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Anice Benjelloun «La relance du secteur est également celle de tout un pan de l’économie»

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Entretien avec Anice Benjelloun, vice-président de la FNPI

Damane Relance pourra effectivement relancer la production mais il faut également relancer la vente en renforçant la capacité d’achat des acquéreurs. L’Etat doit, à notre sens, s’intéresser de manière plus précise aux dispositifs de financement des acquéreurs et leur proposer des conditions de financement adaptées à leur pouvoir d’achat.

ALM : Le secteur de la promotion immobilière a été fortement impacté par la crise sanitaire. Comment se porte le moral des promoteurs face à cette conjoncture ?

Anice Benjelloun : Nous observons une crise de confiance qui concerne tous les secteurs. Toutes les discussions ne parlent que de Covid et de ses répercussions. Pour renforcer la confiance, l’Etat doit donner des signes forts et encourageants et mettre en place toutes les mesures nécessaires à la relance. Il faudrait qu’il y ait de bonnes compétences et des pôles d’excellence au niveau des administrations pour pouvoir prendre des orientations stratégiques à court et à moyen termes.

Le CVE vient de mettre en place une garantie de financement dédiée à la profession. Comment avez-vous accueilli cette décision ?

C’est une disposition qui faisait partie des demandes de la Fédération depuis la mise en place de Damane Relance pour l’ensemble des autres secteurs économiques. Nous n’avions à l’époque pas compris pourquoi le secteur de la promotion immobilière y était exclu. Nous nous réjouissons, aujourd’hui, de cette disposition. Cependant, nous demandons à avoir plus d’éclaircissements quant à sa mise en application concrète. Nous ne disposons pas de l’ensemble des mesures qui accompagneront “Damane Relance- Promotion immobilière”. Il ne faudrait pas que le déblocage de cette garantie pour les promoteurs soit soumis à des conditions draconiennes. Il faut qu’il y ait vraiment de la souplesse par rapport à ce dispositif afin de soulager la crise de trésorerie dont souffre la promotion immobilière pour pouvoir relancer la production.

L’appui apporté à la profession est-il suffisant pour stimuler la demande et donner un nouvel élan au secteur ?

Damane Relance pourra effectivement relancer la production mais il faut également relancer la vente en renforçant la capacité d’achat des acquéreurs. L’Etat doit, à notre sens, s’intéresser de manière plus précise aux dispositifs de financement des acquéreurs et leur proposer des conditions de financement adaptées à leur pouvoir d’achat tout en tenant compte de la crise économique que traverse le pays. Nous demandons également à l’Etat de trouver une alternative au programme du logement social qui arrivera à terme fin 2020. Malgré toutes les propositions de la FNPI ainsi que les études et simulations faites dans ce sens, nous n’avons toujours pas de visibilité quant à la suite de ce programme. Sachant que le segment du logement social revêt une importance pour le secteur. Il représente les deux tiers de sa production et 40% de la masse salariale du secteur. Le logement social c’est également des investissements de l’ordre de 150 milliards de dirhams et près de 250.000 emplois générés. Il faut dire que ce programme n’est pas lié uniquement à la promotion immobilière mais il touche aussi l’ensemble de l’écosystème de la construction. Si cette production s’arrête, les industriels vont être directement affectés et par conséquent le nombre de destructions d’emploi augmentera considérablement. Nous tirons la sonnette d’alarme à ce propos.

Quelles sont vos autres attentes vis-à-vis de l’Etat ?

Il faudrait mettre en place un programme pour le logement abordable, notamment pour la classe moyenne inférieure qui à ce jour ne trouve pas de dispositif qui lui permet d’accéder au logement. La classe moyenne inférieure et même intermédiaire est dans l’obligation de se rabattre sur le logement social pour pouvoir se loger. C’est ce qui crée de l’anomalie. On demande également à l’Etat une refonte profonde de la politique de l’urbanisme et donc une révision de tous les codes et dispositifs urbanistiques et réglementaires mis en place. On recommande surtout une possibilité de souplesse vers plus de verticalité permettant ainsi de réduire l’impact du coût foncier qui est considérablement élevé principalement dans les grandes agglomérations telles que Casablanca, Rabat et Kénitra. Un axe qui englobe plus du tiers pour ne pas dire la moitié de production de logement au niveau du Maroc.
Peut-on considérer ces points-là comme des ingrédients de relance ferme et durable pour la promotion immobilière ?
C’est en grande partie des points principaux qui devraient être considérés et traités pour pouvoir relancer cette production qui, encore une fois, ne concerne pas que le secteur de la promotion immobilière. La relance de la promotion immobilière est également la relance de tout un pan de l’économie. Il est à noter que l’écosystème de la construction impacte 16% du PIB national.

À quoi ressemblerait le secteur après la pandémie ?

Il y a lieu d’entamer une profonde réflexion pour la mise en place de nouveaux dispositifs urbains parce qu’on s’oriente de manière irrémédiable vers plus d’espace dans les logements (plus de balcons et espaces ouverts). C’est aujourd’hui une nécessité qui permettra aux gens de non seulement avoir un toit où loger mais un toit où ils pourront s’épanouir et vivre décemment. Les contrats d’urbanisme actuels sont dépassés. Il ne suffit pas de prendre du temps pour passer au changement. Les solutions existent et sont disponibles. Il suffit juste de les mettre en place. Il convient, également, d’améliorer la qualité des intervenants, notamment le degré de réflexion et les attitudes d’instructeurs pour aller vers plus de facilités au niveau de traitement des dossiers et de l’amélioration des dispositions architecturales permettant la réalisation des biens qui correspondent réellement au pouvoir d’achat et surtout aux aspirations d’une population qui veut habiter dans un logement décent et harmonieux. Ce n’est pas une demande qui est fantaisiste. Elle est tout à fait faisable.

Depuis la levée progressive des restrictions à aujourd’hui, y a-t-il une réelle demande en ce moment ?

Pour vous dire, la demande est là. Nous sommes persuadés qu’elle va grandir d’autant plus que l’exode rural va s’intensifier dans les prochaines années. Selon les statistiques mondiales, 3 milliards d’individus migreront vers les villes. Au Maroc, le taux d’urbanisation devrait atteindre les 70% entre 2025 et 2030. Ce qui veut dire qu’un flux considérable de la population rurale va se diriger vers le milieu urbain. Il est donc impératif de prendre toutes les dispositions nécessaires pour réduire l’impact de la pression démographique sinon nous allons nous retrouver face à l’éclosion de bidonvilles, et donc un retour à la case départ. C’est une urgence sur laquelle devraient se pencher à la fois la tutelle et le ministère de l’intérieur. L’objectif étant de permettre aux citoyens d’avoir des logements qui correspondent à leur pouvoir d’achat.

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