Entretien avec Habib Adnan, directeur du Système d’information de Lydec
Système d’information
Nommé récemment directeur du système d’information de Lydec, Habib Adnan détaille sa vision d’une transformation digitale réussie sur le plan entrepreneurial. Durant son parcours à l’étranger (1996-2002), Habib Adnan a contribué à la création et à la commercialisation de solutions digitales pour la Bourse de New York et autres sociétés d’investissements (Salomon Smith Barney et Barron’s Online) avant d’intégrer en 2003 Lydec. A la DSI de Lydec, M. Adnan met à profit son expertise en matière de gouvernance et de transformation numérique pour accompagner le développement de l’entreprise et de son territoire d’ancrage.
ALM : Lydec a amorcé depuis quelques années déjà sa transformation digitale. Quel bilan dressez-vous de la digitalisation au sein de votre entreprise ?
Habib Adnan : Certainement très positif, car nous avons beaucoup appris. Les projets de transformation nous ont permis de revisiter nos processus et nos organisations, afin de les recentrer davantage sur un meilleur parcours du collaborateur et du client, une création de valeur améliorée et une efficience ciblée. Nous avons compris qu’attaquer directement la construction des applications mobiles est l’erreur à éviter. Le digital est un outil, la création de valeur est la finalité. À mon avis, il faut être clair sur la finalité de tout effort au niveau de l’entreprise et ne pas confondre finalité et outil.
Aussi, il est essentiel de comprendre que les facteurs clés de succès de toute transformation sont bien les femmes et les hommes de l’entreprise. Ils sont la pierre angulaire de l’édifice. Il faut leur expliquer clairement et simplement les enjeux de la transformation et ce qu’on attend d’eux. Ils ont un rôle stratégique à jouer, car ils sont bien les acteurs de cette transformation. Et pour réussir, il faut se doter d’acteurs engagés. La transformation digitale à Lydec est une soif continue pour améliorer les services fournis auprès de nos différents clients.
Dans un souci de préservation de la ressource, nous avons nettement amélioré le monitoring en temps réel de nos réseaux de distribution d’eau et d’électricité. Pour une meilleure compréhension de nos factures d’eau et d’électricité, nous avons activé une facturation immédiate après la lecture des compteurs. Pour contribuer à l’attractivité économique du Grand Casablanca, nous avons réduit les étapes nécessaires au raccordement au réseau moyenne tension. Et pour une meilleure transparence dans notre collaboration avec nos clients, nous avons créé et mis à leur disposition une plateforme internet (application mobile et agence en ligne).
Comment gérez-vous les multiples demandes d’intervention que vous recevez au quotidien ?
Nous avons mis en place un projet innovant appelé la « Gestion coordonnée des opérations ». Il s’agit d’une solution intégrée et avec zéro papier qui vise à améliorer davantage la transversalité au niveau de Lydec. Trois corps de métiers sont concernés : les télé conseillers (interface unique pour les clients et habitants demandeurs d’interventions), les planificateurs (organe de coordination pour une intervention efficace) et les agents du terrain (exploitant pour une exécution maîtrisée). Nous avons permis à ces trois corps de partager la même description de l’anomalie ou de la demande, tout en enrichissant les demandes par toute l’information nécessaire. Ce qui permet aux agents du terrain et au back-office de collaborer efficacement et rapidement. Très bientôt, l’intelligence artificielle contribuera à l’amélioration de cette collaboration en proposant un ordre spatio-temporel pour l’exécution des interventions terrain et, dans un deuxième temps, un pilotage assisté de l’ordonnancement.
Quelles sont les principales tendances relevées auprès de votre clientèle ?
