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Entretien avec Otmane Gair : «Le Maroc a affiché la 4ème plus forte progression de l’IDH en moyenne annuelle»

Otmane Gair
© D.R

Dans cet entretien accordé à ALM, Otmane Gair, président de l’Observatoire national du développement humain (ONDH), revient sur le nouveau classement du Maroc en matière de développement humain ainsi que les perspectives pour l’avenir.

ALM : Le Maroc a fait un bond de trois places dans le dernier classement du PNUD. Quelle lecture faites-vous au sein de l’ONDH de cette performance ?

Otmane Gair : Il s’agit d’une avancée importante qui reflète les progrès réalisés dans la concrétisation des différents chan- tiers du projet de l’Etat social, érigé en priorité stratégique par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, à travers notamment l’accélération de la mise en œuvre des programmes de transfor- mation sociale initiés par le Souverain dans le domaine de la couverture médicale, de l’éducation, de la santé, de l’aide sociale directe aux ménages et de l’aide directe au logement. Pour cette performance, les com- posantes qui ont le plus contribué à la pro- gression de l’IDH du Maroc sont celles rela- tives à l’espérance de vie et à la durée attendue de scolarisation, qui ont enregistré respectivement un accroissement de 1,4 et 4,3%. En revanche, les composantes affé- rentes au revenu national brut par habitant et à la durée moyenne de scolarisation ont pesé sur la progression de l’IDH. Ainsi, le revenu national brut par habitant n’y a contribué qu’à hauteur de 0,1%, ne rattra- pant que partiellement les pertes enregis- trées suite à la crise Covid-19. Quant à la durée moyenne de scolarisation, elle est demeurée inchangée depuis 2020, à 6,1 années.

Comment appréciez-vous l’IDH du Maroc par rapport à la moyenne régionale ?

La valeur de l’IDH du Maroc, à savoir 0,698, est supérieure à la moyenne des pays du groupe à développement humain moyen, établie à 0,640. Parmi les pays à développe- ment humain moyen, le Maroc a affiché la quatrième plus forte progression de l’IDH en moyenne annuelle entre 1990 et 2022, après le Myanmar, le Bangladesh, le Cam- bodge et l’Ouganda. Sur la période 2010- 2022, il affiche la troisième performance, devancé par le Myanmar et le Bangladesh. Le taux d’accroissement moyen de l’IDH du Maroc entre 1990 et 2022 dépasse nette- ment celui des pays à niveau de développe- ment humain moyen, ainsi que celui des Etats arabes. Il en est de même en ce qui concerne les périodes 1990-2000, 2000- 2010 et 2010-2022. La comparaison des données du Maroc avec la Tunisie et l’Egypte, deux pays appartenant au groupe des pays à développement humain élevé, s’avère tout à fait pertinente car elle permet de déceler les raisons qui freinent encore le développement humain dans notre pays. Il s’agit de l’insuffisance de la croissance économique et du retard en matière d’instruction de la popu- lation. Pour autant, le Maroc a gagné trois places au classement de l’IDH, alors que l’Egypte et la Tunisie ont connu un recul de 8 et 4 places respectivement. C’est que les gains récents enregistrés par le Maroc témoignent de la résilience acquise par le pays à la faveur du lancement des chantiers sociaux initiés par le Souverain dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la protection sociale.

Faut-il s’attendre à d’autres performances avec la généralisation de l’AMO et l’aide sociale directe ?

