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Ghita Slaoui : «Il n’y a pas de cybersécurité forte sans inclusion»

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Entretien avec Ghita Slaoui, cofondatrice et présidente de Women For Cyber

A travers son engagement et ses actions concrètes, Women for Cyber Africa ambitionne de structurer une véritable communauté panafricaine de talents féminins et de contribuer activement à la réflexion stratégique sur la cybersécurité à l’échelle du continent. Rencontrée en marge de la troisième édition du Gitex, sa cofondatrice et présidente Ghita Slaoui nous a accordé cet entretien dans lequel l’experte en cybersécurité insiste sur l’inclusion des femmes dans ce domaine pour un numérique africain éthique et responsable.

ALM : Women for Cyber Africa est présente à la troisième édition du Gitex Africa. Que représente pour vous cet événement et quel message portez-vous à travers cette participation ?

Ghita Slaoui : C’est un vrai plaisir pour moi d’être au Gitex Africa 2025. J’ai été invitée par l’APEBI pour intervenir sur un sujet clé, à savoir l’articulation entre la cybersécurité et l’intelligence artificielle. Ces deux mondes qui se rencontrent aujourd’hui ont des enjeux énormes pour l’Afrique et on le voit très bien avec tout le programme du Gitex. Ce salon est une opportunité unique de porter la voix des experts africains, de montrer qu’on a les compétences, qu’on a les idées et qu’on contribue activement à la construction d’un numérique sécurisé, d’un numérique éthique et inclusif. Et bien sûr, en tant que président de Women for Cyber Africa, je suis là aussi pour rappeler que cette cybersécurité ne peut pas se faire sans les femmes.

Quelle lecture faites-vous de la cybersécurité en Afrique et quels sont les défis majeurs auxquels les pays africains font face ?

On peut considérer la cybersécurité en Afrique comme étant un chantier en pleine accélération. On voit une réelle prise de conscience surtout depuis la pandémie Covid et l’accélération des usages numériques. Mais on part avec un retard important. D’ailleurs selon l’Union internationale des télécommunications, seulement 29 % des pays africains ont mis en place une stratégie nationale de cybersécurité et très peu l’applique entièrement. Sur le terrain, on fait face à plusieurs défis : le manque de profils qualifiés, des investissements encore trop faibles en termes de sécurité et une méconnaissance des risques à tous les niveaux que cela soit au niveau des citoyens et des PME mais également parfois au sein des structures publiques. En plus, il y a un véritable besoin de coopération régionale. Les cybermenaces ne s’arrêtent pas aux frontières. Il faut apprendre à mutualiser, partager les bonnes pratiques, construire des réponses africaines à des menaces globales. Mais ce qui me rend optimiste aujourd’hui, c’est qu’il y a une vraie volonté d’avancer et cela on l’observe à travers toutes les initiatives qui sont lancées au Maroc. Ce qu’il faut maintenant, c’est transformer cette volonté en des actions concrètes, et ce avec les bonnes compétences, les bons outils et surtout une vraie stratégie, une vraie vision à long terme.

Quelle place occupent les femmes dans ce domaine ?

Les femmes sont là mais pas encore assez visibles. Trop souvent, elles s’autocensurent ou n’ont pas accès à l’information. Pourtant, les métiers de la cyber sont accessibles, ils sont passionnants et ont plein de sens. On a besoin de profils variés. Les femmes apportent énormément de valeur, notamment dans la gestion de crise, l’analyse et les métiers de gouvernance. Il faut juste leur ouvrir la porte, les accompagner à franchir le pas.

Quelles sont les actions concrètes que mène Women for Africa pour renforcer la présence des femmes africaines dans la cybersécurité ?

Avec Women for Cyber Africa, on agit à plusieurs niveaux. On forme, on sensibilise et on connecte les femmes entre elles. Et pour cela, on organise des ateliers pratiques pour initier les jeunes femmes à la cybersécurité, parfois même dans les lycées et les universités. On propose également des webinaires réguliers animés par des experts africains ou internationaux qui sont membres de l’association. Cette approche «membres pour les membres» nous permet de partager les parcours, les outils, les retours d’expérience et surtout nous permet de mieux échanger sur des thématiques de cybersécurité. Ce format fonctionne très bien. On voit qu’il y a une vraie soif d’apprendre et de comprendre. On participe également à de grands événements «tech» et « cyber » comme le Gitex pour porter la voix des femmes africaines dans des sphères où elles sont encore très peu représentées. A chaque fois on essaie de faire passer un message clair : Il n’y a pas de cybersécurité forte sans inclusion. Et puis on met en avant des rôles modèles. C’est important de montrer que des femmes réussissent dans la cyber et qu’elles viennent d’Afrique. Surtout qu’on a beaucoup de femmes qui ont des parcours inspirants. Il est important de partager ces expériences. Cela donne confiance, casse les stéréotypes et crée de la vocation. Ce n’est pas juste symbolique, c’est vraiment stratégique pour nous. Et enfin, on a lancé un programme de mentorat qu’on a appelé « W- grow » qui accompagne des jeunes femmes pendant 6 mois avec du coaching, du soutien technique et beaucoup d’échanges entre elles. C’est un vrai tremplin pour nous.

Quelles sont vos ambitions pour l’association à court et à moyen termes ?
Notre objectif est de structurer une vraie communauté panafricaine. On veut ouvrir des antennes dans plusieurs pays, multiplier les formations et créer un vrai écosystème de talents féminins en cybersécurité. Et surtout, on veut contribuer à la réflexion stratégique sur le continent : Etre une force de proposition auprès des gouvernements, des régulateurs et des partenaires. On y travaille durement. Pour nous, l’inclusion ne doit pas être un bonus mais un pilier dans les stratégies cybers africaines. C’est notre message !

Un dernier mot…
Je pense qu’on est à un tournant. L’intelligence artificielle transforme profondément notre rapport à la donnée, à la sécurité et à la confiance. Et les dernières actualités nous rappellent à quel point ces sujets sont concrets, urgents et systémiques.
Aujourd’hui, on ne peut plus parler de transformation digitale sans parler de cybersécurité ni de l’intelligence artificielle sans penser à l’éthique et à la protection des citoyens. Cela est valable dans tous les pays y compris le nôtre. L’Afrique a une vraie carte à jouer. On a les talents, les idées et les énergies incroyables. Il faut construire cette souveraineté numérique de manière inclusive, responsable et surtout avec une vision long terme. Et Women for Africa est là pour y contribuer activement.

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