Les professionnels pointent du doigt la lenteur du traitement et la multitude d’intervenants. Ils contestent en effet «des instructions de dossiers volontairement retardées».
La démarche administrative telle qu’elle se présente aujourd’hui freinerait l’élan de relance des secteurs de la construction et de l’immobilier. Les professionnels pointent du doigt la lenteur du traitement et la multitude d’intervenants. Deux facteurs qui prennent en otage le secteur sachant que le contexte actuel exige plus de vigilance et une sécurisation des emplois.
A ce jour, les professionnels soulignent qu’il existe environ 20.000 dossiers en instance, soit un potentiel de 40 milliards de dirhams bloqués pour plus de 400.000 emplois. Des estimations faites dans le cadre d’un récent document rédigé par la Fédération nationale des promoteurs immobilier (FNPI) et l’ensemble des ordres de l’écosystème (architectes, ingénieurs topographes, notaires, bureaux d’études et contrôle…).
L’objet étant d’évaluer le temps écoulé de bout en bout dans les démarches administratives et du nombre de signatures nécessaires pour un projet, et ce en établissant une comparaison entre les dispositions antérieures et celles introduites actuellement par la nouvelle plateforme «Rokhas.ma». «Le seul changement introduit par Rokhas c’est que le dépôt des dossiers se fait aujourd’hui de façon électronique au lieu de les remettre matériellement au niveau des communes. Mais en termes de traitement rien n’a été changé», explique à ALM Anice Benjelloun, vice-président de la FNPI. Et d’ajouter que même «les CRI dans leur version 2.0 n’ont pu contribuer à la facilitation administrative. C’est désolant !».
Des instructions de dossiers volontairement retardées
Les acteurs de l’écosystème contestent en effet «des instructions de dossiers volontairement retardées». «Il est à souligner qu’on a affaire à quatre ensembles d’intervenants, à savoir l’Agence urbaine, la commune, la préfecture, la wilaya et le Centre régional. Chaque instructeur émet des remarques qui sont souvent contradictoires et donc pas de procès-verbal unifié. Et en l’absence de président de commission, les promoteurs et architectes sont obligés de faire le tour de ces instructeurs pour essayer de concilier les points de vue et avoir un avis unifié». Concrètement, les professionnels ne constatent aucune amélioration ni en termes de délais ni en termes de visas. Ils étaient à 135 signatures auparavant, aujourd’hui ils en sont à environ 100. De même, les délais ont été réduits de 44 jours seulement passant de 444 à 400.
L’Intérieur appelé à intervenir
Le ministère de l’aménagement du territoire national, de l’urbanisme, de l’habitat et de la politique de la ville est intervenu émettant récemment une circulaire dans laquelle il demande aux Agences urbaines de se concentrer uniquement sur les remarques fondamentales des projets. Une requête qui est restée, toutefois, sans réponse. «Nous saluons l’intervention de la tutelle. C’est une excellente démarche qui doit être suivie d’effets, mais malheureusement on ne ressent pas cela sur le terrain car il y a d’autres intervenants tels que les communes et les préfectures qui ne relèvent pas du ressort de ce département ministériel. Le ministère de l’aménagement a fait son travail. Il faut que les préfectures suivent ce pas», apprend-on du vice-président de la FNPI. Et d’ajouter que «tout l’écosystème est maintenu en otage pour cause d’un instructeur qui pousse le zèle à aller pinailler sur des détails pour bloquer les dossiers. Cela fait des années qu’on parle de cette problématique qui peut être résolue en 24 heures. C’est au ministère de l’intérieur de la régler». La sonnette d’alarme tirée par les professionnels intervient à un moment où l’économie marocaine passe par une conjoncture inédite suite à la crise sanitaire engendrée par la pandémie Covid-19. Les professionnels de la construction, toutes spécialités confondues, appellent à une action urgente pour sauver cette activité qui souffre de maux structurants bien avant la Covid et de sécuriser par conséquent les emplois et l’avenir d’une main-d’œuvre non qualifiée qui ne vit que de ce secteur.