La généralisation de l’AMO et du Pro- gramme d’aide sociale directe (PASD) consti- tue plus que jamais de puissants leviers au service du renforcement de la résilience des populations, en les protégeant contre les dif- férents risques de précarité sociale et écono- mique. La sécurité humaine des ménages dépend dans une large mesure de l’accès aux droits et services publics fondamentaux, tels que l’éducation, la santé et l’exercice d’une activité économique rémunérée. Il s’agit d’un minimum social sans lequel il n’est point de sécurité humaine qui, pour rappel, se trouve à la base de tout développement humain. C’est le sens même du projet de l’Etat social prôné par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, qui est de s’assurer que tous les individus soient protégés contre les risques sociaux à chaque étape de leur cycle de vie, et que ceux qui font face à des condi- tions de vulnérabilité particulières (handi- cap, maladie, abandon familial ou pauvreté), puissent bénéficier des filets sociaux par le biais des mécanismes de ciblage objectif. Les réformes engagées visent aussi à assurer un accès généralisé et équitable à la santé, à l’alimentation, à l’éducation, au logement et au travail décent, etc. La protection contre les aléas de la vie, les vulnérabilités et la pau- vreté constitue une garantie pour renforcer la résilience des populations et leur donnera les moyens pour sortir de l’impasse, en inves- tissant dans les générations montantes, voie ultime pour intégrer un cercle vertueux de développement.

Selon vous, comment le Maroc peut agir pour maintenir ce trend haussier au niveau du classement du PNUD ?

Cette performance réalisée par le Maroc serait davantage pérennisée en poursuivant les initiatives gouvernementales de mise en œuvre de la vision royale de l’Etat social afin de renforcer le capital humain, et mieux le préparer pour l’avenir, à travers la poursuite de la réforme du système éducatif et l’abou- tissement de la refonte du système national de santé actuellement en vigueur. Dans ce sens, il faudra continuer à renfor- cer les efforts engagés dans le cadre de la feuille de route 2022-2026 pour l’accès à l’éducation, notamment en donnant la prio- rité à un accès équitable à une éducation de qualité pour tous, en particulier pour les femmes et les filles. De même, l’accélération de la mise en œuvre de l’engagement gou- vernemental portant sur l’amélioration de l’offre de santé, à travers la mise en place des moyens matériels et humains nécessaires, permettra de renforcer les services de santé et l’accès à ceux-ci, en se concentrant sur la santé maternelle et infantile pour améliorer l’espérance de vie et le bien-être. Le projet de mise à niveau de 1400 centres de santé sur l’ensemble du territoire national et la mise en place prochainement des groupements sanitaires territoriaux constituent une illus- tration d’une perspective prometteuse. La dynamisation de la croissance économique et la création d’emplois constituent égale- ment des impératifs pour favoriser le déve- loppement humain du Maroc, avec un accent particulier sur la nécessité de pro- mouvoir la participation des femmes au marché du travail pour stimuler un dévelop- pement économique inclusif pour tous. A cet égard, l’investissement privé, qui ne représente que le tiers de l’investissement total, fait déjà l’objet d’une importante atten- tion de la part des pouvoirs publics afin de le porter à deux tiers à l’horizon 2035. L’inves- tissement est la garantie d’une accélération de la croissance économique et de la création d’emplois. Il doit aussi se faire dans la prépa- ration et la prévention des chocs futurs, dans le but non seulement de favoriser la résilience de l’économie nationale et de la population, mais aussi pour ne pas ralentir, voire freiner, cette tendance prometteuse des réformes menées dans les deux autres composantes de l’IDH, à savoir l’éducation et la santé.

Quelles sont les priorités sur lesquelles il faut agir pour améliorer encore plus le clas- sement du pays ?

La meilleure des actions à entreprendre est de poursuivre sur la lancée du processus de réformes engagées dans le cadre du Projet Royal de l’Etat social. Au-delà de leurs impacts sur la lutte contre la pauvreté et la vulnérabilité, ces réformes constituent l’in- vestissement le plus rentable pour concréti- ser le développement humain de notre pays. C’est loin d’être une simple charge sociale. Continuer à investir dans la protection sociale, l’éducation et la santé nous permet- tra de regagner un cercle vertueux de crois- sance économique et de création d’emploi qu’il faudrait faire évoluer vers un dévelop- pement durable et soutenable.

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