EconomieSpécialUne

Entretien avec Abdelali Berrada, président de Logismed : «Le Maroc a réalisé des progrès très significatifs en logistique»

© D.R

Evénement
A l’occasion de la 10ème édition du Salon, Abdelali Berrada, président de Logismed, a répondu aux questions d’Aujourd’hui Le Maroc. Dans cet entretien, il est question notamment des nouveautés de l’édition 2023 mais également le bilan du Salon qui fête cette année son dixième anniversaire sans oublier les défis et opportunités présentés par le secteur stratégique de la logistique pour le Royaume.


ALM : Cette année est particulière puisque le Salon fête ses dix années. Un bilan pour le parcours effectué?
Abdelali Berrada : En effet, cette édition diffère des précédentes, d’abord par le privilège qu’elle soit organisée sous le Haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Une marque de confiance et d’encouragement au secteur du transport et de la logistique, et aussi une grande fierté pour l’équipe. Ensuite, cette année Logismed fête ses 10 ans. Cet anniversaire vise à célébrer cette longue et belle histoire riche en événements mais aussi en personnalités qui ont permis d’affirmer l’importance de la logistique pour la compétitivité de notre pays, de nos territoires et de nos entreprises.
Pour parler du bilan, je dois préciser que Logismed est l’héritier d’une formidable aventure qui a démarré en 2005 avec la création de Logima, avec l’objectif de promouvoir la culture logistique « dans tous les milieux » dans notre pays. On ne parlait pas à l’époque de Logistique et encore moins de Supply Chain. Puis est venu Logismed en 2012, avec une ambition régionale claire, africaine et méditerranéenne et la conviction partagée que ces espaces ouvrent à chacun des participants des perspectives de croissance et de développement.

Je dois dire qu’après et d’après le recul que je peux avoir de ces 10 ans, pour ne pas dire ces presque 20 dernières années, le bilan est largement positif dans la mesure où nos objectifs ont été en grande partie atteints, à savoir de promouvoir la culture logistique au Maroc, fédérer la communauté logistique, valoriser les acteurs de la filière, leurs métiers et savoir-faire, apporter les solutions aux entreprises marocaines pour améliorer leur compétitivité et leur performance, promouvoir la logistique marocaine à l’international…Cependant, le travail doit continuer, principalement auprès des PME/PMI qui représentent 95% du tissu économique marocain et qui constituent le véritable moteur de notre économie, mais en même temps qui se caractérisent par un manque de maturité logistique. Cette catégorie reste notre cible principale et nos messages et actions visent à leur expliquer pourquoi la logistique offre plusieurs leviers de croissance et de rentabilité.

Vous avez choisi de lancer des déclinaisons régionales. Pourquoi ce choix cette année?
En fait, nous avons lancé ce nouveau concept des Rencontres Régionales de la Logistique l’année dernière et avons organisé la première étape le 1er décembre 2022 à Tanger. La deuxième étape s’est déroulée le 26 mai dernier à Agadir. Ces Rencontres s’inscrivent dans le cadre de la déclinaison régionale de Logismed, et ce dans le but de promouvoir la culture logistique à travers toutes les régions du Royaume. Ces Rencontres sont des événements itinérants qui se déroulent de façon périodique dans chacune des régions, tout en prenant évidemment en compte leurs spécificités et défis. Ces Rencontres ont pour but, au-delà de réunir les acteurs publics et privés pour partager expertises et ambitions, d’apporter une contribution active pour que la logistique ne reste pas le parent pauvre des débats et des politiques locales et pour qu’elle soit intégrée dans les schémas d’aménagement et de développement des territoires.

Quelles seront les nouveautés et particularités pour cette édition?
En principe, un Salon doit toujours apporter des nouveautés et même chercher à surprendre les participants, aussi bien au niveau de l’offre produits et services des exposants, qu’au niveau des thématiques des conférences et des animations. C’est l’un des principaux attraits d’un tel événement, surtout pour les visiteurs qui viennent spécialement pour découvrir les nouveautés et les tendances du marché. Logismed est une véritable vitrine des nouveautés du secteur, dans leur diversité sur tous les maillons des chaînes logistiques : transports, stockages, équipements, matériels et solutions en termes d’automatisation, de digitalisation… Pour cette édition, le thème central du Salon est lui-même une nouveauté, à savoir l’omnicanalité, un concept qui vise à offrir aux clients une expérience d’achat unique quel que soit le canal utilisé.

Le maître mot aujourd’hui est la satisfaction du client ou du consommateur qui devient de plus en plus connecté et imprévisible. Au niveau de l’offre de nos exposants, nous constatons l’émergence de nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle, l’Internet des objets, la blockchain, l’automatisation, la robotique, le cobotique, l’utilisation des drones dans les entrepôts, etc., ainsi que les outils et solutions logicielles pour se protéger contre les menaces des cyberattaques. Ce n’est pas encore complètement clair dans l’esprit de beaucoup de gens, mais la logistique est un secteur qui innove beaucoup, des innovations matérielles et beaucoup d’innovations immatérielles sur des outils qui sont utilisés dans différents domaines, de l’optimisation du remplissage des camions à la collecte et sécurisation des données. Elle reste ainsi un domaine d’experts, de par sa technicité, sa rapide évolution et sa connexion directe avec les notions de production, de systèmes d’information et d’organisation. Il faut dire aussi que la dimension humaine dans le secteur connaît une évolution essentielle. D’un monde exclusivement masculin, la féminisation des métiers apporte une valeur ajoutée et c’est quelque chose qui est très visible dans le Salon.

