C’est un calendrier marathonien, à la fois touristique mais surtout politique que Adil Douiri a présenté à Casablanca, lundi dernier, pour la relance du tourisme national. Un plan herculéen étalé sur trois ans et qui commence sur les chapeaux de roue, avec, dès la mi-mai, un appel d’offres ouvert en vue de la sélection des agences de voyages devant jouer les rôles de TO nationaux. Le choix des candidats se fera en décembre et, dans la foulée, les premiers contrats seront signés dès janvier 2006. L’Etat participera au co-financement de la campagne marketing entre 50 et 80%. Cette éventualité est applaudie des deux mains chez les agenciers, mais suscite quelques réserves ailleurs. Pourquoi, par exemple, subventionnerait-on des agences comme Atlas Voyages, S’Tours ou Holidays Services, les plus riches de la place? Qu’est-ce qui les empêchent, vu leur tailles et leurs réseaux, d’acheter des chambres d’hôtel au prix de gros et de les revendre aux nationaux? Comment s’assurer que l’argent de la subvention n’ira pas à des opérations autres que le tourisme national ? Pourquoi pas un agrément limitant l’exercice des TO sélectionnés au marché national?
Autant de questions posées ici et là et auxquelles le ministère devra sans doute répondre pour donner encore plus de solidité à ce plan stratégique qui repose sur un schéma simple.
Les TO achèteront des prestations hôtelières et de transport en général (sans prescription spéciale sur le volume) pour confectionner des voyages à forfaits. La réussite de ce schéma reste tributaire à l’existence de réseaux de distribution, actuellement gros handicap pour les agences de voyages. Trouvera-t-on la formule permettant à celles-ci de commercialiser leurs produits dans les réseaux des supermarchés, comme cela se fait ailleurs?
Les agences de voyages ont fait déjà entendre, lors de l’assemblée générale de leur fédération tenue mardi dernier, à peine 24 heures après la présentation de ce programme, leur opposition à l’utilisation des supports comme les rayons Marjane, les agences de Maroc Télécoms et autres, pour commercialiser leurs produits. «C’est une dérive», estime Saïd Banazouz, persuadé comme la plupart de ses collègues, que ce sera une porte ouverte à tous les dérapages. «Notre profession est régie par dahir, il y a des centaines d’agences de voyages au Maroc. A elles de relever le défi», conclut cet opérateur qui, pour le reste, est acquis à la formule présentée par le ministère du Tourisme. Les agences de voyages qui ont brièvement évoqué des scénarios de regroupement pour constituer des TO forts sont aussi réticents à l’idée d’un appel d’offres ouvert aux opérateurs internationaux.
Bien huilée, la stratégie présentée par Jawad Zyatt pèche peut-être par précipitation, puisqu’elle prévoit en outre, et cela avant la fin du premier semestre, de recenser les campings adaptés au marché national, d’en concéder une dizaine aux privés, d’établir un cahier des charges pour les futurs gestionnaires, d’identifier les nouvelles zones intègrées et d’apurer le foncier relatif aux sites. Entre-temps, le ministère du Tourisme qui cherche un maximum de TO tentera d’introduire un projet de loi pour l’aménagement des zones touristiques, d’obtenir de certains Offices l’ouverture des COS au public, d’obtenir de son homologue de l’Education nationale, un étalement des vacances scolaires pour déconcentrer les départs en voyages des marocains. Il est plutôt question sur ce chapitre des vacances, de diviser le Maroc en deux régions. Bref, rien n’a été oublié. Quant à l’offre, c’est une autre paire de manches. Les chiffres sont éloquents. Pour asseoir cette politique de developpement du tourisme national, 42 000 lits sont nécessaires. Rénovables, (c’est le cas pour 5.000 lits entre l’hôtellerie non classée et les fameux COS) ou à construire. La deuxième option concerne un lot de 37.000 lits dont seulement 7.000 lits pour l’hôtellerie et, entre autres, 19.000 lits pour les camping. Rappelons que ce scénario découle d’une étude sur la stratégie de développement du tourisme national réalisée par un cabinet étranger avec un budget gardé confidentiel par le ministère du Tourisme. Cette étude réalisée en 2003 et qui a concerné un échantillon de 6.000 personnes est quand même riche en conclusions. Ainsi, sur les 8 millions de voyages recensés au Maroc durant cette année, seuls 200.000 personnes ont pris le chemin de l’étranger. Mais sur le gros effectif resté au Maroc, soit 7,9 millions, seuls 5,9 millions se sont déplacée pour motifs de vacances. Combien dans cet effectif ont passé par un hébergement formel ? A peine 1 million si l’on croit aux conclusions de cette étude. Il est vrai que 1,6 voyages marocains consommés dans le marché intérieur ont été payants, mais environ un tiers (500 000) l’ont été dans un établissement non classé. Par ailleurs, aspect sociologique important révélé par la même enquête, 65% des voyages se font en groupe, d’où la nécessité de disposer d’hébergements adaptés. Par ailleurs 80% des voyages se font en juillet, août et septembre. L’étalement des congés scolaires est parti de là, cela quoique les maîtres-penseurs du ministère se disent convaincus que la concentration des vacances découle de plusieurs facteurs dont le pouvoir d’achat. Les Marocains qui voyagent à l’intérieur du pays viennent souvent de Casablanca (12%), Tanger-Tétouan (10%) et Rabat (9%). Les lieux de destination sont souvent balnéaires, excepté Marrakech qui attire 15% de la clientèle.
L’étude se perd ensuite dans la description des profils candidats aux voyages, depuis leur mode de transport (63% des A et B utilisent leurs voiture, le reste est abonné à l’autocar), pour enfin finir sur deux axes stratégiques. Les touristes à revenu élevés profiteront d’un circuit de distribution pour la commercialisation des produits à bas prix. C’est le premier axe. Dans un deuxième temps, des produits adaptés seront créés pour chaque type de client.