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Entretien avec Adil Azmi, directeur général du CRI de Beni Mellal-Khénifra: Les Marocains du monde et leur rôle stratégique dans le développement économique de la région

© D.R

Adil Azmi met l’accent sur une nouvelle génération d’investisseurs MDM orientée vers les métiers d’avenir et les chaînes de valeur nationales et internationales, le rôle qu’ils jouent pour promouvoir les investissements, les défis auxquels ils font face et les réponses que le CRI y apporte..

ALM : Quel rôle jouent les MDM dans la dynamique d’investissement dans la région Béni Mellal-Khénifra ?
Adil Azmi : Les Marocains du monde (MDM) jouent un rôle de plus en plus stratégique dans le développement économique et la promotion de l’investissement privé dans la région Béni Mellal-Khénifra. Leur contribution dépasse la simple mobilisation de capitaux : elle s’inscrit dans une logique globale de transfert de compétences, de création de valeur territoriale et de renforcement de la connectivité internationale de la région. Les MDM constituent un vivier d’investisseurs à fort potentiel, caractérisé par un attachement profond à leur région d’origine, ce qui favorise leur ancrage territorial durable et leur engagement dans des projets à long terme.

Leur exposition aux marchés et aux pratiques internationales leur permet d’introduire des standards innovants en matière de gestion, de technologie et de marketing, contribuant ainsi à la modernisation du tissu économique local. Par ailleurs, leur accès facilité aux financements étrangers et aux partenariats avec des investisseurs étrangers – souvent complémentaires aux dispositifs de soutien existants au Maroc et au niveau régional – renforce leur capacité à concrétiser des projets ambitieux et structurants dans la région. Chaque année, une part significative des projets d’investissement validés par la Commission régionale unifiée d’investissement (CRUI) est portée par des MDM, notamment dans les secteurs de l’agro-industrie, des services, de l’animation touristique et de l’hôtellerie de montagne.
En parallèle, les Marocains du monde agissent comme de véritables ambassadeurs économiques de la région.

Grâce à leur ancrage à l’international, ils facilitent les opportunités d’exportation des produits du terroir ainsi que des biens et services proposés par les PME locales, contribuant ainsi à leur rayonnement au-delà des frontières. Leur connaissance des écosystèmes économiques étrangers permet également à la région de mieux s’insérer dans les chaînes de valeur mondiales, en identifiant des créneaux porteurs et en tissant des partenariats stratégiques.
Enfin, les MDM jouent un rôle déterminant dans la promotion des métiers d’avenir, en introduisant des solutions novatrices observées à l’étranger, qui répondent aux défis actuels du développement durable de la région. Leur rôle est donc double: ils participent directement à l’investissement productif, mais aussi indirectement à l’internationalisation et à la mise à niveau du tissu économique régional.

Pourriez-vous nous donner le profil type de l’investisseur MDM dans la région Béni Mellal-Khénifra ?
L’investisseur MDM dans la région présente des caractéristiques spécifiques, à la croisée de l’attachement identitaire, de l’ambition entrepreneuriale et d’une logique de sécurisation du capital familial. Ce profil est également fortement influencé par les contextes socio-économiques des pays d’accueil, ainsi que par leur niveau de qualification et d’intégration dans les circuits économiques étrangers. Auparavant, les investissements des MDM dans la région se concentraient essentiellement dans des secteurs à fort ancrage territorial, notamment l’agriculture et la construction, qui représentaient souvent une première porte d’entrée motivée par une logique de sécurisation ou de diversification patrimoniale.

Dans le domaine agroalimentaire, les investisseurs misaient sur la valorisation des filières de terroir telles que l’olive, à travers des unités artisanales ou semi-industrielles. Le tourisme rural et écologique constituait également un autre champ d’investissement prisé, où les MDM les plus sensibilisés aux tendances internationales développaient des maisons d’hôtes, des gîtes ou des écolodges, mettant en valeur les ressources naturelles et culturelles de leur territoire d’origine.

Ces dernières années, on assiste toutefois à un changement rapide de cap, avec un nombre croissant de MDM – notamment issus des nouvelles générations – s’orientant vers des projets innovants intégrés dans les chaînes de valeur nationales et internationales, notamment dans le secteur industriel (59% des montants investis par les MDM) et le secteur touristique (25%). D’autres secteurs suscitent un intérêt croissant, notamment les énergies renouvelables et le développement durable.
Les investissements des MDM sont souvent de petite à moyenne taille, oscillant généralement entre 5 et 50 millions de dirhams, mais leur effet multiplicateur sur l’économie locale est significatif, surtout dans les zones à faible densité d’investissement.

