Un axe Madrid-Rome semble s’être constitué contre l’allemand EON avec l’entrée d’Enel dans le capital d’Endesa, qui augure d’une bataille de titans européens pour le contrôle de l’électricien espagnol dans un domaine stratégique où les gouvernements s’impliquent de plus en plus. L’italien Enel a déboursé 4,126 milliards d’euros sur le marché en achetant 9,99% du premier électricien espagnol et veut monter à 24,99%. Les observateurs voient dans cette intrusion la constitution d’un front méditérranéen ourdi par les gouvernements pour envoyer l’OPA d’EON au tapis.
EON a immédiatement réagi en déclarant dans un communiqué qu’il tenait «ferme» dans son offre de 41 milliards d’euros, malgré les risques. Car Enel paye plus qu’EON. Le groupe italien propose 39 euros par action d’Endesa, contre 38,75 euros offerts par le groupe de Wulf Bernotat. La cotation de l’action Endesa a été suspendue mardi soir et n’avait pas repris mercredi matin. L’autorité des marchés espagnols a demandé à Enel de clarifier ses intentions. Le premier électricien espagnol se refusait lui à tout commentaire.
«Nous ne pensons pas qu’Enel sera capable de prendre le contrôle total d’Endesa», a estimé mercrerdi matin Goldman Sachs, qui mise sur un contrôle commun ou un partage d’Endesa avec son premier actionnaire, le groupe de BTP espagnol Acciona, qui détient 21,03% du capitale d’Endesa. Acciona a indiqué mercredi qu’il était «prêt à parler avec tout le monde». Les deux groupes, aidés de la Sepi, l’organisme qui gère les 3% de l’Etat espagnol dans l’électricien, pourraient parvenir à contrôler Endesa ou s’entendre sur son découpage. Dans ce cas, d’autres groupes européens pourraient se ruer pour prendre une part du gâteau. Dans l’arène espagnole, l’éclatement du marché de l’énergie entre plusieurs opérateurs de taille modeste laisse un boulevard pour les poids lourds européens lancés dans la course à la taille. Nombre d’observateurs voient la main des gouvernements derrière l’opération d’Enel, dont l’Etat italien détient 30%. Le gouvernement socialiste espagnol a âprement combattu l’OPA d’EON, et l’intrusion surprise d’Enel survient pile une semaine après un sommet hispano-italien à Ibiza ayant réuni José Luis Rodriguez Zapatero et Romano Prodi et notamment leurs ministres de l’Industrie.
• Fabien Zamora (AFP)