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Dalila Ennaciri : «Le cadre légal de la copropriété reste flou au niveau des tribunaux»

© D.R

ALM : La gestion du syndic se professionnalise. Quelle lecture faites-vous des mutations qu’a connues cette activité ?
Dalila Ennaciri :

La notion de syndic n’est pas un nouveau concept au Maroc c’est le rôle du syndic qui a évolué. Le syndic est né du bénévolat d’un copropriétaire qui en prend souvent la responsabilité par dépit. Trois principaux facteurs ont contribué à la floraison des sociétés de syndic professionnelles : Premièrement, la loi sur la copropriété qui impose la désignation d’un interlocuteur syndic. Ensuite l’augmentation des frais de gestion d’une copropriété notamment par la demande croissante en termes de sécurité et de maintenance des installations. Troisièmement le style architectural des constructions qui penchent de plus en plus vers des complexes immobiliers fermés composés de plusieurs immeubles ou villas. Le premier facteur a poussé les copropriétaires vers un désintérêt d’une responsabilité qui, rappelons le, pourrait aller jusqu’au pénal en cas de négligence avérée du syndic. Le second facteur qui est financier a imposé l’efficacité d’un tierce professionnel en termes de recouvrement pour préserver la relation de voisinage des aspects pécuniaires. Et pour finir, les complexes immobiliers ont rendu la gestion bénévole quasi impossible avec l’accroissement du nombre de lots et de parties communes à gérer. La nouvelle loi 106-12 qui modifie et complète la loi 18-00 a aussi officiellement réglementé l’activité des sociétés de syndic professionnelle par l’article 19 qui introduit la notion de la personne morale exerçant à titre libéral la profession de gestion des immeubles. Le recours à une société de syndic professionnelle est devenu ainsi une quasi évidence pour les copropriétaires afin de préserver leur patrimoine de la détérioration et un quasi argument de vente pour le promoteur qui met en avant une gestion professionnelle et transparente de la copropriété.

Le cadre légal répond-il aux exigences et surtout aux contraintes du métier ?
Je dirais non même si le législateur a fait des efforts avec l’introduction de la loi 106-12, le cadre légal de la copropriété reste flou au niveau des tribunaux qui ne statuent pas sur les litiges mettant cela systématiquement au rejet pour cause de non habilité du tribunal. La loi sur la copropriété reste encore une nouveauté aux tribunaux et l’arsenal juridique doit encore parfaire le temps de le nourrir de la jurisprudence.

Qu’est-ce qui reste à faire au niveau réglementaire pour garantir aussi bien le droit du professionnel du syndic que celui des acquéreurs ?
La relation entre le syndic professionnel et les acquéreurs est maintenant une relation légale régie par les termes de la loi 18-00 modifiée qui protège les deux parties. Concernant les sociétés de syndic en cas de litige nous nous retrouvons face à un client dont le statut associatif rend les procédures judicaires très longues et compliquées. Pour ce qui est des acquéreurs, le législateur peut faire beaucoup de choses, par exemple : instaurer des pénalités de retard pour inciter les mauvais payeurs à rapidement régulariser leurs situations, comme cela se fait dans d’autres pays. Rendre la remise de la liste des acquéreurs avec CIN obligatoire par le promoteur, instaurer l’obligation d’un état des lieux de réception des parties communes entre le syndicat et le promoteur, donner aux autorités locales le droit d’ordonner les corrections d’infractions commises dans les parties communes sans passer par un tribunal, donner aux autorités locales le pouvoir de mieux régir les locations notamment celles à courte durée en collaboration avec les syndicats, affecter par les autorités d’urbanisme des architectes d’Etat responsables de l’évolution d’une zone affectée avec au minimum une visite annuelle des lieux obligatoire, rendre la tenue d’un cahier de bord des installations techniques obligatoire par la loi, rendre l’assurance multirisque habitation et la responsabilité civile dite RC des parties communes obligatoire…et la liste de nos propositions est longue…il y a matière !

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans votre exercice quotidien ?
Les principales difficultés que nous rencontrons dans l’exercice de notre activité sont d’abord celles liées à la compréhension de la notion de copropriété et respect du règlement de la copropriété. Nous continuons à expliquer par exemple à nos copropriétaires que la façade est une partie commune et que toute transformation au niveau des ouvertures est interdite. Il y a aussi la relation de cause à effet qu’instaure un copropriétaire dans son processus de paiement des charges, à savoir, «je dois voir le résultat ensuite je paye» or les cotisations sont des appels de fonds qui permettent de financer la survie de la copropriété hors aspect investissement. Ensuite il y a les réserves liées aux parties et équipements communs que peut laisser le promoteur et qui enveniment la vie en copropriété faisant l’amalgame entre le syndic et les finitions d’un promoteur.

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