La médina de Fès fait partie de ces villes arabo-musulmanes qui ont connu une évolution harmonieuse au niveau urbain et social, a souligné l’architecte urbaniste Kamal Raftani, chef du département des études et de la planification à l’Agence pour la dédensification et la réhabilitation de la médina de Fès (ADER-Fès).
Intervenant dans le cadre d’une conférence sur la médina de Fès classée par l’Unesco ville mondiale de l’humanité, M. Raftani a indiqué que la morphologie et l’organisation actuelles de l’espace urbain médinal sont l’aboutissement d’un long processus d’accumulation historique et d’actions ponctuelles et globales de façonnement de l’espace. Elles se sont déroulées, a-t-il relevé, sans rupture ou bouleversement notoires, permettant ainsi l’épanouissement d’une société urbaine globalement stable au fil des siècles. Faisant une lecture de l’espace médina se limitant aux aspects physique et morphologique, l’intervenant a fait état de l’existence d’une structure très hiérarchisée.
Cette hiérarchie, a-t-il expliqué, se traduit par des axes de circulation "fonctionnels", qui vont des axes principaux d’activité à ceux secondaires qui desservent les derbs et les impasses résidentielles.
Elle se traduit également par la diversité des activités socio-économiques, que l’on soit des impasses quasi désertes ou au centre de la cité parcouru par une foule colorée et besogneuse. La hiérarchisation concerne également des équipements collectifs, tels que ceux de la mosquée-université, avec les medersas satellites et spécialisées et ceux d’infrastructure et de répartition des eaux insérées dans un réseau en branches et en nœuds de plus en plus serrés, à mesure que les parties desservies sont situées au niveau de petites unités de voisinage. Cet aspect hiérarchique, a-t-il ajouté, était sous-tendu par une organisation communautaire s’organisant en de multiples cercles concentriques de solidarité, partant de la famille, aux voisins du quartier "derb", aux secteurs historiques de la médina, à la communauté confessionnelle et, enfin, à la communauté médinale dans son ensemble.
Le paysage architectural de la médina de Fès possède une grande richesse qui se manifeste au niveau de la typologie formelle et fonctionnelle et de la diversité du langage architectural utilisé dans les différentes oeuvres bâties. Deux composantes architecturales, monumentale et domestique, se distinguent. La première qualifiée "d’officielle" est constituée de bâtiments à caractère défensif ou "militaire" (forteresses, portes et murailles de la ville etc.), de grandes résidences officielles (bâtiments administratifs) ainsi que d’équipements publics importants.
La seconde comprend des espaces ayant des fonctions, résidentielle (maisons, riyads, palais), commerciale et de production (ateliers de production artisanale, souks et unités commerciales, fondouks).
Concernant les interventions contemporaines sur l’espace de la médina, M. Raftani a noté que dès le début du 20ème siècle, la médina de Fès allait connaître de profonds bouleversements au niveau de ses structures urbaine, sociale et économique.
Ces bouleversements accentués vers la deuxième moitié du 20ème siècle, se sont manifestés par un exode rural massif vers la ville, le départ d’une partie de la population de la médina (la plus aisée) vers la ville nouvelle puis vers d’autres villes, la densification de l’espace médinal et la paupérisation de sa population.
La médina rentre ainsi dans un cycle de dégradation de son espace physique. Devant cette situation alarmante, les pouvoirs publics marocains ont mis en place, vers le début des années 1980, le processus de sauvegarde de la médina de Fès.
En 1981, la médina de Fès, a-t-il rappelé, figure sur la liste du patrimoine mondial et en 1985, la campagne internationale pour la sauvegarde de Fès a été lancée par le gouvernement marocain et l’UNESCO d’où la création en 1989 de l’Agence chargée de la sauvegarde de la médina de Fès (l’ADER-Fès).
C’est ainsi que plusieurs opérations de restauration de monuments et de réseaux d’eau traditionnels, d’interventions sur le bâti menaçant ruine ont été lancées dès le début des années 90 et, en 2000, le projet de réhabilitation de la médina financé par des prêts de la Banque mondiale. Portant sur l’habitat et le développement communautaire, les infrastructures et les équipements, le développement touristique et l’amélioration du paysage urbain, le renforcement institutionnel, ce projet revêt une importance capitale pour la médina de Fès, grâce notamment aux effets démonstratifs et aux dynamiques positives qu’il allait initier.
Il s’agit, selon M. Raftani, d’un projet de développement de la vieille cité Idrisside reposant avant tout sur ses potentialités culturelles et historiques intrinsèques.