Selon des chiffres récents, le taux de satisfaction de nos clients grand public est de 81 %. Il est de 98 % chez les clients industriels et de 99 % chez les administrations. De manière générale, nos clients privilégient la collaboration à distance pour traiter la majorité de leurs demandes et/ou dossiers, en utilisant un langage commun. Notre clientèle veut avoir la liberté de choisir l’espace digital pour collaborer et veut choisir quand et comment interagir avec Lydec. Ceci, sans pour autant avoir à réexpliquer sa demande pour chaque nouveau téléconseiller.
Selon les écoutes que nous réalisons auprès d’eux, nos clients veulent que Lydec joue un rôle de conseiller et qu’on puisse anticiper leurs interrogations et leurs besoins. Ceci est un challenge de taille, car nous sommes au service de l’ensemble des habitants du Grand Casablanca. Nous continuons à multiplier les canaux de contact et à enrichir les supports de collaboration.
Quelles solutions digitales offrez-vous à vos clients ?
La transformation digitale au profit de nos clients est passée par trois niveaux de maturité. Nous sommes passés d’une première phase où un déplacement en agence était nécessaire pour la prise en compte et le traitement de toute demande, vers une phase où un appel téléphonique au centre de relation clientèle, doté d’une première version de solutions digitales, est devenu suffisant pour traiter l’essentiel des demandes. Puis, nous avons mis à la disposition de nos clients des applications web et mobile pour interagir sans intermédiaire avec nos processus internes et en leur donnant la possibilité de suivre le traitement de leurs demandes. Une refonte totale du canal web et mobile verra le jour incessamment, prenant en considération les nouveaux besoins des clients et usagers du digital.
Comment se distingue l’approche adoptée par Lydec aussi bien en termes de transformation digitale que d’innovation ?
Avant de définir et conduire sa transformation, Lydec s’est dotée d’un projet d’entreprise « Synergies 2025 » construit sur la base d’une démarche participative fondée sur l’analyse des attentes des parties prenantes, de l’environnement de l’entreprise et de son évolution. C’est ainsi et dans le cadre ce projet que Lydec a placé l’innovation au cœur de sa raison d’être et l’a érigée parmi ses principales valeurs, avec comme finalité d’innover en permanence pour satisfaire les attentes de ses parties prenantes et accompagner le développement de son territoire d’ancrage. A Lydec, nous disposons aujourd’hui d’une démarche intégrée (intra et open innovation) qui implique les collaborateurs et les parties prenantes de l’écosystème de l’innovation et de l’entrepreneuriat sous forme d’un processus à cinq sprints, à savoir l’inspiration, l’idéation, l’accompagnement ou l’incubation, le prototypage et enfin l’implémentation. Des coachs d’innovation sont déployés au niveau des différentes directions de l’entreprise. Ils jouent un rôle d’animation et donnent un coup de pouce aux initiatives timides pour qu’elles puissent voir le jour.
Quelle place occupent aujourd’hui la data et l’intelligence artificielle dans votre métier ?
Une très grande place. Lydec a démarré très tôt son informatisation, ce qui a permis à son Système d’information d’avoir une large couverture fonctionnelle. Cette couverture génère aujourd’hui suffisamment de données et avec une qualité suffisante pour déployer des mécanismes d’exploration et d’intelligence artificielle. L’une des valeurs ajoutées ciblées par la transformation digitale est que le management soit capable, par le biais de la donnée, de prendre des décisions éclairées ou comme disent les anglosaxons « Make Informed Decisions ». Nous avons déployé à Lydec plusieurs use cases autour de l’IA, notamment pour l’amélioration du ciblage et le monitoring intelligent des performances opérationnelles des processus. Notre nouveau cheval de bataille est l’analyse des données. Bientôt, les équipes construiront davantage d’applications dotées d’intelligence artificielle, au profit de nos clients. Ces derniers mois, ChatGPT frappe à nos portes en proposant un nouveau paradigme. Je suis sûr qu’il fera aux métiers de services ce que les robots ont fait pour les usines. Il faut comprendre comment cette technologie fonctionne pour en tirer le meilleur profit. ChatGPT is here to stay …
