposer des crèches dans les entreprises qui dépassent les 50 salariés est aussi une action nécessaire car cet élément représente un frein de taille pour la femme en activité professionnelle. L’employabilité a en effet reculé de 2 points par rapport à 2013 passant de 25% à 23%, ce qui ne fait que conforter ce fait». Fortement engagée dans sa mission, Leila Myara ne mâche pas ses mots. «Rien n’a été fait sur le plan de la fiscalité pour encourager l’entrepreneuriat au féminin. Il n’existe pas de fonds d’investissement dédié à cette fin. Aucune loi ne régit cette parité donc les actions ne peuvent pas être coercitives», déplore-t-elle.

La reconnaissance de l’ONG a été pourtant faite par le Souverain et a été citée dans un discours royal lors de la 61ème édition du FCEM World Congres tenu à Marrakech le 27 septembre 2013.
Lors de ce mandat, quatre axes stratégiques ont été retenus pour développer l’Association. Le bureau s’est fixé comme mission de renforcer les services aux membres, la création de l’entreprise et l’innovation. L’accompagnement de la régionalisation avancée et le poids de l’AFEM dans la prise de décision ont également été les deux autres priorités.
L’ONG compte 250 nouvelles adhérentes entre 2012 et 2015 portant leur nombre à 600, soit une progression de 100 adhésions par an. Le nombre d’incubateurs est passé de 2 en 2012 à 6 en 2015.

Les membres du bureau ont développé 13 nouveaux projets pour entretenir leur lobbying et leur visibilité tant à l’échelon national qu’international. «Nos activités ne se résument pas à des actions ponctuelles mais plutôt à des projets globaux», argumente Mme Myara. Les différentes rencontres nationales et internationales ont permis de renforcer, en effet, la notoriété de l’association, certifiée Iso 9001, depuis 2008. L’AFEM siège, ainsi, dans 12 institutions nationales et internationales. 31 conventions ont été signées lors de ces trois années. Un rapprochement avec les femmes entrepreneurs vietnamiennes et coréennes s’ajoute à l’actif du bureau sortant. Une convention avec les femmes entrepreneurs russes est en cours de signature.
Et pour faciliter l’obtention du visa, une convention avec l’ambassade des Pays-Bas a été signée. Pour ce qui est du programme Nucleus, la présidente le présente comme un concept basé sur des regroupements de femmes qui travaillent dans la même activité.

Le but étant le partage des expériences. Le modèle a déjà été expérimenté en Argentine et repose sur l’accompagnement de ces femmes chefs d’entreprises par un facilitateur. Leurs rencontres sont généralement programmées une fois par semaine. 120 heures de travail ont été réalisées dans ce domaine. Elles se sont réunies en association et ont pu remporter des marchés à travers l’ANPME et la BIRD.     

Formation de femmes dans le domaine syndical, en matière de médiation commerciale, participation à la caravane de l’export représentent également des actions à mettre à l’actif de l’AFEM lors de ce mandat. 19 médiatrices ont été formées par le biais du CEMA avec lequel l’AFEM a signé une convention de partenariat.

Un club d’anglais a été mis en place et a concerné 37 bénéficiaires. «Nous avons signé avec Maroc Export pour augmenter la participation des femmes chefs d’entreprise qui souhaitent développer leur activité à l’export. Un atelier de sensibilisation a été organisé et a concerné 60 participantes», poursuit- elle.
Autre projet développé lors de ce mandat triennal : le CFA, qui consiste à la formation de stagiaires en vue de les intégrer dans le monde du travail et leur garantir à terme un travail. «200 stagiaires ont bénéficié de ce programme qui s’inscrit dans une action citoyenne avant tout», précise l’ingénieure en Ponts et Chaussées.

Confiante en l’avenir, Mme Myara préconisera de passer de l’incubation à l’accélération. Cette période qui était fixée à 18 mois passe à 6 mois pour permettre d’avoir davantage de bénéficiaires. Pour compenser, l’organisation de week-end startup a été retenue.

Dans la même optique, la signature d’une convention avec la Cloud Startup Academy, 40 jeunes femmes marocaines ont été accompagnées pendant un mois pour développer leurs compétences en matière de nouvelles technologies. On a identifié 600 TPME. Le Maroc est le premier pays à avoir été choisi pour le lancement d’un programme pilote du genre et c’est à cette issue que 13 startup ont reçu un diplôme dans le cadre de leur digitalisation.

Les chantiers demeurent ouverts et la relève semble assurée avec Asmaa Morine Azzouzi. L’assemblée générale est prévue le 25 juin prochain pour officialiser la passation de service à la tête de l’Association.

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