Ces projets tendent à mobiliser principalement des fonds propres et s’appuient fréquemment sur du foncier familial, que les investisseurs cherchent à valoriser dans une logique productive et durable. Sur le plan géographique, ces investisseurs sont majoritairement établis en Europe, notamment en Espagne (25% des investisseurs MDM), en France (14%) et en Italie (12%). On note également une présence significative en Belgique, aux Pays-Bas, aux États-Unis, au Canada, en Suisse, en Autriche et dans les pays du Golfe.

Quels sont les défis spécifiques rencontrés par les investisseurs MDM et quelles sont les réponses que le CRI y apporte ?
Le parcours des investisseurs MDM est souvent confronté à des défis spécifiques, liés à leur éloignement physique, à la complexité perçue des démarches, au manque de visibilité sur les opportunités concrètes, à la nécessité d’un accès au foncier structuré et à des besoins en cofinancement complémentaire.
En fonction de la génération des MDM et de leur durée de résidence dans le pays d’accueil, ces derniers disposent rarement d’une connaissance approfondie des opportunités sectorielles, des disponibilités foncières, des mécanismes d’aide ou des procédures locales. Pour y remédier, le CRI a mis en place une plateforme digitale (www.programmeizdihar.ma) qui présente l’ensemble de ces informations, accompagnées d’une banque d’idées de projets, d’une cartographie du foncier, d’un manuel des procédures et d’un moteur de recherche sur les dispositifs d’appui.

La complexité perçue des démarches peut décourager certains porteurs de projets. Ainsi, et dans l’objectif de capitaliser sur la première vague de simplification des procédures traitées par la CRUI, nous collaborons étroitement avec le ministère de l’investissement, de la convergence et de l’évaluation des politiques publiques (MICEPP) pour optimiser le parcours de l’investisseur, en réduisant le nombre d’interlocuteurs, les procédures et les délais. Dans ce sens, la plateforme www.cri-invest.ma contribue efficacement à la digitalisation des procédures, permettant le dépôt et le traitement des dossiers d’investissement à distance, sans déplacement depuis le pays d’accueil, ce qui représente un gain important pour les MDM dans la préparation de leurs projets.

Quid de la problématique du foncier familial ?
Effectivement, l’indisponibilité ou la mauvaise valorisation du foncier familial peut retarder, voire bloquer, la concrétisation de certains projets. À ce niveau, le CRI apporte son appui aux efforts considérables déployés par M. le wali de la région pour renforcer l’offre en foncier aménagé, notamment dans les zones industrielles, les plateformes intégrées et les zones d’activités économiques. Il convient de noter que les projets MDM sont souvent financés sur fonds propres, mais peuvent nécessiter des compléments de financement auparavant difficiles à mobiliser à distance. Sur ce registre, le CRI a mis en place un programme spécifique nommé «Incentives Factory», dont l’objectif est d’appuyer les MDM à accéder aux différents dispositifs d’appui existants (charte de l’investissement, Fonds MDM Invest, INDH, fonds régionaux d’appui, etc.).

Bien évidemment, la formation et l’accompagnement personnalisé constituent un pilier essentiel dans notre stratégie d’appui aux investisseurs MDM, afin de renforcer leurs capacités à structurer des projets solides et viables, avec des workshops et des cycles de formations pratiques en gestion d’entreprise, en montage et structuration des projets d’investissement et en gestion financière. Pour délivrer ces services, le CRI a mis en place un guichet dédié aux MDM, avec un point focal multilingue, qui accompagne les porteurs de projets de l’idée jusqu’à la réalisation.

Nous accordons également une attention particulière à la promotion de tous ces dispositifs à travers des rencontres organisées avec les MDM, aussi bien dans la région qu’à l’étranger. Tous ces efforts témoignent de l’importance accordée au niveau régional et central aux investisseurs MDM, auxquels Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, a toujours accordé une attention particulière.

En conclusion, quel message souhaiteriez-vous adresser aux investisseurs MDM ?
Je dirais simplement : la région Béni Mellal-Khénifra est ouverte, compétitive et en pleine transformation. Elle offre des opportunités exceptionnelles dans une diversité de secteurs porteurs. Le Maroc offre un cadre réglementaire et incitatif très attractif avec un climat des affaires propice. Le Centre régional d’investissement est à la disposition de tous les MDM porteurs de projets pour coconstruire une réussite partagée, durable et ancrée dans le territoire.

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