Vaincre les bidonvilles est un grand défi que fait face le Maroc actuellement. Les départements gouvernementaux intéressés par l’éradication de ce fléau sont appelés à doubler d’efforts pour d’un côté, mettre fin à cette hémorragie d’habitat insalubre, et de l’autre de trouver un foyer décent à ces centaines de milliers de Marocains qui vivent dans des conditions qui sont loin d’être humaines.
Programmes et plans d’actions se succèdent avec, comme principal objectif, d’assurer un toit à chaque famille marocaine. Mais il semblerait que les constructions en dur sont en effet loin d’attirer les bidonvillois. Ces derniers leur tournent apparemment le dos. Dans plusieurs villes du Royaume. A Fès par exemple, 2000 lots de recasement sont aménagés et près de 650 appartements, d’une superficie moyenne de 80 m2, sont prêts.
Bénéficiant à des ménages des bidonvilles Aïn Smen pour les premiers et Douar Lâaskar pour les seconds, ils demeurent depuis trois mois sans preneurs. Et pour cause, aucun ménage bénéficiaire de cette opération ne s’est présenté pour réceptionner son lot ou son appartement. La raison invoquée est toute simple : la pauvreté. «La population bidonvilloise refuse catégoriquement de participer par le moindre centime.
Ces familles veulent avoir accès à un habitat décent gratuitement, ce qui est en parfaite contradiction avec les termes de la convention signée préalablement», estime ce responsable du ministère chargé de l’Habitat et de l’Urbanisme, département dont les services, signalons-le, disposent d’une cartographie claire et parlante des différents bidonvilles du Maroc. «Les différentes études que nous menons à l’occasion de chaque programme de relogement ou de recasement démontrent que la majorité des ménages bidonvillois peuvent se permettre de vivre ailleurs, si les conditions leur sont favorables. Ce ne sont que 10 à 15 % des habitants des bidonvilles au Maroc qui sont trop pauvres et donc incapables de prendre en charge une partie du relogement», précise la même source.
Cet argument d’extrême pauvreté demeure irrecevable de la part des autorités. « La population en paie que le tiers du coût global du logement ou du lot. Dans la plupart des cas, elle n’est appelée à payer que 15 à 20 % de ce coût ce qui, dans le cas des lots fassis, ne dépasse guère 12.000 dirhams ». Le ministre délégué chargé de l’Habitat et de l’Urbanisme renchérit dans ce même sens en déclarant qu’il est hors de question d’offrir des logements ou des lots gratuits à cette tranche de la population. « Tout le monde préfèrerait alors habiter une baraque et ce serait créer de nouveaux problèmes encore plus grands alors qu’il nous faudrait mettre fin à celui de l’habitat insalubre ».
Un autre problème n’est pas pour leur faciliter la tâche, l’exécution qui dépasse, dans plusieurs cas, les prévisions initialement établies. «Le rythme de production des unités d’accueil des ménages commence à dépasser le rythme de transfert. Ceci est essentiellement dû aux différentes carences enregistrées en matière de gestion sociale de ce transfert des bidonvilles dans de nombreuses villes du Royaume», explique Ahmed Taoufik Hejira. Cette situation pénalise grandement les opérateurs publics (Al Omrane et Erac) qui, de part leur vocation, sont les premiers concernés en matière de lutte contre l’habitat insalubre.
La solution serait, toujours selon le ministre chargé de l’Habitat et de l’Urbanisme, le recours au financement international pour aider
cette population trop vulnérable à acquérir un logement décent. « La meilleure manière de traiter ce genre de problèmes est d’agir au cas par cas, tout en s’assurant un unique et seul traitement de tous les dossiers. « Une règle est indispensable dans toute opération de relogement ou de recasement. Aucun bidonville ne sera bénéficié au détriment d’un autre dans le traitement », ajoute Mme Cherkaoui, responsable de plusieurs opérations du genre au sein d’Al Omrane Tétouan ; cette ville qui, signalons-le, a connu le lancement de la première opération d’habitat inscrite dans le cadre de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH).
Il est à noter que le programme «Villes sans bidonvilles», lancé en juillet 2004, devrait, à terme, toucher près de 212.000 familles dans 70 villes du Royaume avec un coût global de 17,1 milliards de dirhams dont 5,4 milliards pris en charge par l’Etat. Plus d’une année après son lancement, près de 20.300 ménages ont d’ores et déjà bénéficié de ce programme dans de nombreuses régions du Royaume. Ainsi, et sur un total de 77 conventions-villes à établir, 41 ont déjà été signées et leur exécution avance à pas de géant.