Après la crise sanitaire et les tensions géopolitiques, la logistique est plus que jamais sur le devant de la scène. Quels sont les enseignements à tirer de cette situation pour le Maroc?
Je pense qu’il faut distinguer les enseignements tirés au niveau des politiques et ceux tirés par les entreprises. Pour les premiers, ce qui est important est qu’ils prennent de plus en plus conscience des enjeux de la logistique, de son importance, de son rôle pour l’économie. La crise de Covid est passée par là et maintenant les différentes crises d’approvisionnement qui se succèdent pour toutes sortes de raisons, dont certaines véritablement dramatiques. Dans un tel contexte, les acteurs publics et privés doivent travailler ensemble pour construire ensemble un secteur logistique performant.
Au niveau des entreprises, et face à l’incertitude et la volatilité de la demande, elles ont développé leur capacité d’agilité et de résilience et ont appris à maîtriser la gestion du risque. Elles ont aussi compris l’intérêt de diversifier leur sourcing et leurs partenaires commerciaux et surtout de collaborer avec les acteurs de leurs écosystèmes respectifs pour résoudre les problèmes: partenaires, fournisseurs, clients, institutionnels publics, mais aussi d’autres acteurs fondamentaux de la chaîne logistique, que sont les transporteurs et les prestataires logistiques.

Quel bilan faites-vous concernant le parcours effectué par le Maroc dans le domaine de la logistique?
Les ambitions du Maroc pour attirer des investissements créateurs de valeur ajoutée et d’emploi ainsi que la volonté d’améliorer son intégration au commerce régional et mondial représentent les principaux enjeux qui ont imposé le développement du secteur de la logistique comme levier d’importance vitale pour la compétitivité de l’économie marocaine. C’est dans ce cadre que notre pays s’est doté en 2010 d’une stratégie de développement de la compétitivité logistique du Royaume à l’horizon 2030, déclinée en plusieurs axes tels que la mise en place d’un réseau de zones logistiques, l’optimisation des flux de marchandises, l’émergence d’acteurs logistiques performants et le développement des compétences.

D’une manière générale, il faut reconnaître que le Maroc a réalisé des progrès très significatifs dans le domaine de la logistique, en mettant en place des réformes et procédures de simplification administrative, notamment douanières, en renforçant ses infrastructures autoroutières, aéroportuaires et portuaires dont le port de Tanger Med, le premier port à conteneurs en Méditerranée et en Afrique et le 4ème dans le monde avec une capacité de traitement de 9 millions de conteneurs EVP et une large connectivité maritime vers 180 ports et 70 pays. Cependant, des freins persistent toujours, notamment l’informel, les problèmes de disponibilité du foncier, la nécessité de développer un système de formation en adéquation avec les besoins des entreprises et les évolutions permanentes des pratiques du secteur logistique, sans oublier le très faible taux d’externalisation de la totalité ou une partie des opérations logistiques des PME/PMI qui, comme je l’ai précisé, constitue 95% de notre tissu économique, etc.

Comment transformer les défis posés par la conjoncture actuelle en opportunités pour la logistique au Maroc?
La conjoncture actuelle pose en effet des défis importants à la logistique au Maroc. Cependant, ces défis peuvent effectivement être transformés en opportunités pour renforcer le secteur logistique. Parmi les mesures qui peuvent être prises pour saisir ces opportunités, on peut citer le renforcement de la production locale pour réduire la dépendance vis-à-vis de fournisseurs étrangers, la prospection de nouveaux marchés, l’investissement dans les nouvelles technologies, la digitalisation pour améliorer la performance du secteur et sa modernisation, la décarbonation qui est aujourd’hui au centre du débat et qui constitue un nouvel enjeu environnemental auquel les entreprises doivent s’adapter pour, à la fois, préparer la logistique de demain et répondre aux exigences de plus en plus élevées des donneurs d’ordre et clients, sans oublier les consommateurs.

Articles similaires

ActualitéUne

Nizar Baraka réélu secrétaire général du Parti de l’Istiqlal

Nizar Baraka a été réélu à l’unanimité, aux premières heures de ce...

ActualitéUne

Le fonctionnement concurrentiel des marchés, levier de la structuration des chaînes de production agricoles

Le fonctionnement concurrentiel des marchés constitue un levier de la structuration des...

ActualitéUne

Remise des prix de la 16ème édition du SIAM

La cérémonie de remise des prix de la 16ème édition du Salon...

UneVidéos

Maroc- UE: Deux grands programmes de coopération sont lancés au SIAM

L’Ambassadrice de l’UE au Maroc, Patricia LIombart Cussac, met en avant en...

EDITO

Couverture

Nos supplément spéciaux

Articles les plus lus