Les membres de l’Organisation mondiale du commerce ont réussi à sauver le Cycle de Doha en parvenant à un accord à minima à Hong Kong. Les résultats de la 6ème conférence ministérielle de l’Organisation, tenue à Hong Kong du 13 au 18 décembre 2006, sont loin d’être suffisants pour la conclusion des négociations lancées au Qatar en novembre 2001. Ils ont toutefois le mérite d’éviter deux échecs successifs de l’OMC au niveau de ses réunions ministérielles et de relancer le Cycle de Doha.
Les travaux de la conférence de Hong Kong ont abouti finalement à l’adoption d’une Déclaration ministérielle de 44 pages qui entérine les timides avancées opérées dans le cadre des négociations et dote le programme du Cycle de Doha d’une nouvelle feuille de route.Dans le domaine de l’agriculture, les ministres sont convenus de procéder à l’élimination de toutes les formes de subventions à l’exportation au plus tard à la fin de 2013. Cet engagement est toutefois conditionné par le parallélisme, si cher à l’Union européenne, entre le retrait des subventions à l’exportation et l’abolition des pratiques commerciales faussant les échanges utilisées par les Etats-Unis d’Amérique en matière de crédits à l’exportation, de garanties de crédit à l’exportation ou de programmes d’assurance ayant des périodes de remboursement ne dépassant pas 180 jours (1) et d’octroi de l’aide alimentaire. Le parallélisme est également établi avec l’amélioration des règles régissant le commerce de l’Etat, pratique courante de certains grands pays exportateurs de produits agricoles tels que le Canada, l’Australie ou encore la Nouvelle Zélande.
En matière de subvention à la production (appelée soutien interne dans le jargon de l’OMC) ayant des effets nocifs sur le commerce agricole, le bilan de Hong Kong est décevant. Il compte uniquement la mise en place de l’ossature de la formule étagée de réduction du soutien interne. Cette formule, qui devrait conduire à des abaissements d’autant plus forts que les niveaux de soutien sont élevés, prévoit de placer l’UE au 1er étage, les USA et le Japon au 2ème étage et tous les 32 autres pays au bas de la structure sans énoncer les taux de réductions auxquels seront soumis les engagements actuels des membres desdits soutiens (2). Dans le 3ème étage, les pays en développement (PED) seront tout de même soumis à des engagements de réductions moins contraignants que les pays développés. Les ministres n’ont pas défini les niveaux des réductions des droits de douane correspondant aux produits agricoles, mais ont confirmé l’octroi aux PED des flexibilités dans ce volet des négociations. Ces flexibilités consistent à exempter des réductions tarifaires, un certain nombre de produits agricoles dits «produits spéciaux» : ce sont les produits qui revêtent une grande importance pour les pays en développement en matière de sécurité alimentaire, de développement rural et qui contribuent grandement à la formation du revenu agricole. En ce qui concerne particulièrement le coton, les pays développés se sont engagés à éliminer toutes les formes de subventions à l’exportation versées à ce produit en 2006, et à importer en franchise de droits de douane et sans limite quantitative, les exportations de coton en provenance des pays les moins avancés à compter du début de la période de mise en œuvre des résultats du Cycle de Doha. Les pays développés se sont également engagés à réduire les subventions à leurs productions cotonnières de manière plus importante et plus rapide que dans le cadre des réductions des subventions à la production qui seront convenues pour l’ensemble des produits agricoles. Malgré les « efforts » déployés pour la question du coton, les résultats de la conférence de Hong Kong sur cette question restent modestes pour les deux principales raisons suivantes :
1. L’accès aux marchés des pays développés les plus convoités par les pays africains producteurs de coton, était déjà assuré en exonération de droits de douane. Les initiatives connues sous l’appellation «tout sauf les armes» et l’AGOA émanant respectivement de l’UE et des USA prévoient depuis quelques années l’admission en franchise de droits de douane des exportations en provenance de tous les pays les moins avancés d’Afrique.
