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Entretien avec Charif El Jazouli, spécialiste en intelligence artificielle : GPT-5, une nouvelle ère pour l’intelligence artificielle

© D.R

L’intelligence artificielle continue de transformer notre quotidien et nos façons de travailler. Avec la sortie de GPT-5, OpenAI franchit une nouvelle étape en proposant un modèle encore plus puissant, capable de comprendre et de générer du texte mais aussi d’analyser des images, du son et bientôt de la vidéo. L’avancée suscite autant d’enthousiasme que de questions liées à l’impact pour nos sociétés. Quels usages concrets au Maroc? Quels défis à venir? Charif El Jazouli, spécialiste en intelligence artificielle et directeur SIA à Paris, nous éclaire sur les promesses et les limites de GPT-5.

ALM: GPT-5 vient de sortir et suscite déjà énormément de réactions. Pourquoi cette version est-elle considérée comme si importante ?
Charif El Jazouli : Elle est considérée telle parce qu’elle franchit une nouvelle étape. GPT-5 n’est pas simplement une version plus puissante que GPT-4, c’est un modèle qui gagne en maturité. Derrière GPT-5 se cache en réalité une multitude de modèles entraînés pour des tâches spécifiques (GPT-5-thinking pour les problèmes complexes, GPT-5-mini ou nano pour les tâches plus simples). Cette multitude de capacité permet d’obtenir des réponses plus rapide et plus fiable, en parallélisant les tâches sur le modèle le plus adapté. Il comprend mieux le contexte, raisonne de manière plus structurée et fait moins d’erreurs, tout en conservant les capacités multimodales de ces prédécesseurs (ndlr : texte, image, son). Mais la vraie différence réside ailleurs. GPT-5 réduit encore les hallucinations et apporte un niveau de confiance supérieur dans ses réponses. Pour les abonnés OpenAI, la version GPT-5-pro introduit en plus des capacités avancées de raisonnement, capables notamment de démontrer des preuves mathématiques. On se rapproche ainsi d’une IA qui interagit avec nous de façon beaucoup plus naturelle, mais aussi plus fiable et rigoureuse.

Concrètement, qu’est-ce que ça change pour un utilisateur comme vous et moi ?
On aura des réponses plus fiables, des conversations plus fluides et des usages beaucoup plus riches. Imaginez que vous puissiez lui montrer un document ou une photo et qu’il vous en fasse une analyse claire. Ou encore, qu’il vous accompagne dans un projet complexe en gardant le fil sur plusieurs heures de travail. GPT-5 n’est plus un simple outil de questions-réponses, c’est un véritable assistant qui vous suit et vous comprend.

On reproche souvent aux IA leurs «hallucinations ». GPT-5 fait-il mieux sur ce point ?
C’est l’un des points sur lesquels OpenAI a beaucoup travaillé. GPT-5 n’est pas parfait, il peut toujours se tromper mais il est bien plus rigoureux. Il sait mieux reconnaître quand une information est incertaine et, dans certains cas, il peut même suggérer de vérifier auprès d’une source fiable. On est donc sur une IA qui gagne en transparence et qui cherche à instaurer une relation de confiance.

Dans quels domaines voyez-vous ce modèle avoir le plus d’impact ?
Honnêtement, ils sont nombreux, la fiabilité des réponses était le principal frein à l’adoption de l’IA Générative et GPT-5 efface une large partie de ces risques. Dans l’éducation par exemple, un étudiant peut désormais réviser avec un assistant fiable qui explique les notions difficiles de plusieurs manières et qui peut s’adapter à son niveau. Dans la santé, GPT-5 peut aider les médecins en analysant rapidement des données ou en produisant des synthèses de dossiers. Pour les entreprises, il peut automatiser des tâches entières, qu’il s’agisse de relation client, de génération de code ou d’analyses stratégiques. Même l’administration publique pourrait s’en saisir pour rendre les démarches des citoyens beaucoup plus simples.

Et si on ramène ça au Maroc, qu’est-ce que ça peut changer concrètement?
Le Maroc est à un tournant. GPT-5 peut être un formidable levier pour accélérer la digitalisation. Imaginez des services publics accessibles en darija ou en amazigh, des startups qui intègrent GPT-5 pour proposer des solutions locales, ou encore des étudiants qui s’en servent pour apprendre et innover plus vite. Le dernier frein pour une utilisation massive réside dans l’hébergement des modèles pour les cas d’usage sensibles. Et à ce niveau, nous disposons de deux options. La première serait d’investir plusieurs dizaines de milliards pour la construction d’un data-center national, à l’image de ce que font les Emirats Arabes Unis avec «Stargate UAE». La seconde consisterait à spécialiser les derniers modèles open source sur des cas d’usage précis. En même temps que GPT-5, OpenAI a notamment ouvert deux nouveaux modèles libres d’utilisation extrêmement performants. Quoi qu’il en soit, il faudra surtout former massivement nos talents. Sans cela, on restera consommateurs plutôt qu’acteurs.

Justement, est-ce que GPT-5 est capable de comprendre nos langues et nos spécificités culturelles ?
Oui, il est déjà très bon en français et en arabe, mais il peut être adapté pour la darija ou l’amazigh. C’est là que ces derniers modèles deviennent intéressants : la taille de GPT-5 change la donne. Il ne se contente plus de modéliser les langues séparément. À l’intérieur du modèle, on trouve un raisonnement logique indépendant de la langue. Ce n’est qu’aux dernières étapes que cette «pensée sans langue» est traduite en darija, en amazigh ou en toute autre langue. Concrètement, cela veut dire qu’entraîner GPT-5 sur des problèmes en français, en anglais ou même en chinois améliore aussi ses performances en darija ou en amazigh. Les pertes de performance qu’on observait autrefois sur des langues moins représentées commencent donc à s’estomper. Ces modèles GPT-5 devront néanmoins être adaptés dans des versions localisées. Parce qu’une IA qui comprend vraiment la culture, les expressions et le quotidien des citoyens, c’est une IA qui a de la valeur.

On entend aussi parler des « agents autonomes», des IA capables d’agir presque seuls. Est-ce que GPT-5 va dans ce sens ?
Oui, GPT-5 ouvre la voie, mais il n’est pas le seul. On assiste à une tendance de fond : les grands modèles deviennent plus proactifs, capables de planifier des actions, d’utiliser des outils externes et de réaliser des tâches complètes. GPT-5 illustre bien cette évolution : grâce à ses capacités de raisonnement, il peut enchaîner plusieurs actions complexes comme réserver un week-end à Rabat en bloquant l’hôtel, les activités et les restaurants. La réduction des hallucinations renforce aussi la fiabilité du modèle, levant ainsi l’un des principaux freins à l’adoption de l’IA générative en entreprise. GPT-5, et plus encore ses successeurs vont permettre d’ancrer durablement les agents autonomes dans les pratiques professionnelles et la vie quotidienne. Ce qui compte désormais, c’est la manière dont nous encadrons cette évolution pour qu’elle reste au service de l’humain.

Pour conclure, si vous deviez résumer l’enjeu de GPT-5 pour le Maroc?
Je dirais que GPT-5 illustre une dynamique mondiale mais ce n’est qu’un jalon. Le vrai enjeu pour le Maroc, c’est de suivre cette trajectoire et de se donner les moyens de tirer profit non seulement de GPT-5 mais aussi des modèles qui viendront ensuite. Cela suppose une vision nationale, des investissements dans l’éducation, la recherche et les infrastructures. Si on prend ce virage, on pourra être acteur de cette révolution plutôt que simple spectateur.

 

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