La première encyclopédie en ligne sur les violences de masse qui ont déchiré le XXe siècle, de la Shoah au génocide rwandais, verra le jour en 2007 grâce à une équipe internationale réunie par un chercheur français.
«En matière de destruction de populations civiles, le XXe siècle a été l’un des plus meurtriers de l’Histoire», a expliqué à l’AFP Jacques Sémelin, professeur au Centre d’études et de recherche internationales (CERI), en marge d’une conférence à Marseille.
«Aucune base de données ne rassemble nos connaissances. L’encyclopédie doit combler cette lacune», explique M. Sémelin.
Auteur d’un imposant ouvrage sur la genèse des crimes de masse «Purifier et détruire», il a réuni 40 chercheurs du monde entier dont des spécialistes des études sur le génocide comme l’Américaine Samantha Powers ou l’Allemand Dieter Pohl, pour monter ce projet unique, lancé en 2004.
«On manipule de la dynamite», reconnaît-il. Les interprétations d’événements historiques suscitent souvent la polémique. Outre les thèses révisionnistes, les manipulations de l’histoire des massacres ont été nombreuses, sans compter les divergences d’opinion sur la qualification de génocide.
«Pour éviter ces écueils, la méthodologie de l’encyclopédie (www.massviolence.org) sera extrêmement rigoureuse», souligne M. Sèmelin.
Le site proposera des index chronologiques, des études de cas par pays et des contributions théoriques sur le génocide, les crimes contre l’humanité ou les commissions Vérité et réconciliation. «Un comité scientifique validera les contributions. On ne veut prendre aucun risque sur la crédibilité des informations», poursuit le chercheur.
Un système d’étoiles indiquera le niveau de connaissances disponibles : une étoile quand l’existence des massacres est connue mais pas l’identité de leurs auteurs, deux étoiles pour les travaux de journalistes et d’ONG, trois étoiles en présence d’études anthropologiques, sociologiques, historiques ou juridiques.
Cette base de données sera en Anglais, mais les études de cas seront traduites dans la langue du pays concerné. «Mon rêve, c’est qu’un jeune découvre sur ce site qu’il s’est passé des choses dans son pays, qu’il ignore ou qui sont présentées de manière déformée», explique M. Sémelin. Cette volonté d’universalisme a guidé le choix du support, Internet.
«Il y a de nombreux endroits dans le monde où Internet est accessible alors qu’il est difficile de se procurer journaux ou livres», explique à l’AFP Norman Naimark, spécialiste de l’Europe de l’Est à l’université américaine de Stanford et membre du comité scientifique. L’accès à l’encyclopédie sera gratuit. Le financement du projet a été assuré jusqu’à présent par Sciences Po Paris et le CNRS. «Nous espérons de nouvelles contributions financières», précise M. Sémelin, la nature des fonds ne devant pas mettre en jeu l’indépendance du site.