2. Les subventions à l’exportation versées par certains pays développés ne représentent même pas le quart de l’ensemble des aides octroyées par ces pays au secteur cotonnier. Dans la plus part des cas, ce sont les subventions à la production de coton qui entraînent les plus grandes distorsions au commerce de ce produit. La Déclaration de Hong Kong ne fait aucunement référence à l’élimination des subventions à la production de coton et ne fixe pas non plus un taux de réduction de ces aides. La conférence de Hong Kong a permis d’adopter un nombre important de dispositions techniques dans le domaine de l’accès aux marchés des produits non agricoles (produits industriels, de la pêche, des mines et autres produits agricoles). Parmi ces dispositions figure l’acceptation des ministres de prévoir la participation, sur une base non obligatoire, à toute initiative visant l’élimination des droits de douane appliqués à des catégories de produits non agricoles.
Sur le registre des négociations relatives aux services, la Déclaration de Hong Kong énonce la nécessité de parvenir à une élévation progressive du niveau de libéralisation du commerce des services, tout en ménageant une flexibilité appropriée aux pays en développement en fonction de leurs objectifs globaux de développement économique et social.
Les autres volets des négociations, n’ont pas connu réellement d’avancées, si ce n’est que les ministres ont appelé les négociateurs à poursuivre les travaux effectués à Genève en la matière. Il s’agit particulièrement des négociations sur l’antidumping, les accords commerciaux régionaux, les subventions -y compris dans le secteur de la pêche-, la libéralisation des produits et services environnementaux, le renforcement de la protection des indications géographiques et la facilitation des échanges.
La conférence de Hong Kong a adopté plusieurs mesures en faveur des 32 pays moins avancés Membres de l’OMC. En guise de contribution au développement de ces pays, les pays développés se sont engagés à accepter au moins 97 % des produits originaires des pays moins avancés, en exonération de droits de douane dès 2008 ou au plus tard à partir du début de la période de mise en œuvre des résultats du Cycle de Doha.
La conférence ministérielle de Hong Kong a mis en place un échéancier des travaux futurs des négociations du Cycle de Doha en vue de leur conclusion en fin 2006. La prochaine étape importante de cet échéancier est la fin avril 2006. Cette date a été arrêtée pour achever les travaux relatifs aux modalités des négociations sur l’agriculture et sur l’accès aux marchés des produits non agricoles.
Les résultats de la Conférence de Hong Kong prennent en considération un nombre important des préoccupations exprimées par le Maroc dans le cadre des négociations du cycle de Doha.
En effet, dans le volet agricole, le Maroc a longuement préconisé l’élimination rapide de toutes les formes de subventions à l’exportation car ces pratiques pénalisent la compétitivité de nos exportations agricoles.
S’agissant des réductions des droits de douane correspondant aux produits agricoles, le Maroc a vivement soutenu la nécessité de prévoir des flexibilités en faveur des PED. Cette position se justifie par le fait que certaines catégories de produits agricoles ne sont pas encore prêtes à faire face à une libéralisation commerciale. Dans les domaines du commerce des produits non agricoles et des services, le Maroc a toujours prôné une libéralisation prévoyant des flexibilités en faveur des pays en développement. La raison étant le besoin du Maroc d’assurer les meilleures conditions commerciales possibles pour le développement de la production domestique des produits non agricoles et des services et notamment des secteurs naissant d’entre eux.
• Par Khalid Sayah
Directeur des Relations
Commerciales Internationales au ministère du Commerce extérieur et membre de la délégation marocaine à Hong Kong.
(1) Pour rappel, la décision sur le programme de travail de Doha, adoptée par les membres de l’OMC le 1er août 2004 à Genève, avait déjà prévu l’élimination des crédits à l’exportation, des garanties de crédit à l’exportation ou des programmes d’assurance ayant des périodes de remboursement supérieures à 180 jours, sans toutefois fixer de date à cet effet.
(2) A noter que 35 pays membres de l’OMC, y compris le Maroc, ont contracté des réductions de leur soutien interne ayant des effets de distorsion au commerce au terme du Cycle de l’Uruguay. Les autres membres ne sont donc pas autorisés à verser de telles aides à leurs secteurs agricoles respectifs sauf si ces aides ne dépassent pas 5% de la valeur de leurs productions agricoles annuelles pour les pays développés (10% pour les PED).