En réponse à une question de la salle, lors d’un débat organisé par le Lions Club Casablanca Doyen, le directeur général des Impôts, Nourredine Bensouda a, non sans humour, situé le problème du «noir» dans l’immobilier dans son vrai contexte.
Selon le directeur des Impôts, il faut couper avec l’hypocrisie installée. «Tous les acteurs de l’immobilier ainsi que l’Administration fiscale sont bien conscients que le noir a la dent dure. L’usage a voulu que le plus souvent, lors de chaque nouvelle acquisition, seulement 70% du prix vénal est déclaré», précise Nourredine Bensouda. Toutefois, sans en limiter l’impact, le directeur des Impôts reste déterminé à livrer bataille contre cette évasion bien répandue, «mais en collant en mieux à la réalité marocaine», tient-il à préciser. Il a d’ailleurs bien démontré ce fait par le passé.
Lorsque des voix se sont élevées pour dénoncer le redressement systématique, suite à l’acquisition de son bien immobilier, le directeur des Impôts avait demandé la stricte application des normes en la matière, sans que cela ne soit de manière systématique. Une note interne de l’administration des Impôts fixe à 30 % le seuil minimal des transactions immobilières qui doivent être contrôlées en vue d’un redressement éventuel Par contre, pour mieux cerner ce phénomène, il faut tout d’abord parcourir ces différents niveaux.
Sur le plan juridique, l’expression «noir» n’existe ni dans le dahir des obligations et des contrats, ni dans le code de Commerce. La pratique y est décrite et condamnée sous tous ses aspects. Par définition, le «noir» reste le montant que l’acquéreur d’un bien immobilier ou foncier paie et ne déclare pas aux services de l’enregistrement, c’est-à-dire au fisc. À l’exception du logement social et quelques sociétés biens structurées, force est de constater que le noir existe presque partout…
De manière globale, le noir concerne les logements de moyen et haut de gamme. Les montants versés hors contrat varient entre 20 et 30% du prix vénal. Pour les promoteurs versés dans cette pratique, le noir constitue la compensation, légitime, selon eux, des dépenses hors facture. Dès le départ du chantier, les propriétaires de terrains, qui ont souvent acquis ces terrains ou les ont hérités, cherchent à minimiser l’impôt au moment de la vente. Une partie de la cession passe hors contrat et elle se chiffre le plus souvent en millions de dirhams. S’y ajoutent, les différentes procédures administratives source d’une corruption installée et incontournable. Des dérogations, aux autorisations de construire, passant par les permis d’habiter, le promoteur est tenu de bien huiler les rouages, s’il tient à gagner un temps précieux.
Enfin, les fournisseurs travaillant dans l’informel constituent des charges multiples. Le moyen et le haut de gamme font appel à une multitude d’artisans. Ainsi que les commerçants qui fournissent les matériaux de construction pour les gros-oeuvres (ciment, gravettes, sable, fer…). Ces structures informelles, situées en amont du procès, donnent lieu à des moyens de récupération des fonds décaissés hors facture au moment de la vente des produits finis. Pis, même le système financier s’est trouvé impliqué dans ces histoires. Le jeu est tellement rodé que les institutions financières, bien structurées évidemment, ont trouvé l’astuce pour ne pas bloquer un filon juteux de leur métier. Ainsi, le crédit logement intègre le noir parmi ces paramètres de négociation. Si la situation financière du client le permet, le financement peut atteindre les 100% de la valeur vénale du logement.
Sur le papier, le terme «noir» n’existe pas. Mais la fragmentation du crédit révèle sa présence. Plusieurs banques proposent en effet un prêt immobilier à hauteur de la valeur déclarée dans le contrat de vente jumelé à un autre prêt appelé le plus souvent «crédit d’aménagement» ou «crédit personnel». Alors que l’hypothèque, elle, porte sur la valeur totale du logement. La banque valorise le bien à un niveau supérieur à la valeur déclarée dans le contrat.